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Moyen Orient et Monde - Analyse/Un an après « Bordure protectrice »

Pourquoi le Hamas reste une équation insoluble pour Israël

Le 8 juillet 2014, Israël lançait l'opération « Bordure protectrice », terme aseptisé voilant la nature brutale d'un conflit totalement asymétrique et d'un nettoyage ethnique à grande échelle. Cette nouvelle agression qui s'inscrit dans la politique de la punition collective n'a cependant pas permis une défaite militaire de la résistance assiégée. Un an après, le colonel Michel Goya et Alain Gresh analysent les changements intervenus dans ce conflit.

L’agression israélienne contre Gaza en juillet 2014 a fait 2 200 victimes palestiniennes dont 80 pour cent de civils. Mahmoud Hams/AFP

Lancée à l'été 2014, l'opération israélienne « Bordure protectrice » contre Gaza a duré 50 jours. Mais, lors de cette opération, l'offensive terrestre n'a en réalité duré que 18 jours. Le gouvernement israélien a reculé le 3 août face aux conséquences qu'entraînerait une bataille prolongée dans une zone urbaine densément peuplée face à une résistance de plus en plus aguerrie. À l'instar de la guerre de 2006 au Liban, les objectifs n'ont pas réellement été atteints.

Pour le colonel Michel Goya, chef du bureau de recherche au Centre de doctrine et d'emploi des forces de l'armée de terre française, enseignant et écrivain, une analyse militaire du conflit montre que « l'impact de la campagne de frappes sur les capacités militaires du Hamas a été faible. Ce dernier a renforcé ses capacités défensives pour se protéger des frappes aériennes. Le Hamas est également parvenu à mener des opérations offensives par le biais d'une quarantaine de tunnels, et en se dotant d'armes longue distance comme un arsenal de roquettes à longue portée, les M-75 et Fajr 5 (80 km de portée), et surtout les M-302 ou les R-160 susceptibles de frapper à plus de 150 km. Elles ont été fournies par l'Iran et la Libye au moment où les Frères musulmans étaient au pouvoir ». Selon lui, le Hamas a élevé son niveau tactique et développé ses capacités de combat rapproché en appliquant la même doctrine militaire et en mettant en œuvre les mêmes procédés de furtivité terrestre que les combattants du Hezbollah.



(Lire aussi : Deux Israéliens seraient retenus à Gaza, dont un par le Hamas)


C'est donc l'innovation tactique et l'élaboration des méthodes de combat en zone confinée à l'aide de missiles antichars, avec une portée de 5 500 m, et la mobilisation des forces d'élite qui ont fait la singularité d'une opération ayant infligé de lourdes pertes dans les rangs de l'armée israélienne : « 66 soldats en 49 jours de combat. Ces pertes israéliennes se rapprochent de celles subies lors de la guerre de 2006 contre le Hezbollah (119 morts pour 33 jours de combat), alors considérée comme un échec. Les pertes des Palestiniens ont été supérieures mais certainement pas dans le rapport de 10 pour 1 revendiqué par Tsahal », explique Michel Goya qui relève que le concept israélien d'emploi des forces est identique depuis dix ans. « Ces innovations ont permis aux forces du Hamas, à l'instar du Hezbollah et peut-être de l'État islamique, de franchir un seuil qualitatif et d'accéder au statut de "techno-guérilla" », précise Michel Goya. Il semble donc qu'il n'y ait pas eu de changement notoire depuis 2006 du côté israélien dans les techniques de combat au sol. Si l'armée israélienne a renforcé son entraînement, sa technologie, notamment le tir à distance, elle fait face aux mêmes difficultés sur un champ de bataille en zone urbaine à pied d'égalité avec les forces de la résistance.



Les destructions matérielles dans la bande de Gaza après l’opération « Bordure protectrice ».  Thomas Coex/AFP

 

Échec du 2e objectif
Dans l'incapacité de lancer une offensive décisive impliquant une intervention au sol et des pertes extrêmement élevées pour venir à bout de la résistance armée sans garantie aucune, Israël maintient la politique de la punition collective. C'est en effet une constante que l'on retrouve dans les agressions précédentes : renforcer la pression sur les Gazaouis pour affaiblir politiquement le Hamas et le couper de sa base populaire. Mais pour Alain Gresh, spécialiste du Moyen-Orient et auteur notamment du livre De quoi la Palestine est-elle le nom ?, les résultats de cette politique sont sans effets sur la mobilisation autour de la résistance en période de guerre. « La résistance a été le fait de toutes les organisations palestiniennes, toutes les factions comme le Front populaire, le Front démocratique et le Jihad ont pris part aux combats. Il est important de souligner que, malgré sa gestion contestable de la bande de Gaza, le Hamas dispose d'un soutien populaire infaillible face à l'agression israélienne », explique Alain Gresh. Le Hamas bénéficie également d'une proximité idéologique avec d'autres organisations de résistance et la légitimité de la lutte armée.

 


Gaza sous les bombes israéliennes en juillet 2014. AFP/Archives

 

Force psychologique
Le prochain round sera sans doute plus difficile pour Israël. Michel Goya rappelle que si aujourd'hui « le Hamas est militairement affaibli et que le ravitaillement s'est raréfié depuis le coup d'État en Égypte, il n'y a cependant là rien de décisif ». D'après lui, si les capacités offensives du Hamas ont été affaiblies, les capacités défensives sont toujours importantes, tout comme la force psychologique des combattants qui reste une dimension importante dans une guerre. D'un autre côté, si Israël peut renforcer la barrière terrestre autour de Gaza en mobilisant la technologie en matière de détection de tunnels et en améliorant son système de défense antiaérien « Dôme de fer », ces développements présentent une efficacité limitée dans les combats rapprochés au sol où la mobilité et la furtivité restent centrales.

 

(Lire aussi : « Acte de piraterie » et « kidnapping » : les derniers faits d'armes d'Israël)



Alain Gresh relève donc que la gestion de Gaza reste une question très difficile pour le gouvernement israélien, « qui voudrait s'en débarrasser soit en confiant cette gestion à l'Égypte, ou pour reprendre l'expression d'Isaac Rabin en jetant cette bande de territoire dans la mer. Il n'y a pas de véritable stratégie militaire à l'égard de Gaza, tout comme il n'y a pas de vraie stratégie politique à l'égard de la question palestinienne en général ». D'un autre côté, le spécialiste insiste sur la grande division des forces palestiniennes et la crise de stratégie de l'autorité du Hamas, qui apparaissent peu crédibles pour la population. « Aujourd'hui, le retour à l'unité n'est pas probable, les forces régionales s'y opposent et il n'y a aucune perspective politique ou diplomatique qui favorise une forme de statu quo. Un an après Gaza, on est toujours dans la même situation de division politique, et malheureusement on ne voit pas aujourd'hui ce qui pourrait recréer l'unité de la lutte. C'est une impasse », conclut Alain Gresh.

 

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Tribune
Entre Israéliens et Palestiniens, le statu quo n'existe pas
Par Thomas Vescovi *


Des enfants palestiniens déplacés à Gaza en juillet dernier. AFP/Archives

 

La notion de « statu quo » désigne une situation figée, l'absence de perspectives. Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, vient de terminer une tournée dans la région, motivé par son « opposition au statu quo ». Quiconque s'intéresse à la situation au Proche-Orient comprendra rapidement que le statu quo, tout imaginaire qu'il soit, ne profite qu'au colonisateur.
Depuis 2008, l'État d'Israël a mené quatre offensives sur la bande de Gaza. Celle de l'été 2014 a tué 2 132 Palestiniens, dont 70 % de civils, 501 enfants. 18 000 logements ont été détruits ou endommagés. Aucun programme de reconstruction n'a pu être envisagé, le blocus étant maintenu, aggravant la situation sanitaire du territoire. Récemment, un convoi humanitaire international a été empêché d'atteindre le port de Gaza par la marine israélienne. Peut-on parler de statu quo dans ces conditions ?

Depuis 1967, l'État d'Israël occupe et colonise la Cisjordanie. La population de colons est passée de 268 756 en 1993 à 575 000 aujourd'hui, dont 200 000 à Jérusalem-Est. Pas une semaine ne passe sans que le gouvernement israélien annonce un nouveau projet de construction. L'Organisation de libération de la Palestine s'est lancée dans une intifada diplomatique, en adhérant notamment à la Cour pénale internationale pour y faire traduire les responsables des crimes militaires israéliens. Une démarche qu'Israël et ses alliés nord-américains tentent de saborder. Peut-on parler de statu quo dans ces conditions ?
La force de la propagande israélienne tient dans sa capacité à se diffuser, insidieusement, même là où on ne l'attend pas. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai lu que les Palestiniens ne devaient leur sort qu'à leur propre chef puisqu'ils avaient vendu leur terre. Entendu en Israël, cet argumentaire se retrouve assez fréquemment dans les rues d'Égypte ou du Liban, de Tunisie ou de Jordanie. Une victoire pour la « hasbara » (explication), alors qu'un simple examen historique ferait voler en éclats cette affirmation perverse. Il en va de même pour le statu quo.

 

(Lire aussi : "Ouvrez les yeux" : Quand Israël ridiculise les journalistes étrangers)



L'État d'Israël a tout à gagner à maintenir ce « statu quo ». Le blocage insinué détourne les yeux de l'opinion internationale vers d'autres régions, tandis que la guerre invisible, incluant colonisation, apartheid et sociocide, peut se poursuivre en silence. Dans ce schéma, périodiquement, l'État hébreu peut même envisager une opération d'envergure à Gaza ou en Cisjordanie. Le temps que les « alliés » des Palestiniens se réveillent, tout est déjà terminé.
Le gouvernement Netanyahu n'a aucun intérêt à montrer publiquement une quelconque inquiétude à l'égard d'une campagne internationale ciblant son pays. Pourtant, depuis plusieurs mois, ses diplomates s'activent pour empêcher les victoires diplomatiques palestiniennes, et s'inquiètent de la propagation de la campagne Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS). En 2012, de nombreux amis israéliens m'expliquaient encore les dangers d'une telle campagne, utilisée par Netanyahu pour pointer la haine des peuples étrangers à l'égard des Israéliens, et donc légitimer sa politique. En 2015, très peu me l'affirment encore, et le célèbre romancier Avraham Yehoshua prend la parole publiquement pour soutenir la pression diplomatique et économique sur son pays, ultime solution pour contraindre ses dirigeants à stopper leur politique suicidaire.

Les dirigeants israéliens savent ce qu'ils font. Ils imposent leur projet politique à l'ensemble des peuples du Proche-Orient. Plus que jamais, nous devons combattre la propagande israélienne et exiger de nos gouvernants des prises de position courageuses. Exiger de nos commerçants l'arrêt des importations des produits israéliens. Bâtir et solidifier des ponts entre nos sociétés et le peuple palestinien, car c'est en faisant exister l'État de Palestine que la justice et la paix auront une chance de régner au Proche-Orient. Le dernier camouflet d'Israël au Conseil des droits de l'homme de l'Onu nous y invite.

*Chercheur en histoire contemporaine et auteur de La mémoire de la nakba en Israël - Le regard de la société israélienne sur la tragédie palestinienne (L'Harmattan – 2015)

 

 

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commentaires (3)

En effet, tous les deux sont des "Hamajs" !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

04 h 46, le 11 juillet 2015

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Commentaires (3)

  • En effet, tous les deux sont des "Hamajs" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 46, le 11 juillet 2015

  • PARCEQUE C'EST SON ALTER EGO !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 47, le 10 juillet 2015

  • Article surréaliste , plus bidon que ça c'est difficile ...l'ennemi israélien doit bien se marrait d'avoir des adversaires aussi médiocres en désinfo.....

    M.V.

    14 h 21, le 10 juillet 2015

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