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Faire, refaire, défaire...

À triturer les brassées de pétales de rose, on tombe inévitablement sur quelques épines, plus ou moins acérées. Entourée de sincères marques d'appréciation, la brève visite au Liban du président François Hollande n'a pu que donner lieu, aussi, dans l'ambiance feutrée des entretiens officiels, à de pressants souhaits, des suppliques, des appels à l'aide, des regrets courtoisement formulés. Bien plus sévères cependant auront été les reproches, allant même parfois jusqu'aux accusations de lâchage, qui ont circulé sur ces affiches murales de dimension planétaire que sont les réseaux sociaux.


Navrante impuissance ici, espérances démesurées là, c'est un double devoir que commande cette équation. Devoir de constance, de suivi, éventuellement de sacrifice pour celle qui fut la conceptrice, la proverbiale tendre mère du Liban ; et devoir de réalisme, de prise de conscience et de reprise en main pour les fils de ce pays. Qu'il s'agisse du sanguinaire régime de Bachar el-Assad, de Daech ou des autres cauchemars régionaux, le président Hollande aura été le plus lucide, le plus conséquent des leaders occidentaux ; mais bousculé de surcroît chez lui, il n'a jamais eu les moyens de sa politique car, sur le théâtre du Levant notamment, la France a dû s'effacer devant des puissances bien plus considérables.


Le général Gouraud sur les marches de la Résidence des Pins, entouré des chefs spirituels lors de la proclamation de l'État du Grand Liban ; et sur les mêmes lieux, un spectaculaire, un émouvant remake de l'événement autour de François Hollande... Entre ces deux images reproduites côte à côte par plus d'un média, il n'y a pas seulement un siècle d'écart. C'est en réalité tout un monde qui les sépare, un monde qui n'est plus celui où l'on s'activait à bâtir des États sur les ruines de l'Empire ottoman, dans le cadre des accords Sykes-Picot. Dans le monde d'aujourd'hui on s'acharne, au contraire, à altérer, à défigurer, sinon à dépecer ou à renvoyer dans les limbes plus d'une de ces entités apparues au Proche et au Moyen-Orient.


Pour tout dire, il n'est plus dans le pouvoir ou les attributions de la France de proclamer une quelconque re-naissance du Liban, grand ou petit. Plus que par les diktats des puissances, c'est d'abord par la volonté des Libanais eux-mêmes que ce pays se re-fera ou non. Car quitte à abuser du verbe faire, on peut fort légitimement demander ce qu'ils ont fait de leur pays, activement aidés en cela par de malveillantes ingérences étrangères. D'un embryon de peuple ils ont fait non point une nation mais un vague conglomérat de peuplades. Ils continuent de bien faire, avec toutes ces querelles sectaires qui n'épargnent même pas les services de renseignements, à l'heure où le Liban a besoin de tous ses yeux et oreilles pour faire échec au terrorisme et à la subversion. Et ils font de mieux en mieux, avec cette intarissable cascade de scandales, avec cette corruption qui a gangrené une large partie du personnel politique dans la plus révoltante impunité.


1920/2016 : tout autour de nous, l'histoire, cruelle ou clémente, est en marche. Nous faisons furieusement, stupidement, marche arrière ; encore trop heureux si nous devions un jour regagner la case départ.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

À triturer les brassées de pétales de rose, on tombe inévitablement sur quelques épines, plus ou moins acérées. Entourée de sincères marques d'appréciation, la brève visite au Liban du président François Hollande n'a pu que donner lieu, aussi, dans l'ambiance feutrée des entretiens officiels, à de pressants souhaits, des suppliques, des appels à l'aide, des regrets courtoisement...