Bien que placé sous le signe d'une ultime tentative de déblocage de la présidentielle, le retour inattendu de l'ancien Premier ministre, Saad Hariri, aura pour le moins réussi jusque-là à colmater les brèches entre le courant du Futur et les Forces libanaises, sans pour autant aboutir à modifier les positions respectives de part et d'autre concernant les candidats. En dépit de la valse des responsables politiques et des diplomates à la Maison du Centre avec pour principal sujet de discussion l'échéance présidentielle, le statu quo sur ce dossier semble bien installé.
Très attendu, le discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, aura laissé tout le monde sur sa faim. Le chef du parti chiite, qui a royalement ignoré la question présidentielle, a concentré ses attaques sur Israël et ses « nouveaux protégés, les États sunnites ».
L'occultation par Hassan Nasrallah du principal sujet libanais n'a toutefois pas surpris outre mesure les milieux du 14 Mars, où l'on souligne avoir su à l'avance que la question présidentielle ne sera pas au menu de l'intervention du chef du Hezbollah.
Aux yeux du parti lui-même, cette « omission » s'inscrit dans le contexte du statu quo qui prévaut actuellement, « aucun élément nouveau n'ayant transparu à ce jour. S'il avait évoqué ce sujet, cela aurait été une redite et le secrétaire général n'aurait fait que répéter les positions du parti déjà connues de tous », a commenté une source proche du Hezbollah.
La logique défendue au sein de cette formation est celle de la « clarté et de la constance du discours quant au choix de son allié, Michel Aoun, comme candidat ». La source a indiqué ne pas comprendre d'ailleurs l'énigme que représente « l'insistance » de Saad Hariri à ne pas lâcher son candidat, Sleiman Frangié, et à refuser d'avaliser le chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun.
« Pourtant, M. Hariri a déjà dépassé l'obstacle représenté par l'appartenance du candidat au camp du 8 Mars. Pourquoi ne veut-il pas lâcher prise puisque les deux candidats soutiennent les mêmes principes concernant leur soutien au Hezbollah et à sa ligne politique, qui sont et resteront chez l'un ou l'autre immuables? Quelle différence y a-t-il entre le profil politique d'un Sleiman Frangié et celui de Michel Aoun ? » s'interroge encore la source. La réponse est à rechercher, selon lui, dans le refus catégorique de l'Arabie saoudite de voir M. Aoun accéder à la première magistrature, un refus auquel serait tenu Saad Hariri.
La thèse opposée selon laquelle ce serait plutôt l'Iran qui bloquerait le processus électoral est « à balayer d'emblée, l'Iran ayant réitéré à plusieurs reprises, notamment devant ses interlocuteurs français, que l'échéance est exclusivement libanaise et qu'il revient au Hezbollah de trancher à ce sujet », ajoute encore la source chiite.
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Du côté du 14 Mars, on estime que le mutisme de Hassan Nasrallah concernant les dossiers internes, la présidentielle en l'occurrence, peut s'expliquer soit par le fait qu'il voudrait laisser le champ ouvert aux négociations, soit qu'il persiste tout simplement dans son message à vouloir un président « désigné d'avance, voire parachuté ».
Une méthode que les forces du 14 Mars n'approuvent aucunement : le mot d'ordre hier à la Maison du Centre étant à une élection « démocratique, effectuée dans le respect des règles constitutionnelles ». Trois candidats sont en lice, que les parlementaires fassent acte de présence pour élire l'un d'entre eux et que le meilleur gagne, répètent à l'envi les tenants de cette thèse.
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D'ailleurs, souligne une source informée, bien que divisés sur le profil du candidat à élire, et en dépit du fait que les relations personnelles ont été sérieusement perturbées par le jeu du choix de candidats concurrents, les différentes composantes du 14 Mars ont cependant réussi à trouver un terrain d'entente autour de la nécessité du respect inconditionnel de l'enjeu démocratique. Ont également cautionné cette règle d'or le leader druze Walid Joumblatt, mais aussi le chef du Parlement, Nabih Berry, qui a appelé sans détour les parlementaires à faire acte de présence pour élire un chef d'État. Cette nouvelle harmonie sur la nécessité du respect des mécanismes constitutionnels a fait dire à un observateur que la thèse avancée par le Hezbollah, selon laquelle la composante sunnite avait l'intention de « boycotter la séance électorale si la "victoire" du général Aoun est pressentie, a été invalidée ». Une « rumeur » également démentie par Saad Hariri lui-même.
Contrairement à son discours virulent à l'égard du Hezbollah dimanche dernier au Biel, le chef du courant du Futur a mis de l'eau de son vin hier en s'abstenant d'accuser le parti chiite de bloquer l'élection. « Le Hezbollah prend juste son temps », a-t-il dit. « Je voudrais justement faire pression dans le sens d'une participation assurée du Hezbollah », a ajouté le chef du courant du Futur.
Une attitude qui a été saluée par le parti chiite par la bouche d'un responsable qui affirme préférer le « style modéré, même si les divisions politiques devaient persister ». À ce sujet, le responsable chiite croit savoir que le nœud gordien de l'élection présidentielle n'est pas prêt de se défaire, ni dans le court ni dans le moyen terme, « tant qu'une entente ne s'est pas encore dégagée ». C'est le même pessimisme qui a été répercuté hier parmi les proches de M. Hariri, qui se disent convaincus que le climat « n'est pas encore propice ».
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commentaires (24)
BRAVO !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
03 h 01, le 18 février 2016