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Lifestyle - Beyrouth insight

« Quand on tient un chapeau dans sa main, c’est magique... »

Les couvre-chefs lui vont si bien. Associés à une multitude de souvenirs tactiles et émotionnels, Constantina Colombo Ghazzaoui en a fait une passion, presque un métier, dans un espace-atelier qui pourrait très bientôt devenir un mini-musée. Parce qu'ils le valent bien.

Elle nous reçoit, un chapeau blanc avec une voilette lui caressant sans le couvrir le regard bleu-vert. « Je l'ai choisi pour vous », confie-t-elle en refermant la porte derrière nous. Alors on pense à cette phrase extraite des Misérables, en parfait accord avec le moment : « Il suffit d'un sourire entrevu là-bas sous un chapeau de crêpe blanc à bavolet lilas pour que l'âme entre dans le palais des rêves. »


Ce modeste « palais » sans prétentieux qui réunit les rêves de Constantina Colombo Ghazzaoui est un bel espace qu'elle souhaite un jour, « quand je serais prête », dit-elle avec son bel accent italien, transformer en « mini mini-musée ». Un écrin à la fois clair et élégant qui enfermerait et exposerait les chapeaux qu'elle crée et ceux qu'elle chine aux puces italiennes et qu'elle remet à neuf, en leur gardant leur âme, leur histoire et leur technique d'origine. « Le tout à l'ancienne, précise-t-elle, à la main et avec les ciseaux et le fer à repasser utilisés dans le temps. » Constantina, prénommée depuis son enfance Titti, allez savoir pourquoi, aime les chapeaux inconditionnellement. « Ils m'ont accompagné dans tous les moments de ma vie, confie-t-elle. Ma mère en a toujours porté et elle ne nous laissait jamais sortir sans un chapeau. Je me souviens surtout de la modiste qui confectionnait les siens. De son atelier, des chapeaux à fleurs et dentelles qui tombaient de tous les côtés. » C'est pourtant par un heureux hasard qu'elle revient à ses premiers amours, alors qu'elle se trouve à Milan, sa deuxième résidence avec Beyrouth, en décembre dernier. « J'avais acheté du feutre en même temps que je cherchais à prendre des cours de poterie. Ma mère me fait alors remarquer que travailler la poterie était comme travailler le feutre. »


Titti décide alors de retrouver la chapelière de son enfance, persuadée qu'elle serait certainement décédée, de si nombreuses années plus tard. « J'ai appelé, elle m'a répondu ! J'ai eu alors la chance d'être reçue dans son atelier, qui n'avait pas changé. Elle m'a montré la manière de travailler, qui, elle aussi n'avait pas changé. Elle m'entretenait sur ce métier qui se perdait, elle était juste magnifique. » L'élève décide alors de découvrir un art, certes, non pas pour en faire un métier mais pour posséder un savoir-faire qui disparaît. « J'ai l'ambition de sauver ce métier. » Après, « j'ai commencé à perdre la tête ! » souligne-t-elle en souriant. Elle se plonge intensément dans l'apprentissage, fréquente assidûment l'atelier de sa modiste modèle, elle-même fille et sœur de modistes et en découvre les fils essentiels. « Quand on tient un chapeau dans sa main, qu'on le découvre, qu'on en découvre la forme et les garnitures, rubans, plumes, broche, bandeau, passementeries, on en ressent l'âme et la vitalité. Et c'est magique. » Parallèlement, elle fouine dans les marchés aux puces italiens et les boutiques vintage pour récupérer des vieux chapeaux à qui elle redonne une vie.

 

« Maintenant, je peux faire des projets »
Dans son espace encore privé, mais qu'elle a bien l'intention d'ouvrir aux personnes intéressées, comme elles, par cet art, des chapeaux féminins, créations ou récupérations, des vieillies boîtes à chapeaux, des fils de couleurs avec lesquels elle travaille, des moules en cerisier, inondent les étagères de leur belle présence. On pourrait y passer des heures à écouter, comprendre, apprécier chacune des pièces exposée dans une mise en scène à la fois simple et raffinée. Initialement prévu pour entasser de vieux meubles, il est à présent transformé, remis à neuf, pour accueillir les 89 chapeaux de collection (pour le moment) et les 31 créations personnelles de Constantina Ghazzaoui.


« J'avais besoin d'un espace pour mettre mes idées. Maintenant, je peux faire des projets... » Chacun, ils sont tous italiens, sauf deux intrus, un Balmain et un Pierre Cardin, porte un nom et s'accompagne d'explications sur son origine, son style, l'année de sa fabrication. « Je ne veux pas les vendre, assure-t-elle, mais plutôt les louer. Comme ça, ils me reviennent... » Ce qu'elle voudrait surtout, « quand je serais prête », bientôt, très bientôt, c'est organiser dans ces lieux des rencontres culturelles et artistiques. Projeter des documentaires, des films à thèmes et ouvrir les lieux à d'autres événements. En attendant, et elle le fait si bien, « je veux donner à ceux qui le voudrait le plaisir de rentrer dans le chapeau, de le sentir ».
Mission accomplie, nous voilà repartis la tête dans les nuages. Sans chapeaux sur la tête, mais la tête pleine d'histoires, de couleurs et d'envies.

 

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