Le Hezbollah « a choisi ses options. Nous ne pouvons l'accompagner dans cette voie (...) Nous n'avons pas besoin d'une force paramilitaire ou d'une armée parallèle. Avec ou sans la résolution 1559, le monopole de la sécurité doit appartenir à l'État ». L'auteur de ces propos univoques, tenus il y a dix ans presque jour pour jour, s'appelait... Michel Aoun.
C'était au soir du 8 mars 2005, dans la foulée de l'acte fondateur d'un mouvement appelé à devenir le jouet politique du parti de Dieu et de ses mentors régionaux, l'outil à l'aide duquel le Hezb allait grignoter progressivement des pans entiers de ce que d'autres, beaucoup d'autres, vivront comme un « rêve » libanais.
Dans tous les recoins de la place Riad Solh retentissaient encore, ce soir-là, les échos du « merci à la Syrie d'Assad », hurlé cent mille fois par une foule dense, sûre déjà d'être une majorité. N'étaient-ils pas plutôt 200 000, voire 400 000, comme l'affirmaient les organisateurs ? Peu importe : ils seront de toutes les façons largement débordés six jours plus tard par un phénomène de masse d'autant plus rare qu'il est foncièrement pacifique. Place contre place, celle des Martyrs, rebaptisée pour l'occasion place de la Liberté, aura, elle, une vocation de millionnaire.
Depuis, dix mois de mars ont défilé. Sous les ponts du 8 et du 14, beaucoup d'eau aura coulé. Du sang aussi, abondamment. Avec les années, le rêve a fini par s'estomper et le Liban, resté inachevé, a renoué avec ses vieilles manies : crises gouvernementales, blocages institutionnels, ballottement au gré des axes régionaux, primauté du rapport de forces militaires sur le processus démocratique, etc.
Et l'homme qui, au soir du 8 mars 2005, regrettait de ne pouvoir accompagner Hassan Nasrallah dans la voie que ce dernier avait tracée a vite fait de le rejoindre, non sans avoir essayé de faire croire, pendant un moment, que c'est l'autre qui viendrait vers lui.
Cette défection, et d'autres, ramèneront la politique politicienne au goût du jour. Le nivellement par le bas finira par entraîner tout le monde, y compris, quelquefois, ceux qui avaient incarné le rêve du 14 Mars.
De compromis en compromissions, on en est arrivé à un point tel qu'on célèbre aujourd'hui la résurgence d'un gouvernement qui fonctionne à la manière d'un monstre affligé de vingt-quatre pattes allant chacune dans une direction. Sans la sagesse et l'extrême pondération de son chef, et surtout sans le voyant rouge d'alerte allumé par l'étranger et qui clignote de plus en plus rapidement, il y a belle lurette que cette créature aurait plongé dans le vide sidéral qui la cerne.
Dix ans après le 8 mars 2005, il y a pourtant un changement, et de taille. On ne trouvera plus personne au Liban pour aller place Riad Solh ou ailleurs scander « merci à la Syrie d'Assad ». Si elle en a un jour la possibilité, c'est la Syrie d'Assad qui ira dire en masse « merci au Liban de Hassan Nasrallah »...
Dix ans de gratitude
OLJ / Par Élie FAYAD, le 06 mars 2015 à 00h00
commentaires (5)
Cher Elie Fayad, Michel Aoun n'est plus à un retournement de veste près. Un caméléon ne deviendra jamais une colombe blanche.
Un Libanais
11 h 51, le 06 mars 2015