Chaque jour apporte désormais un événement dramatique dans une situation moyen-orientale déjà bien compliquée. À peine les 35 accords de coopération ont-ils été signés entre le président russe Vladimir Poutine et le président iranien Hassan Rohani que la riposte turque est arrivée, frappant de plein fouet un avion russe de type Sukhoï à la frontière syro-turque.
La suite des développements montrera si l'avion a bel et bien été abattu en territoire syrien, comme l'affirment les Russes, ou non, mais il est certain que la tension dans la région est désormais montée d'un cran et elle devient de plus en plus inquiétante. Un expert stratégique libanais affirme ne pas craindre un affrontement direct entre l'Otan et la Russie en Syrie, mais il n'empêche que désormais, la partie se joue à visage découvert. La Russie ne mâche pas ses mots en ce qui concerne la Turquie que pourtant elle ménageait il y a quelques semaines encore, et la Turquie est passée à l'offensive après avoir estimé que l'intervention russe en Syrie contrecarrait ses plans de créer une zone tampon au nord de la Syrie sur une surface de 100 km de long pour 22 km de large.
De plus, l'utilisation par les Russes des avions de type Tupolev, encore plus performants que les Sukhoï, et leur coordination étroite avec les Iraniens ont été perçues comme une menace pour les intérêts turcs. Le pouvoir turc veut en effet absolument concrétiser cette zone tampon afin d'y installer les deux millions de réfugiés syriens accueillis sur leur territoire et écarter ainsi la menace sécuritaire qu'ils peuvent représenter pour certaines provinces turques, tout en accordant à la Turquie un rôle direct dans toute solution au dossier syrien.
Selon certains instituts de recherche américains, le pouvoir turc aurait réussi à convaincre le Pentagone américain de la justesse de son point de vue. Mais il se heurterait encore au département d'État américain qui continue de rejeter cette perspective. L'intervention russe en Syrie serait donc venue entraver l'avancée de ce projet. D'autant qu'il est devenu clair que le plan russe repose prioritairement sur la nécessité de fermer les frontières de la Syrie pour empêcher l'afflux d'armes et de combattants, avant de frapper les ressources des terroristes à l'intérieur. Dans l'optique russe, encerclés et privés de ressources, les terroristes seraient plus facilement vaincus ou neutralisés.
La Russie a donc accompagné son intervention militaire de contacts diplomatiques avec les parties qui pourraient avoir de l'influence sur les groupes considérés comme terroristes ou qui ont des frontières avec la Syrie. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'entretien entre Vladimir Poutine et le roi Abdallah de Jordanie qui a d'ailleurs plus ou moins sécurisé sa frontière avec la Syrie, le front de Deraa étant plus ou moins stable. En même temps, la coordination entre la Russie et l'Iran est montée d'un cran, et, selon des informations proches des deux camps, les Russes auraient demandé aux Iraniens une plus grande implication sur le terrain syrien. Selon ces mêmes informations, le général Kassem Suleymani serait désormais à Alep avec 6 000 hommes et préparerait une offensive terrestre contre les forces de l'opposition à Alep, accompagnée de raids aériens russes sur les régions avoisinantes. Or, cette grande ville du Nord syrien est considérée comme une ligne rouge pour les Turcs qui, depuis le début de la guerre en Syrie, n'ont jamais caché leur volonté de la contrôler avec les richesses qu'elle représente. « La bataille d'Alep » serait donc l'enjeu véritable des derniers développements comme elle devrait, si elle avait lieu, être déterminante pour la suite des événements en Syrie et dans la région.
Au Liban, certains disent même que l'issue de la bataille d'Alep devrait être déterminante pour l'élection présidentielle dans ce pays... Il est clair en tout cas que le nord de la Syrie est devenu une région stratégique où se concentre désormais l'essence du conflit régional et international. L'attaque turque contre l'avion russe montre que ce pays ne peut pas renoncer à ses objectifs stratégiques en Syrie, même s'il doit pour cela défier la Russie, avec laquelle il a un long passé de conflits sanglants. De même, les enjeux sont énormes pour les Russes et les Iraniens, sans parler d'autres acteurs régionaux comme le Qatar et l'Arabie saoudite. C'est dire combien la situation en Syrie se complique de jour en jour, ne se limitant plus à un conflit régional. À ce tableau, il faut désormais ajouter la détermination de la France à frapper le groupe État islamique après les attentats de Paris le 13 novembre. La France se veut désormais un acteur de poids dans la guerre contre l'EI, dans une scène pourtant déjà bondée. Tout le monde veut donc officiellement la peau de Daech, mais non seulement les agendas diffèrent, les enjeux aussi sont parfois contradictoires. Si l'EI est éliminé, qui va le remplacer et contrôler son territoire ? C'est la question à multiples réponses, chacune justifiant une guerre...
La suite des...
commentaires (8)
"Chaque jour apporte désormais 1 dramatisation d’1 situation déjà bien compliquée. À peine l’accord sur le nucléaire a-t-il été signé entre les 5 + 1 et ce Roûhânî, que l’agression du Nain poutinien a démarré ! Un "expert? stratégique! Libanais!?" affirme que la partie se joue dorénavant à visage découvert. La Turquie ne mâche pas ses mots en ce qui concerne la Russie que pourtant elle ménageait, car la Russie est passée à l'offensive sachant que la Grande Turquie contrecarrait ses plans en Syrie. De +, l'utilisation par les Turcs de super avions Américains, de loin + performants que ces vieilleries sibériennes et leur coordination étroite avec la puissante OTAN, ont été perçues comme 1 menace pour les intérêts du Nain. Les Américains veulent en effet accorder à la Turquie le grand rôle dans la solution de ce dossier. L'agression russe pensait entraver ce projet. Mais, dans l'optique turque ; matée ; cette agression sera à l’aise neutralisée. La Turquie a accompagné sa riposte de "contacts avec certains" qui savent "faire" avec ce Nain. En sus, la coordination entre la Turquie et l'OTAN est montée d'1 cran, les Turcs exigeant d’elle 1 implication sur le terrain. Le comble, au Liban, des niais disent que l'issue de l’opposition entre les Turcs et le Nain devrait être déterminante pour leur élection présidentielle ; yâ harâm ! L'agression russe montre que ce pays n’a pas renoncé à ses traditions belliqueuses, même s'il doit pour cela défier la Grande Turquie !".
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
20 h 11, le 25 novembre 2015