Comment le Liban entend célébrer la Journée internationale contre l’homophobie

Le Liban se veut toujours leader dans la région du Moyen-Orient en matière de libertés. Malgré certains abus, parfois graves, des droits de l'homme, le pays témoigne souvent d'initiatives qui viennent redorer sa réputation de pionnier quand il s'agit de libertés civiques et privées. Dans ce sens, c'est presque toujours la société civile qui tente de faire bouger les choses dans la bonne direction, devançant de loin certains textes désuets de la Constitution et la persistance de mentalités anciennes qui ont peu ou pas évolué. C'est ce que prouve d'ailleurs l'association Proud Lebanon qui célèbre le dimanche 17 mai la Journée internationale contre l'homophobie, à l'instar de 130 pays, à travers une série d'activités à l'hôtel Monroe à Beyrouth. La journée, intitulée La communauté LGBT au Levant : faits et challenges, a notamment suscité l'attention de nombreux ONG et médias étrangers au vu du spot publicitaire qui a été réalisé pour l'occasion.

Dans la vidéo, une quinzaine de célébrités et d'activistes influents (Cynthia Karam, Bruno Tabbal, Carole Abboud, Zeina Daccache, Béchara Atallah, Rabih Salloum, Médéa Azouri, Jana Younès, Christine Choueiri, Natacha Choufani, Yvonne el-Hachem, Pauline Haddad, Fouad Yammine, Élie Youssef et André Nacouzi) prennent la parole pour prôner la diversité et le respect des différences, notamment l'acceptation des homosexuels, à travers un texte simple et des interrogations. « Sais-tu que le premier article de la Déclaration universelle des droits de l'homme affirme que tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits et en dignité ? » peut-on entendre sur le spot publicitaire. « Sais-tu qu'au XXIe siècle, des personnes sont encore arrêtées, battues, stigmatisées et même tuées, juste parce qu'elles sont homosexuelles ? Être différent n'a rien de honteux. Combattre les différences est honteux », entend-on encore. « Tu n'es pas obligé d'être pauvre pour défendre les pauvres. Tu n'es pas obligé d'être une femme pour défendre les droits des femmes. Tu n'es pas oblige d'être gay pour défendre les droits des gays. Il faut juste être humain », conclut la courte vidéo.

Une question d'humanité
Interrogée par L'Orient-Le Jour sur les raisons qui l'ont poussée à prendre part à la campagne, l'actrice Christine Choueiri a immédiatement renchéri : « La question est mal posée. Pourquoi n'y participerais-je pas ? Il n'y a aucune raison pour ne pas prendre part à ce genre de campagne. Il n'est pas permis qu'à cette époque, où nous sommes censés avoir atteint une grande humanité, des gens soient encore jugés et catégorisés par la société en fonction de leur mode de vie, de leur religion, de leur liberté de penser », répond-elle immédiatement. « Je suis pour les libertés personnelles, et la liberté sexuelle est l'une d'elles », a ajouté l'actrice qui a souhaité que le spot soit diffusé par les télévisions, pour qu'il atteigne une plus grande audience. « Nous ne pouvons pas continuer à essayer de faire attention aux gens pour ne pas les choquer. La société ne cesse de nous abattre à coups de messages violents, de confessionnalisme et de divisions politiques. Ce n'est pas grave si nous la bougeons un peu et la sortons de sa zone de confort à travers des messages qui sont finalement humains », ajoute-t-elle.

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Des propos repris par l'acteur Béchara Atallah, qui a appelé à une réforme des lois, rappelant que l'État se doit de protéger tout citoyen. L'article 534 du code pénal libanais, en effet, criminalise les relations qualifiées de « contre nature », même si une jurisprudence exclut les homosexuels du cadre d'application de cet article. « On ne peut plus rester otage d'une loi dépassée depuis des lustres, a-t-il déclaré. Comme tout le monde réclame aujourd'hui le respect des droits civiques des citoyens, il ne faut exclure personne et la société doit apprendre à respecter les homosexuels, leurs libertés, leurs sentiments, leurs besoins. Je suis fier de participer à cette campagne et j'espère que la journée de dimanche aura un très grand impact sur la société et l'aidera à avancer. »

« La route est encore longue... »
Au programme de dimanche, à l'hôtel Monroe, la diffusion de courts-métrages, une exposition des travaux du photographe Robin Hammond, une pièce de théâtre, une table ronde autour de l'influence des médias sur les droits de l'homme et en particulier des homosexuels, un concert célébré par la chanteuse Yvonne el-Hachem qui a adapté en arabe sur son plus récent album la chanson Comme ils disent de Charles Aznavour, et les témoignages de quatre homosexuels venant chacun d'un pays arabe.

(Lire aussi : Article 534 du code pénal : à quand l’abrogation de la loi contre les homosexuels ?)

« Nous avons voulu faire un événement à l'envergure régionale, car Proud Lebanon s'occupe de Libanais, mais aussi de Palestiniens, de Jordaniens, d'Irakiens et de Syriens qui vivent ou qui sont réfugiés au Liban », a expliqué Bertho Makso, directeur de l'association, active depuis avril 2014, interrogé par L'Orient-Le Jour. « Nous avons commencé avec un groupe de volontaires puis avons ouvert un centre polyvalent à Jdeidé qui offre des soins cliniques et médicaux gratuits, ainsi que des tests de sida et autres maladies. L'association œuvre pour soutenir tous les groupes marginalisés, mais nous nous occupons actuellement de la communauté LGBT seulement. Nous aidons même leurs parents s'ils sont malades », a ajouté Bertho Makso qui a même appelé les personnes « ayant des problèmes avec la communauté LGBT » à prendre part à la journée de dimanche. « La route est encore longue. Nous devons d'une part travailler avec les membres de la communauté pour qu'ils ne se sentent plus vulnérables et qu'ils prennent conscience de leurs droits, et d'autre part combattre l'homophobie, tout en travaillant pas à pas sans brusquer », a-t-il précisé.

De son côté, le réalisateur (qui a tenu à garder l'anonymat) du spot publicitaire, qui a été très partagé sur les réseaux sociaux, a assuré ne pas avoir proposé la vidéo aux chaînes de télévision locales, « par peur d'une réaction contraire de la part de certaines autorités. Nous ne voulons pas adopter une approche agressive et nous avons privilégié un message d'ouverture véhiculé d'une manière qui ne choque pas », a ajouté l'artiste qui a assuré avoir été surpris par l'impact de la vidéo. « Ce spot a été réalisé en quelques jours et nous n'avons pas pu réunir toutes les personnalités que nous voulions avoir. Nous ferons d'autres projets bientôt et ce chaque année à l'occasion du 17 mai », a-t-il promis.

« Il faut changer les choses. Il n'est plus acceptable d'entendre encore des gens qui nous disent qu'on ne peut prendre la défense d'une soi-disant maladie mentale, quand les chiffres montrent qu'une personne sur 10 est homosexuelle ! Il n'est plus acceptable que des gens soient arrêtés par la police à cause de leur orientation sexuelle », a enfin déploré l'artiste, à l'heure où un certain Ricky Martin débarquait avec son compagnon pour passer quelques jours de vacances à Beyrouth... sous la protection des autorités officielles. Schizophrénie, quand tu nous tiens !

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