À défaut de « prendre Manhattan, puis Berlin », comme le voulait le poète et chanteur canadien Leonard Cohen dans une chanson-culte de la fin des années 80, devenue, depuis, l'hymne de campagne de la gauche radicale européenne en révolte contre le grand décideur financier allemand, c'est le cœur de Washington, à travers le Congrès américain, que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a voulu conquérir mardi... non pas pour repartir ensuite à l'assaut d'une autre grande capitale – Téhéran, par exemple, puisque l'Iran et son expansion au Moyen-Orient étaient dans la ligne de mire directe du responsable israélien à l'ombre des pourparlers américano-perses sur le nucléaire –, mais pour assurer plutôt son propre maintien à la tête de son pays, échéance électorale en perspective.
C'est avec beaucoup de réserves que les milieux du 14 Mars ont en effet réagi au discours de Netanyahu, quand bien même ces derniers auraient été tentés de se réjouir des accents anti-empire iranien du Premier ministre israélien à Washington. Il est vrai que Téhéran est effectivement sur tous les fronts, dans une perspective de gagner du terrain partout où cela est possible, sans même plus cacher ses ambitions expansionnistes, exprimées plus d'une fois par des responsables des gardiens de la révolution. Plus d'un pôle du 14 Mars met en exergue, d'ailleurs, l'image du « néo-Guevara » iranien, Qassem Suleimani, menant personnellement l'assaut à Tikrit, le bastion sunnite et fief de Saddam Hussein en Irak, pour stigmatiser le rôle impérialiste auquel la nouvelle Perse aspire, et qui ne peut, à terme, que provoquer une montée aux extrêmes encore plus grande entre sunnites et chiites à l'échelle régionale.
Si M. Netanyahu a, sur le principe, raison de dire, à l'adresse du président des États-Unis Barack Obama, que Téhéran et Daech, c'est bonnet blanc et blanc bonnet en matière d'exportation du terrorisme, et que « l'ennemi de mon ennemi reste mon ennemi », il n'en reste pas moins, souligne une source du 14 Mars très dubitative face au discours netanyahiste, que ce dernier omet un élément essentiel dans son analyse : à savoir que le dernier pôle du triangle des extrêmes dans la région, c'est lui, Benjamin Netanyahu. Cette source estime ainsi que le Premier ministre israélien, outre sa volonté de se poser en champion de la préservation de l'État hébreu aux yeux du peuple américain pour assurer ses arrières aux prochaines élections, chercherait surtout, à travers son discours anti-iranien, à se trouver une place dans le binôme américano-iranien, de sorte que si l'accord aboutit dans les prochains mois, Tel-Aviv en soit un élément essentiel. Les relations irano-israéliennes ne sont-elles pas ambivalentes... au moins depuis l'exil des juifs de Jérusalem à Babylone sous Nabuchodonosor II, comme le souligne un analyste politique proche du 14 Mars, qui estime qu'Israël n'est jamais tout à fait loin, ne serait-ce qu'objectivement, lorsqu'il est question du projet de l'Alliance des minorités.
Le Premier ministre israélien n'a-t-il pas lui-même contribué au renforcement de l'emprise iranienne sur la région, en refusant net tout déboulonnement du régime Assad depuis le début de la révolution syrienne 2011, sous des prétextes stratégiques évidents et des phrases laconiques et des formules toutes faites comme « le diable que l'on connaît est meilleur que celui qu'on ignore », ou encore « Assad est un allié docile, comme une bonne vieille paire de chaussettes », pour reprendre la phrase d'un conseiller au ministère israélien de la Défense au tout début de l'insurrection de Deraa, en 2011 ?
Ce que l'intervention de M. Netanyahu au Congrès prouve surtout, selon ces sources du 14 Mars, c'est la complexité de l'écheveau régional, compliqué d'une part par les négociations sur le nucléaire et la montée aux extrêmes sunnito-chiite, et, de l'autre, par la « doctrine Obama », celle du maintien du statu quo, dans une sorte de retour à la doctrine Wilson de repli sur soi, matinée de pragmatisme, voire de cynisme, le président américain étant en fait plus chevronné que l'image débonnaire qu'il ou que l'on voudrait donner de lui. Sauf si on veut le comparer au style W. Bush, ce qui reviendrait à comparer Boulez ou Stockhausen à Wagner... ou à du heavy metal.
Dans ce contexte régional hypertendu, le Liban est condamné – dans l'attente du résultat des négociations américano-iraniennes sur le nucléaire, et de savoir si l'Iran aura effectivement, comme Téhéran le souhaite de tout son cœur, une reconnaissance formelle par le « Grand Satan » de ses ambitions de reforger l'empire ancestral de Darius – à empêcher l'implosion. Ce qui veut dire, notamment, de déminer tous les blocages institutionnels. Là où, selon une source chrétienne du 14 Mars, l'Iran et le Hezbollah sont désormais déterminés, depuis trois mois, à soutenir jusqu'au bout la candidature de Michel Aoun, le 14 Mars fera preuve de sagesse et ira lui aussi jusqu'au bout de ses tentatives pour tenter de pousser le leader du Courant patriotique libre à se recentrer, de sorte qu'en dépit du blocage présidentiel – qui dépend donc directement de Téhéran –, la situation reste sous contrôle sur le terrain. Et le principe est le même pour le dialogue Futur-Hezbollah, qui, en dépit de ses résultats rachitiques, permet de maintenir le contact et d'éviter, partant, un dérapage dans l'adversité, ou encore pour l'exigence de débloquer le processus de décision en Conseil des ministres, ce qui sera réalisé lors de la séance d'aujourd'hui.
En fin de compte, souligne une source hostile à l'emprise iranienne sur la région, si le 14 Mars a mis en veilleuse ses aspirations réformatrices ou révolutionnaires, c'est pour jouer, à titre permanent, le rôle du pompier, du Casque bleu ou de la zone tampon, en dépit des limites frustrantes de cette fonction, pour neutraliser le pouvoir de nuisance infini de l'adversaire.
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commentaires (7)
Un principe anglo saxon dit bien , if you can't beat them , join them ! Sur France 24 le représentant du Likoud à Jérusalem usurpée , disait ouvertement nous juifs d'israrecel sommes alliés aux sunnites des arabies "démocratiques " , lol, Vanessa Burgraff le reprend en lui disant vous vous rendez compte qu'en disant cela vous prenez la responsabilité de soutenir daech nosra ou qaida , puisqu'il n'est un secret pour personne que "certains" des familles binsaouds soutiennent ces bactéries ? Pour vous dire que dans cet article on ne va pas à l'essentiel , mais on cherche désespérément à couvrir la bêtise des 14 évanescent qui ne sont plus dans le coup ! ils attendent à leur tout que les grands se décident et se rangeront sur ce qui sera décider pour eux . Voilà à quoi on est rendu quand on joue un cheval perdant .
FRIK-A-FRAK
13 h 42, le 06 mars 2015