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Culture - Photomed

Des morts, des saints et des footballeurs...

Regard sociologique post-mortem pour l'une et prises de vues massives pour l'autre, Emma Grosbois et Arno Brignon, deux photographes français à découvrir à l'Institut Francais du Liban. Ou quand les clichés balancent entre mise en scène simple et mise en nature grandiose.

Regard sociologique post mortem pour l’une et prises de vues massives pour l’autre, Emma Grosbois (notre photo, DR) et Arno Brignon, deux photographes français à découvrir à l’Institut francais du Liban. Ou quand les clichés balancent entre mise en scène simple et mise en nature grandiose. Une ode aux morts, aux saints, aux footballeurs... et aux paradis fiscaux miséreux...

La curiosité n'est pas un vilain défaut, c'est une très belle qualité, nécessaire aux artistes et notamment aux deux photographes français qui exposent à l'Institut français du Liban, dans le cadre de Photomed, festival photographique itinérant centré sur la Méditerranée.

Contrairement à beaucoup d'artistes exposés sous les cieux libanais en général, les deux photographes ont décidé de passer 10 jours au pays du Cèdre pour le découvrir et même, pour Emma Grosbois, d'y commencer un nouveau travail photographique sur les intérieurs. L'artiste propose par ailleurs à Beyrouth un travail intitulé Ceux qui nous regardent, centré sur la survivance des autels dans les lieux quotidiens à Palerme, en Sicile. Cette pratique spécifique à l'Italie du sud – sous forme d'assemblage kitsch de photos, objets ou souvenirs – est en fait une tradition millénaire qui en dit long sur la sociologie de l'époque et les nouvelles adorations. Pour célébrer leurs morts, les habitants de ces quartiers font ce qu'on appelle des lare sur des meubles, ou à même les murs, où ils accumulent photos des défunts, des églises du quartier et autres portraits d'idoles modernes : saints, footballeurs ou chanteurs. Cette dévotion aux morts est une manière de porter chance et de protéger les vivants.

Par leur mise en scène simple et respectueuse, les photos de Grosbois rendent superbement cet éclectisme et cette diversité, et donnent une nouvelle dimension à la dichotomie sacré/profane chère à Mircea Eliade, faisant de ces rébus modernes de parfaits portraits de la capitale sicilienne et des scènes particulièrement intéressantes à regarder, offrant aux visiteurs la possibilité de s'accaparer les photos tout en cherchant les sens plus ou moins cachés.

 

(Lire aussi : Dans le regard de Boubat, la lumière des vivants)

 

Ci-gît Gibraltar
De l'autre côté de la Méditerranée, se trouve l'Espagne, et le travail d'Arno Brignon. Intitulé Free Doors to Spain, il porte sur trois villes espagnoles, Gibraltar, Ceuta et le Pas de la Case. Trois villes au statut ambigu, faisant partie d'un territoire tout en appartenant à un autre. Trois exceptions fiscales. Trois paradis pouvant aussi ressembler à un enfer.

À Beyrouth, ne sont présentées que les œuvres prises à Gibraltar (dérivé de l'arabe Djebel Tariq), portraits d'un territoire minuscule, objet de conflits diplomatiques permanents entre l'Espagne, où il se trouve, et l'Angleterre, auquel il appartient. C'est donc à la fois un village et un paradis fiscal légalisé, où l'on trouve 18 000 entreprises enregistrées pour 30 000 habitants. La pauvreté y est très présente, côtoyant les banques et cabinets d'avocats spécialisés dans la défiscalisation. Arno Brignon a photographié ce territoire paradoxal, en argentique noir et blanc, à l'aide de son compact. Un appareil photo on ne peut plus banal, mais le talent de l'artiste en fait une arme de prises de vues massives, montrant une ville loin des clichés habituels, plus humaine, presque normale, créant une atmosphère quasi gothique et très forte, donnant à ce paradis du sud des airs de villes minières. Le contraste est saisissant.

L'exposition à l'Institut français du Liban dure jusqu'au 10 février et vaut deux fois le détour. Vous trouverez les autres œuvres des artistes sur http://emmagrosbois.ultra-book.com / et http://www.arno-brignon.fr

 

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