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Liban - Polémique

Bassil refuse l’enregistrement par le HCR des nouveau-nés des réfugiés syriens

Enregistrer les nouvelles naissances syriennes ne donne le droit ni à la nationalité libanaise ni au permis de séjour, martèle Derbas.

Le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, et la représentante du HCR, Mireille Girard. Photo Ani

Le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil est revenu à la charge hier, dans le dossier des enfants de réfugiés syriens nés au Liban. Haussant le ton d'un cran. Il a informé la représentante du Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Mireille Girard, du « refus par son ministère de l'enregistrement des nouvelles naissances de réfugiés syriens au Liban ». Cette formalité « est du ressort des autorités syriennes », a-t-il affirmé. Dans ce cadre, il a remis à Mme Girard une lettre à l'intention du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Guteres, lui demandant d'interrompre les formalités d'enregistrement de ces nouveau-nés, « afin de préserver les relations » entre le Liban et le HCR, et « d'empêcher toute situation susceptible de les détériorer ». M. Bassil a également adressé des notes dans ce sens au Premier ministre Tammam Salam et au ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas.

Cette décision survient deux jours après les accusations lancées par Gebran Bassil à la communauté internationale « de favoriser l'implantation au Liban des réfugiés syriens ». Cette accusation est loin d'être une première. Ce qui est nouveau, par contre, c'est que le ministre Bassil a qualifié « l'enregistrement des enfants syriens nés au Liban de début d'implantation qui va entraîner la disparition du Liban ». « L'octroi de permis de travail et de papiers d'identité aux réfugiés, ainsi que l'enregistrement de leurs enfants auprès de l'état-civil sont des signes précurseurs d'une intégration permanente de plus de deux millions d'étrangers sur notre sol », a-t-il dit. M. Bassil a plus spécifiquement montré du doigt le HCR qui a « commencé à enregistrer les naissances syriennes au Liban en dépit de notre objection et de nos réserves passées, avec la collaboration de l'administration libanaise. »

 

(Lire aussi : « Les enfants syriens nés au Liban sont en train d'être enregistrés dans le pays », avertit Bassil)

 

Être répertorié pour quitter le territoire libanais
Les propos de Gebran Bassil nous ont poussés à regarder de près les procédures liées à l'enregistrement des enfants de réfugiés syriens, nés au Liban. Quelles sont ces procédures actuelles ? Leur donnent-elles accès à des papiers d'identité, voire à la nationalité libanaise ?

C'est auprès du HCR que s'obtient le statut de réfugié. Or à la demande des autorités libanaises dépassées par le flux de réfugiés syriens (1,17 million enregistrés par le HCR à ce jour), et par le manque de financement international, « l'organisation onusienne n'a plus l'autorisation d'enregistrer de nouveaux réfugiés depuis janvier 2015, sauf exception », affirme à L'Orient-Le Jour le ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas. Il explique toutefois que son ministère, qui supervise l'opération d'enregistrement des réfugiés auprès du HCR, a autorisé « l'enregistrement des enfants syriens nés au Liban de parents ayant obtenu le statut de réfugiés avant l'année 2015 ». « Cette formalité réalisée à partir d'un certificat de naissance est une reconnaissance internationale de filiation, souligne-t-il. Elle permet à un enfant de bénéficier du soutien financier de l'Onu au même titre que sa famille, mais aussi d'être éventuellement envoyé avec les siens dans un pays d'accueil ou de retourner dans son pays. Sans cette reconnaissance, il ne pourrait pas quitter le territoire libanais », assure M. Derbas qui affirme avoir l'obligation morale de respecter ce droit de l'enfant. « En revanche, ce papier ne donne aucun autre droit au petit réfugié né au Liban, ni le droit à la nationalité ni même le droit à un permis de séjour », martèle le ministre, en réponse à son homologue des Affaires étrangères. Chargé par le Conseil des ministres d'établir un état des lieux des réfugiés syriens au Liban, il souligne qu'il est impossible de créer une base de données fiable sans y intégrer les enfants syriens nés au Liban.

 

(Lire aussi : La mise en garde de Bassil à Salam sur les réfugiés syriens)


De son côté, la porte-parole du HCR, Dana Sleiman, tient à préciser que la carte de réfugié délivrée par l'organisation onusienne n'a « aucune valeur juridique ». Confirmant l'arrêt par le HCR de l'enregistrement de nouveaux réfugiés, elle précise que « l'ajout des nouveau-nés au registre de familles déjà enregistrées se fait en collaboration avec le ministère des Affaires sociales, dans la transparence la plus totale ». « Ces enfants reçoivent une carte de réfugié et sont également répertoriés par le ministère », explique-t-elle. « Quant au nombre de petits Syriens nés au Liban et ayant reçu le statut de réfugiés, il s'élève à 58 000, depuis l'année 2011 et jusqu'à mai 2015 », souligne Mme Sleiman.

Enregistrement obligatoire auprès des autorités
Mais comme tout étranger résidant au Liban, les réfugiés syriens sont aussi tenus par la loi libanaise d'enregistrer leurs enfants nés au Liban auprès du ministère de l'Intérieur, afin de préserver leur droit à la nationalité syrienne et d'éviter la multiplication du nombre d'apatrides. Munis du papier de l'hôpital et d'une attestation du moukhtar de leur lieu de résidence, c'est auprès des bureaux du statut personnel qu'ils devront faire inscrire leur enfant, dans un délai d'un an après sa naissance. Ce n'est qu'alors qu'ils pourront enregistrer leur enfant auprès de leur ambassade. Toutefois, et selon les chiffres du HCR, « seulement 1/3 des réfugiés syriens enregistrent leurs enfants auprès des autorités libanaises », constate Dana Sleiman.

Après avoir contacté la Direction générale du statut personnel, nous apprenons que « cette formalité est obligatoire pour toute personne née au Liban, libanaise ou étrangère ». L'enregistrement des nouveau-nés syriens nécessite donc un certain nombre de papiers officiels, parmi lesquels les papiers d'identité de leurs parents, leur permis de séjour au Liban, leur acte de mariage.... des conditions rédhibitoires pour nombre de réfugiés syriens. Il n'en reste pas moins que les chiffres demeurent « très élevés, plus particulièrement dans le Mont-Liban où ils dépassent souvent les naissances de petits Libanais ».

 

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Le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil est revenu à la charge hier, dans le dossier des enfants de réfugiés syriens nés au Liban. Haussant le ton d'un cran. Il a informé la représentante du Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Mireille Girard, du « refus par son ministère de l'enregistrement des nouvelles naissances de réfugiés syriens au...

commentaires (5)

Les plus faibles sont les victimes. Meme les nouveaux nes doivent eux aussi payer le prix de nos conneries libanaises. Les pseudo-representants actuels du peuple libanais ne doivent se cacher sans arret derriere les raisons liees au contexte politique actuel. Ils nous demontrent qu'ils n'ont en aucun cas la stature d'homme d'etat. Ils ignorent chaque jour les droits essentiels des libanais et des etrangers vivant au Liban.

Carine Husni

21 h 02, le 16 juillet 2015

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Commentaires (5)

  • Les plus faibles sont les victimes. Meme les nouveaux nes doivent eux aussi payer le prix de nos conneries libanaises. Les pseudo-representants actuels du peuple libanais ne doivent se cacher sans arret derriere les raisons liees au contexte politique actuel. Ils nous demontrent qu'ils n'ont en aucun cas la stature d'homme d'etat. Ils ignorent chaque jour les droits essentiels des libanais et des etrangers vivant au Liban.

    Carine Husni

    21 h 02, le 16 juillet 2015

  • MONSIEUR LE PRÉSIDENT GEBRAN BASSIL PLUTÔT LE ROI BASSSSSSSIL.

    Gebran Eid

    13 h 19, le 16 juillet 2015

  • Sans porter de jugement sur le bien fondé de la décision je suis un peu surpris de la démarche d'un ministre qui décide tout seul du droit de déclaration de naissance ? Aurait il déjà des envies de dictature ? Ou plus sans doute de roi divin !!

    yves kerlidou

    08 h 48, le 16 juillet 2015

  • Mais si on n'enregistre pas tous ces enfants, comment pourra-t-on, le moment venu, savoir qui ils sont et ou ils sont pour leur demander de rentrer dans leur pays???

    Le Herisson

    08 h 25, le 16 juillet 2015

  • C'est peut-être une formalité ordinaire, mais gardons quand même nos yeux grand ouverts... On s'est suffisamment fait prendre dans des pièges de ce type, restons aux aguets... Quelle sera la prochaine étape imposée?

    NAUFAL SORAYA

    07 h 10, le 16 juillet 2015

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