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Culture - Portrait

Alexandre Tharaud, le pianiste sans piano

À quarante-sept ans, un profil de jeune premier, gracile et romantique. Un talent de pianiste hors pair. D'une décapante modernité. Pour mieux déchiffrer les partitions et retrouver la couleur profonde des notes, il s'est révélé un pianiste sans piano à domicile... Alexandre Tharaud, un nom à retenir et qu'on espère bientôt au haut d'une affiche beyrouthine.

Alexandre Tharaud aime explorer tous les pianos, pour en tirer des sons plus neufs et originaux.

Ses concerts sont innombrables en France où il est né (à Paris en 1968). Il est non moins actif dans tous les pays européens (et bien au-delà) où il a récolté prix, ovations et critiques élogieuses. Alexandre Tharaud qui a grandi avec des parents nourris d'art et de culture (mère prof de danse et père chez Citroën mais mordu de mise en scène d'opérette !) a vite fait, dès l'âge de cinq ans, de « converser » avec le piano. Et la conversation fut très vite animée, explosive et l'envolée fulgurante. Dès 17 ans, les récompenses s'alignent sous ses doigts et dans ses archives perso.


Non conventionnel dans ses prestations, il choisit les œuvres du XVIIe et XVIIIe siècles, qu'il défend au clavier avec panache. Rameau, Scarlatti, Couperin, les concertos italiens de J.S. Bach, mais aussi le célèbre Adagio (transcrit pour piano) de Mahler, Ravel et Poulenc (dont il sera le victorieux Prix Charles Cros), Satie, Debussy, Boulez, Messiaen, Dutilleux, Varèse. Un brillant tableau de chasse et des trophées qui lui ouvriront les portes de collaborations insolites pour un concertiste du clavier qui ne pratique pas le ronron habituel. Notamment l'accompagnement aux spectacles équestres de Bartabas, où ses cadences et ses rythmes épousent le galop et le bruit des sabots des chevaux en piste. Une alliance inédite qui a médusé et ébloui spectateurs et auditeurs.


Pour cet artiste qui aime la chaleur et l'intimité des salles des théâtres italiens, qui abhorre les longs corridors froids des bâtiments contemporains, qui explore tous les pianos pour en tirer des sons plus neufs et originaux (d'où son refus d'avoir son clavier à domicile ! ), pour ce faux timide qui fait reculer toutes les frontières, pour ce jeune homme généreux de cœur car il se bat pour les enfants en difficulté ainsi que pour les jeunes homosexuels rejetés par leur famille (il est le parrain de l'association Le Refuge), pour ce pianiste qui chante à la place de Benabar et lui cède volontiers le tabouret du clavier, le monde est une ébouriffante découverte. Et une cause à défendre.


Il voudrait être de toutes les aventures artistiques, culturelles et sociales. Toujours à la pointe de ce qui peut se faire et se dire. En tout humanisme, il ne s'embarrasse pas de l'étroit étiquetage d'une formulation. Preuve en est son dernier passage dans le film Amour de Michael Haneke où il joue son propre rôle d'indéfectible compagnon du piano aux côtés de Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva et Isabelle Huppert.

 

Intenses, violents, fragiles...
Pour mieux comprendre Alexandre Tharaud – dans le sillage de la caméra qui débusque l'être humain, le met en pleine lumière encore mieux que le crayon, la palette ou la musique – le reportage filmé (65 minutes) de Raphaëlle Aellig Régnier intitulé Le temps dérobé* (en vidéothèque).
Sur cette pellicule fourmillante de vie et de sensibilité, voilà le récit pudique et tendre d'un parcours, mais aussi le portrait d'un soliste exceptionnel. Musique classique et moderne (dans le sens d'expérimentation et d'exploration) et images intimes font bon ménage. Comme des propos confidentiels à contre-jour ou des aveux égrenés en douce, le pianiste qui a un contrat d'exclusivité avec Virgin Classics se révèle par petites touches délicates.


Il parle de sa solitude, de ses tournées, de son corps (un sagittaire coupé en deux) mais surtout de son art et de sa perception à jouer au piano. Et de ces partitions qui l'accompagnent même sur scène quand il les interprète... Non par défaillance de mémoire, paresse ou carence de lecture, mais pour une approche plus matérielle, plus palpable, plus approfondie de chaque note, chaque mesure, chaque phrase, chaque silence, chaque non-dit.


De quel temps dérobé s'agit-il ? Celui secret de l'artiste. Celui des coulisses où le public n'a pas accès. Un temps, non pas de spectacle sous les feux de la rampe, mais de gestation, de méditation, d'invention, d'enfantement, de captation de moments créatifs. Moments intenses, violents, fragiles.
Une voix intérieure, dans ses menus gestes, sa quête ordonnée et sa déambulation fébrile, qu'on écoute religieusement. Et ces grandes mains blanches aux longs doigts « chopiniens », osseux et noueux, comme des archanges en proie à une lumière vive et brûlante, qui fascinent dans leur course, leur équilibre et leur acrobatie sur les touches d'ivoire.

 

* Alexandre Tharaud, Le temps dérobé, de Raphaëlle Aellig Régnier sera projeté dans le cadre du Beirut Art Film qui se tient du 4 au 8 novembre prochain dans les salles de Metropolis, en présence de la réalisatrice. Ce film est gracieusement offert par l'ambassade de Suisse au Liban, l'un des partenaires culturels du BAFF.

 

Pour mémoire

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