Liban-Israël : une guerre pour le gaz ?

Cela fait quelques jours que nous sommes tous en train de zapper sur notre télé, de décortiquer les articles de magazines, de journaux, ou en ligne, espérant tous que cela n'arrivera pas, qu'une guerre entre nous et l'État hébreu n'éclatera pas.
Cela fait des mois que les discours, les démonstrations de force et les surenchères se multiplient entre le Hezbollah et Israël. Il y a quelques temps, le chef d'état-major de l'armée israélienne, Benny Gantz, a menacé de renvoyer le Liban de 70 ans, de 80 ans en arrière. J'assisterais donc à la naissance de ma grand-mère ?...
Il y a deux jours, le Hezbollah perdait plusieurs martyrs dans le Golan syrien lors d'une opération de l'armée israélienne qui dit aujourd'hui ignorer de qui il s'agissait en envoyant son missile... Cette agression meurtrière survenait quelques jours après un discours dans lequel sayyed Hassan Nasrallah, le dirigeant du parti de Dieu, révélait qu'il possédait des missiles encore plus puissants que ceux de la guerre de 2006. Ainsi donc, malgré la guerre civile qui fait rage chez notre voisin, malgré la situation complexe dans laquelle se trouve le Liban avec près de 2 millions de réfugiés syriens, et malgré la présence de l'État islamique en Syrie et en Irak, le Hezbollah n'a jamais été aussi puissant militairement. Hassan Nasrallah va même jusqu'à affirmer que les bombardements de l'aviation israélienne en Syrie ne resteront pas impunis et que s'attaquer au Liban, à Damas ou à l'Iran, c'est s'attaquer à tout l'axe de la Résistance qui se concertera et ripostera.
Pourquoi Israël prendrait-il le risque de s'attaquer à une patrouille du Hezbollah en mission dans le Golan syrien pour, un jour plus tard, nier qu'il savait de quel groupe il s'agissait ? Et, pire encore, révéler au Hezbollah que des espions continuent à lui transmettre à partir du Liban des informations hautement importantes vu les pertes du Hezbollah au Golan le week-end dernier ?
Ce qui est encore plus intrigant, c'est que depuis que le Liban a annoncé son intention de rouvrir le dossier du gaz en Méditerranée, Il y a presque un mois, l'escalade a recommencé. Les gisements de gaz en Méditerranée orientale (que l'on nomme le bassin levantin) doivent normalement être exploités par le Liban et Israël puisque ces réserves de gaz se situent dans les zones maritimes des deux pays. La volonté d'Israël de mettre la main sur tout ce gaz sans laisser notre pays en profiter n'est pas nouvelle, et nous savons tous combien ce gaz est précieux pour Israël au point qu'il a déjà passé des accords avec Chypre, la Jordanie et l'Égypte, et qu'il est en pourparlers avec l'Europe pour la construction d'un gazoduc. L'indépendance énergétique d'Israël est directement liée à la mainmise sur le gaz en Méditerranée de l'Est. L'État hébreu ne voudra jamais laisser le Liban profiter des gisements de gaz, qui pourraient faire de lui une nation indépendante au niveau énergétique, lui permettre de régler sa dette (160 % du PIB) et simplifier la vie des Libanais.
Il ne s'agit pas d'attaques accidentelles ou isolées, ni de discours creux ; il ne faut pas se focaliser sur quelques événements qui ne font qu'accentuer la tension entre les deux pays. Aucune nation n'entre en guerre à cause d'un discours politique ou d'un bombardement – autant de messages révélateurs d'une escalade en cours qui pourrait se transformer en guerre.
Libanais, comprenons qu'il s'agit d'un conflit purement économique et énergétique et qu'il faut tout faire pour éviter une guerre. Les adversaires du Hezbollah devraient cesser d'accuser le parti d'être à l'origine d'un prochain conflit. Quant à ses partisans, ils devraient cesser de prôner une guerre contre un ennemi naturel et surtout de ne pas oublier le précédent de 2006.
Un affrontement aurait aujourd'hui des conséquences néfastes pour le Liban, qui se retrouverait complètement déstabilisé politiquement, à la merci de tous les groupes terroristes, des réfugiés armés, des groupes palestiniens... Une déstabilisation du Liban serait du pain bénit pour Israël qui ne pourrait qu'en bénéficier gagner. Nous n'avons pas les moyens de reconstruire le pays avec la crise par laquelle nous passons et cette guerre mettrait fin à nos espoirs concernant le gaz de Méditerranée puisque les fonds devront être investis dans la reconstruction du pays. J'espère que tous les partis libanais se concerteront et ne tomberont pas dans le piège tendu par un ennemi prêt à tout pour nous empêcher d'aller de l'avant.

Georges Y. HADDAD
Étudiant en master de relations internationales et d'histoire à l'USJ