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Nos Lecteurs ont la Parole - Carine CHAMOUN CHAMMAS

Dormir, un jour, dans ma terre natale

Il ne m'arrive plus que rarement de suivre l'actualité locale, tellement la décadence, la corruption et l'ineptie des dirigeants me soulèvent le cœur. Cependant, ces dernières semaines, mon regard est malheureusement tombé sur deux actualités qui m'ont bouleversée. Des migrants libanais : une famille entière décimée, engloutie par cette Belle Bleue, cette mer qui nous berce et nous nourrit. Une autre sauvée de justesse. Dans ces hordes qui déferlent sur l'Europe et sur nos écrans, je voyais des Syriens, des Afghans, des Kurdes, une interminable liste de peuples persécutés ; mais jamais, au grand jamais, je n'ai pensé que des compatriotes pourraient s'y trouver. Les écrans montrent des familles lambda pleurant dans des cadres tout aussi familiers, des gens que j'aurais pu connaître et pas spécialement dans une misère noire.
Que s'est-il donc passé pour qu'ayant résisté à 20 ans de guerres sauvages et tueries diverses, et à 20 ans de fausse tranquillité, on décide tout d'un coup de partir, comme des voleurs au petit matin, de laisser une petite vie pour une autre pas plus grande, dans un inconnu magnifié ? Cette question qui hante mes nuits blanches, nos responsables (nos quoi ?) ne se la sont pas posée. Et pourtant, la réponse est claire : ce n'est pas le désespoir, non, car le désespoir est une énergie motrice qui pousse de l'avant. C'est bien pire que cela, c'est la résignation, le sentiment que tout est fini, que tout est joué d'avance, que les dés sont pipés et que demain ne nous laisse aucun rôle, aucune place ;
alors on embarque son avenir, ses enfants, et on les jette dans la gueule du loup, ce loup qui serait peut-être plus miséricordieux que l'autre qui nous étouffe au jour le jour.
À l'autre extrémité de ce périple, quand, au bout de la vie, on ferme les yeux dans ce pays qui nous a accueillis, dont il a fallu apprendre langue et coutumes, on est encore désabusé. Le pays qui nous a usés jusqu'à la moelle ne nous rongera pas les os, et on se laisse embrasser par cette terre humide, froide au parfum d'épicéas et de bolets, sans aucun regret pour l'autre, rouge, chaude, aux mille odeurs de résine, de pin et de thym... et de poubelles rances.
Pourquoi blâmer la terre des errements de ses fils, lui faire porter le poids de leurs erreurs et la punir de leurs défaillances ?
Quand viendra mon tour de partir, où que je sois, j'aimerais que mes enfants me ramènent ici, sur cette terre qui m'a vue naître, qui a porté mes premiers pas, qui m'a enveloppée doucement d'effluves de gardénias, de jasmins et de fleurs d'orangers – suffisamment pour que s'estompe l'odeur du sang et de la poudre qui a frémi de mes révolutions ratées, qui aujourd'hui tremble sous mes pas pour me secouer. Car il n'est pas vrai que cette terre ne me mérite pas. Elle est bien plus grande et noble que moi. Elle est tout ce que je ne suis pas : persévérance, patience, endurance, résistance et pardon.
Dans ma langue natale, que je n'utilise pas couramment parce que ma langue de cœur est d'ailleurs, il y a une expression intraduisible que j'ai tenté d'expliquer à mes enfants : Maskat Ra'ss. Où tu nais, là est ton cœur ! Et dans l'abîme de dégoût qui nous engloutit, j'ai la naïveté de croire que s'il ne fait pas bon vivre sur cette terre aujourd'hui, il y sera infiniment doux d'y dormir un jour.

Il ne m'arrive plus que rarement de suivre l'actualité locale, tellement la décadence, la corruption et l'ineptie des dirigeants me soulèvent le cœur. Cependant, ces dernières semaines, mon regard est malheureusement tombé sur deux actualités qui m'ont bouleversée. Des migrants libanais : une famille entière décimée, engloutie par cette Belle Bleue, cette mer qui nous berce...

commentaires (2)

UN CONSEIL : GARDEZ CE SENTIMENT COMME UN SOUHAIT SEULEMENT ! ON PARTAGE VOS SENTIMENTS... MAIS QUAND ON Y VA POUR DORMIR UN OU PLUSIEURS JOURS ON VERSE DES LARMES CHAUDES SUR LE LIBAN TRÉPASSÉ QU'ON AVAIT CONNU ET SI AIMÉ ET QU'ON GARDE ENCORE ET TOUJOURS DANS LE FOND DE NOTRE COEUR...

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 44, le 27 novembre 2015

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Commentaires (2)

  • UN CONSEIL : GARDEZ CE SENTIMENT COMME UN SOUHAIT SEULEMENT ! ON PARTAGE VOS SENTIMENTS... MAIS QUAND ON Y VA POUR DORMIR UN OU PLUSIEURS JOURS ON VERSE DES LARMES CHAUDES SUR LE LIBAN TRÉPASSÉ QU'ON AVAIT CONNU ET SI AIMÉ ET QU'ON GARDE ENCORE ET TOUJOURS DANS LE FOND DE NOTRE COEUR...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 44, le 27 novembre 2015

  • Très beau ! Quand au : "Et dans l'abîme de dégoût qui nous engloutit, j'ai la naïveté de croire que s'il ne fait pas bon vivre sur cette terre aujourd'hui, il y sera infiniment doux d'y dormir un jour." ! En effet, ce serait de la naïveté ; veuillez m'excuser ; car ici, ils seraient encore capables de retourner "la terre où l'on pensait y dormir pour finir",.... afin de percer une nouvelle route ou construire un nouveau building ! Vaudrait donc mieux finir par dormir là où déjà on est.... immigré-exilé.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 55, le 27 novembre 2015

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