L'insouciance a des limites que nos responsables ne connaissent pas... Ou du moins certains d'entre eux. Notre ministre de l'Environnement est, sans aucun doute, mû par les meilleures intentions possibles. Mais certaines réalités ne peuvent plus être passées sous silence. Constitutionnellement, légalement et moralement, il assume une grande part de responsabilité dans le désastre national provoqué par la crise des déchets. Par éthique, le ministre de l'Environnement doit des explications à l'opinion publique, il doit des explications à cette population laissée à elle-même, à l'ombre de ce qui paraît de plus en plus comme une loi de la jungle. Moult questions attendent des réponses sur ce plan.
Depuis le début de l'année, tout le monde savait que la décharge de Naamé serait fermée le 17 juillet. Le ministre Nabil de Freige a relevé, mercredi, dans une interview à Radio Liban libre, que depuis le mois de février, il soulignait à chaque Conseil des ministres la nécessité de trouver une solution au problème des ordures ménagères qui pointait à l'horizon. Nul n'est dupe. Il n'échappe à personne que ce dossier est entaché de sombres magouilles politico-financières, impliquant au même titre des composantes des deux camps politiques qui s'affrontent sur la scène locale. Le partage du gâteau à cet égard dépasse le clivage politique actuel.
Le ministre de l'Environnement n'a, à l'évidence, aucune prise sur de telles manœuvres affairistes peu avouables. Mais dans l'attente que celles-ci se décantent, il était impératif de parer au plus pressé pour éviter de foncer droit dans la « catastrophe sanitaire », pour reprendre le terme du ministre de la Santé, Waël Bou Farour. Et c'est là où le bât blesse. Pourquoi le ministre de l'Environnement n'a-t-il pas, dès le début de l'année, lancé en étroite collaboration avec le ministère de l'Intérieur une vaste campagne de mobilisation des municipalités afin qu'elles se préparent des mois à l'avance, et non à la dernière minute, à l'échéance du 17 juillet ? Pourquoi n'a-t-il pas convoqué les responsables de la presse et des médias audiovisuels, ainsi que les représentants actifs de la société civile, pour les amener à encadrer l'initiation de la population au tri à la source, clé de toute solution, quel que soit le cas de figure retenu pour régler radicalement le problème ?
Ces deux démarches, qui nécessitaient simplement un esprit d'initiative et un sens de l'organisation, n'auraient-elles pas pu être mises en place, indépendamment de l'évolution du bras de fer auquel se livrent ceux qui se disputent la précieuse manne que représente le traitement des déchets ? Le ministère de l'Environnement, en collaboration avec l'Intérieur, avait sept mois pour sensibiliser les Libanais à l'importance du tri et permettre aux municipalités de s'organiser de manière sereine et rationnelle. Parce que rien n'a été entrepris sur ce plan, le pays s'est retrouvé devant une situation surréaliste, qui dépasse tout entendement : des monticules d'ordures qui prennent de la hauteur et qui s'étendent en largeur de jour en jour dans les rues et places publiques, sous un soleil de plomb ; un grave accroissement des risques d'infections gastro-intestinales qui en résultent et une exacerbation des crises d'asthme ; des habitants et des municipalités qui se renvoient les ordures d'une région à l'autre, d'un village à l'autre, et même d'un quartier à l'autre, provoquant des tensions sociales d'un genre nouveau, sans précédent dans l'histoire contemporaine du pays ; une société civile qui tâtonne et improvise des solutions pour juguler l'avancée des déchets...
La responsabilité – politique – de cette crise est, à n'en point douter, largement partagée, mais pour l'heure, nul n'a songé à apporter une réponse à cette question de base : pour quelles raisons le ministère de l'Environnement n'a-t-il pris aucune initiative pour préparer des mesures ponctuelles et concrètes susceptibles d'évier le pire ? Au-delà de cette interrogation, une constatation s'impose : l'état de déliquescence avancé dans lequel se trouve le pays est le résultat direct de l'obstination du Hezbollah et de son principal allié local, le courant aouniste, à saper les fondements, et l'autorité, de l'État central. Et c'est, en définitive, à ce niveau précis qu'il faudrait songer à réclamer, surtout, des comptes.
L’incompréhensible passivité
OLJ / Par Michel TOUMA, le 21 août 2015 à 00h00
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La compétence d'un ministre se remarque lorsqu'il court tous les fins de mois pour encaisser sa solde. Quant aux députés boycotteurs du Parlement, juridiquement ils doivent reverser à l'Etat leurs soldes qu'ils ont reçues indûment depuis 15 mois.
Un Libanais
19 h 52, le 21 août 2015