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Liban - Incinérateurs

Le bras de fer se poursuit autour de l’installation de Dhour Choueir

Le ministre de l'Environnement ordonne la fermeture du site, les propriétaires du projet refusent. Une confrontation en perspective.

Cette fumée blanche se dégageant de l’incinérateur de Dhour Choueir lundi a suscité de nombreuses interrogations. Selon Fadi Abboud, il s’agissait de tests, sachant que l’installation n’a pas encore fonctionné.

Des communiqués réguliers du ministère de l'Environnement sur sa décision de sceller l'incinérateur de Dhour Choueir à la cire rouge (doublée d'une demande d'interdiction de l'importation de tout incinérateur sans permis adapté, adressée aux douanes)... ont suscité d'acerbes réponses de la part des propriétaires de cet incinérateur, le ministre Élias Bou Saab et l'ancien ministre Fady Abboud. L'incinérateur installé à Dhour Choueir, qui devrait être géré par la municipalité, suscite une polémique depuis son installation, il y a environ deux mois, mais jamais autant que ces derniers jours.

Et pour cause. Le ministre de l'Environnement, Mohammad Machnouk, exige une étude d'impact environnemental avant que la machine ne puisse fonctionner. MM. Bou Saab et Abboud lui répondent par la négative, estimant que son ministère n'a pas la prérogative de poser une telle exigence, et que les études d'impact ne sont pas possibles en l'absence de critères imposés à la base par l'État pour l'achat d'incinérateurs.

M. Machnouk explique à L'Orient-Le Jour la teneur de sa position. « Les incinérateurs ne peuvent être introduits dans le pays sans les permis adéquats, ils ne peuvent fonctionner sans l'approbation des ministères de l'Environnement et de l'Industrie », explique-t-il. Sans vouloir répondre à ce qu'il a considéré comme des « provocations » de la part des deux hommes politiques, il confirme que la loi libanaise, notamment le code de l'environnement et ses décrets exécutifs, apporte une liste de critères à respecter (qu'il a publiée hier dans la presse), et consacre le principe des études d'impact environnemental. Celles-ci doivent être présentées au ministère de l'Environnement en attente de son approbation. « Comment importent-ils un incinérateur sans s'informer sur la loi et sans prévenir les autorités compétentes ? » se demande-t-il.

(Lire aussi : Polémique entre M. Machnouk et Bou Saab autour de la fermeture de l'incinérateur de Dhour Choueir)

M. Machnouk, qui dit avoir envoyé ses équipes sur place, affirme que l'engin n'est pas doté de filtre. Il rappelle qu'un incinérateur, installé à Chekka il y a quelques années, n'a jamais été autorisé à fonctionner parce qu'il n'était pas conforme aux normes. « Les filtres coûtent plus cher que l'incinérateur lui-même et doivent être changés tous les huit mois à peu près, affirme-t-il. Si ces incinérateurs se multiplient dans les régions, qui serait prêt à se conformer à ces exigences ? »

Il dit craindre que le phénomène ne se généralise sans respect suffisant pour les lois. « Plus de neuf municipalités m'ont déjà contacté pour demander si elles peuvent importer des incinérateurs, révèle M. Machnouk. Je leur ai demandé d'obtenir les permis nécessaires et d'effectuer une étude d'impact au préalable, bref de respecter la procédure. Si tout est réglementaire, mon boulot ne sera pas d'interdire pour interdire, mais de m'assurer que tout fonctionne adéquatement. »

Un « défi » au ministre

Pour sa part, M. Abboud lance un « défi » au ministre, celui de « publier ce rapport soi-disant rédigé par son équipe, sur base duquel il demande aux autorités exécutives de sceller l'incinérateur, et qui est censé prouver que cet engin dégage des émanations nocives pour la santé ».

Pourquoi les propriétaires de l'incinérateur refusent-ils l'idée d'une étude d'impact environnemental exigée par la loi ? « Dans ce ministère, il n'y a rien qui soit blanc ou noir, répond-il. On nous demande une étude d'impact, sans nous préciser suivant quelles spécifications. Pourquoi n'adoptent-ils pas simplement les critères de l'Union européenne, par exemple ? Ce serait clair. »
Il ajoute : « La décision du ministre vise à interdire l'entrée sur le marché des incinérateurs de déchets. Qu'en est-il des fours industriels ? Ceux-ci ne polluent-ils pas ? Si sa décision était réellement environnementale, elle aurait englobé toutes les installations de ce type. »

(Lire aussi : Incinérateurs : Le ministère de l'Environnement met en garde contre toute « entorse aux lois »)

M. Abboud va même plus loin dans son raisonnement, estimant que « l'objectif de la démarche est d'empêcher les propriétaires de l'incinérateur de prouver aux Libanais qu'il y a une alternative à cette ultracoûteuse option d'exportation des déchets », décidée par le gouvernement en décembre. Ce que M. Machnouk nie sans détour. « Cet incinérateur ne peut constituer une solution si cette solution n'est pas acceptable, insiste-t-il. Ce modèle précis est fabriqué pour des déchets particuliers pas pour des déchets ménagers très divers. »

Sur cet incinérateur, d'une marque britannique « Inciner8 » (à prononcer « incinerate » en anglais), M. Abboud soutient qu'il répond aux critères des incinérateurs de déchets ménagers, et qu'il sera doté d'un filtre, en route vers le site. Il explique également qu'il est pourvu d'un système qui brûle les gaz dégagés à plus de mille degrés, « une condition acceptable en Europe », pour empêcher les effets néfastes de la pollution, avec une technique de refroidissement par laquelle les problèmes des émanations et des cendres peuvent être traités de manière acceptable, toujours selon lui. « Nous comptons effectuer un tri au préalable, afin de dégager toutes les matières recyclables, dit-il. Les déchets brûlés seront organiques et inertes, à un coût de quelque 60 dollars par tonne. »

Un simple « brûleur »

Sur cet incinérateur, Raja Noujaim, un militant de la Coalition civile contre les incinérateurs de déchets, est d'un tout autre avis. Il dit qu'il s'agit de ce qu'il appelle un simple « brûleur ». Ayant consulté le site Internet de la compagnie britannique, et après s'être informé sur l'installation présente à Dhour Choueir, il indique à L'Orient-Le Jour que celle-ci « est formée de deux seules chambres de combustion faisant partie d'un ensemble beaucoup plus vaste qui, s'il était installé, aurait formé un véritable incinérateur de déchets ». Un système « qui aurait coûté beaucoup plus cher ».

Selon le militant, qui évoque ses recherches sur la compagnie elle-même, ce système, tel qu'il a été installé, est fait pour une utilisation mobile, destinée à des fonctions bien précises, pas pour une utilisation fixe en continu, comme incinérateur de déchets ménagers, avec les garanties indispensables. «Les propriétaires auraient-ils été dupés et quelles sont leurs véritables intentions ?» se demande-t-il.

Au vu de la polémique, que se passera-t-il à partir de là ? Le ministre de l'Environnement dit « avoir envoyé les documents nécessaires à toutes les autorités concernées, et avoir la conscience tranquille ». M. Abboud menace « d'un recours au Conseil d'État si cette interdiction reste en vigueur ». Vont-ils vers une confrontation ? « Cela en a tout l'air », répond-il. Quant à la coalition, elle révèle que quatre plaintes ont été déposées contre cet incinérateur au vu des risques de pollution : auprès des ministères de l'Environnement, de l'Intérieur (application des décisions), de la Santé et du procureur général pour les affaires environnementales.


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commentaires (2)

faudrait laisser cet incinateur marcher et y mettre tout nos politiciens sans aucune exception

George Khoury

09 h 26, le 15 janvier 2016

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Commentaires (2)

  • faudrait laisser cet incinateur marcher et y mettre tout nos politiciens sans aucune exception

    George Khoury

    09 h 26, le 15 janvier 2016

  • Hâmîîîhâh Haramîîîhâh ! "Des communiqués réguliers du ministère de l'Environnement sur sa décision de sceller l'incinérateur de Dhour Choueir à la cire rouge ont suscité d'acerbes réponses de la part des propriétaires de cet incinérateur ! Qui sont-ils ? Rien moins que le ministré Élias Bou Saab (EN EXERCICE !) et l'ancien ministré Fady Abboud." ! Pire que du Fattoûûûch, ces ministrés oranginés ! Äâââl "Changement woû Réformes", äâââl ! Woûlîîîh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 25, le 15 janvier 2016

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