C'est une visite à double portée, pastorale et nationale, qu'effectue depuis hier le patriarche Béchara Raï à Johannesburg. Une visite de cinq jours (18-23 mai) au cours de laquelle il doit notamment inaugurer aujourd'hui un nouveau bureau de la Fondation maronite dans le monde, le premier après le vote de la loi sur le recouvrement de la nationalité en décembre dernier. Le patriarche est accompagné d'une délégation de la Fondation maronite dans le monde comprenant son nouveau président, Nehmat Frem, et les membres de son conseil de tutelle, Rose Choueiri, Rita Ghosn, Hyam Boustany et Youssef Doueihi. Un homme d'affaires sud-africain, John Chelala, propriétaire de l'une des plus grandes imprimeries d'Afrique du Sud, en a par ailleurs saisi la vision et embrassé la cause.
Car c'est surtout de vision nationale que les hommes politiques maronites du Liban semblent avoir manqué, ces dernières années, en laissant traîner ce dossier plus longuement qu'il ne le fallait. Désormais, ils cherchent à se ressaisir dans la conscience qu'en définitive, c'est le Liban du vivre-ensemble et du pluralisme qu'ils défendent en incitant les maronites (mais pas exclusivement) à renouer avec leurs racines et à faire figurer leurs noms de nouveau sur les registres d'état civil. Ce faisant, la fondation espère aussi envoyer aux chrétiens résidents un signal fort qui leur dirait : « Ne quittez pas le pays, et si vous êtes contraints de le quitter, ne le désertez pas mentalement. Protégez vos racines et les droits qui vont avec. »
(Lire aussi : Michel Eddé aux jeunes de l’Académie maronite : « Vous êtes un Liban qui s’ignore »)
La communauté maronite de Johannesburg paraît exceptionnellement sensible à cette logique. C'est l'impression laissée hier par les invités de la garden party que l'ambassadeur du Liban en Afrique du Sud, Ara Khatchadourian, a organisée en l'honneur du patriarche, à laquelle ont répondu présent une trentaine d'ambassadeurs ainsi que le cheikh Wissam Choucair, le représentant du Conseil supérieur chiite en Afrique du Sud. Mais ce regain d'intérêt est prudent, car motiver les Libanais d'ascendance n'a pas toujours été facile. Cela fait des années que Youssef Doueihi, cerveau de la Fondation maronite, s'efforçait avec toute l'équipe de lancer cette dynamique. Mais l'obstructionnisme aidant, une seule démarche pouvait mettre jusqu'à cinq ans pour aboutir. Avec la nouvelle loi votée, beaucoup d'obstacles ont sauté et normalement, la procédure devrait être bien plus rapide. On verra bien.
Voilà donc ce que le patriarche Raï est venu faire en Afrique du Sud, sans oublier les visites pastorales à deux paroisses maronites animées par l'ordre missionnaire libanais, et en particulier l'inauguration d'un pavillon sportif dans l'école récemment fondée par cet ordre.
(Pour mémoire : Hommage marqué de Raï à l’action de la Fondation maronite dans le monde)
Efforts concertés
Ce qui est sûr, c'est que ce sont des efforts concertés qu'il faudra déployer pour réussir. Sans la fondation rien ne se ferait, certes, mais à cette impulsion, il faut deux relais essentiels : l'Église locale et les ambassades, qui ont la charge de réveiller l'amour du Liban et de le nourrir dans les communautés qu'elles servent.
À cet égard, l'Afrique du Sud a la chance d'avoir eu une succession d'ambassadeurs dont le dernier en date, Ara Khatchadourian, concilie avec bonheur efficacité et amabilité, et multiplie les activités culturelles : présentation de la pièce de Betty Taoutel, projection du dernier film de Philippe Aractingi, accueil de la sélection nationale libanaise de rugby et d'autres activités qui rassemblent la colonie.
Mais le patriarche a beau faire, il est poursuivi où qu'il aille par les incessantes questions de ceux qui lui demandent de réagir à l'actualité libanaise ou régionale. C'était hier celle portant sur le sort des réfugiés qui surgissait, pour la millième fois, après une déclaration maladroite de Ban Ki-moon. « Je suis pour un retour non pas facultatif, mais obligatoire des réfugiés, a-t-il ainsi répété à l'ambassade du Liban. La responsabilité des Syriens réfugiés au Liban est du ressort non du Liban, mais de la Syrie. Que l'on trouve en Syrie, qui est 18 fois plus grande que le Liban en superficie, des lieux sûrs pour leur résidence provisoire et que tout l'or qu'on nous promet aille à la Syrie. »
Pour mémoire
Des institutions maronites à l’honneur en Afrique du Sud
commentaires (10)
JOUE-T-IL LE JEU DE L,EXODE... INCONSCIEMMENT... C,EST ICI QU,IL DOIT SE TROUVER ET NON AILLEURS !
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 26, le 20 mai 2016