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Liban - Reportage

Les ravisseurs jihadistes accordent un délai de grâce de 4 jours aux soldats libanais otages et aux négociations

Quatre jours de grâce. Tel est le délai dont disposent les autorités depuis hier pour faire avancer le dossier des soldats otages des groupuscules de l'État islamique et du Front al-Nosra. L'annonce a été faite dans l'après-midi par le ministre de la Santé, Waël Bou Faour, aux familles des otages qui bloquaient les routes à Saïfi, après avoir reçu des menaces que leurs proches seraient exécutés à 16 heures.

Interdit de passer, dit la mère d'un soldat otage à ceux qui font mine de s'aventurer. Photos d’Anne-Marie el-Hage

Soulagées, les familles des soldats otages ! C'est le moins qu'on puisse dire, après la visite du ministre Bou Faour à l'emplacement du sit-in, hier vers 14h30, au centre-ville, devant la Maison des Kataëb. Une visite qui leur redonne un infime brin d'espoir et les incite à rouvrir les routes dès 15 heures, le représentant des autorités ayant assuré aux familles que l'État mène « les négociations avec sérieux » et qu'il a « gagné du temps », dans l'attente du retour de Dubaï du Premier ministre Tammam Salam. Il indique toutefois qu'« il n'y a pas de garanties » (de succès).
C'est au cœur d'un centre-ville de Beyrouth complètement paralysé que le ministre de la Santé s'est adressé aux parents d'otages d'abord, à la presse ensuite. Paralysé, car les voies d'accès au cœur de la capitale ont été coupées par ces familles dès le matin, notamment à Tabaris, à Saïfi et au port de Beyrouth. Des automobilistes hystériques, bloqués dans des embouteillages monstres, klaxonnent à qui mieux mieux. Les familles des otages, elles, folles d'inquiétude, restent déterminées plus que jamais à faire pression sur les autorités pour sauver la vie de leurs proches. Et ce après les menaces de l'État islamique d'exécuter des soldats otages à 16 heures sonnantes et de diffuser la vidéo de leur mise à mort, si leurs revendications ne sont pas satisfaites.

 

(Pour mémoire : Une maman rencontre son fils otage : Ils veulent toujours les décapiter...)

 

Aucune marque de solidarité de la population
Des revendications revues à la hausse, transmises aux autorités par le biais des familles des otages, directement contactées par les ravisseurs : après avoir acculé les autorités à commuer en prison à perpétuité les peines de mort prononcées contre cinq islamistes détenus à la prison de Roumieh, le groupuscule Daech exige désormais que soit carrément annulée la perpétuité et que soient libérés cinq détenus islamistes en échange de chaque soldat. « Ils détiennent 9 soldats de l'armée libanaise, dont mon mari Khaled Hassan, 24 ans », répète pour la énième fois et d'une voix inaudible Wadha, 19 ans et deux enfants en bas âge. La jeune femme a reçu trois appels téléphoniques des islamistes en deux jours. « Ils viennent tout juste de me contacter, dit-elle. Ils menacent de les égorger si les autorités ne réagissent pas et de diffuser leur assassinat en direct. » C'est la raison pour laquelle elle et les autres parents d'otages ont fermé les routes. « Nous sommes déterminés à faire entendre notre voix. Les Libanais devraient prendre conscience des terribles épreuves que traversent les otages », ajoute-t-elle.

 

(Pour mémoire : Trois conditions posées par Damas pour faciliter la libération des militaires otages)


Mais ces familles se sentent peu soutenues. L'appel lancé aux Libanais par les parents des otages n'a pas été entendu. « Personne ne compatit. Nous aimerions tant qu'ils fassent preuve de solidarité », souligne Wadha, dans un message aux automobilistes qui piaffent d'impatience, quelques centaines de mètres plus loin. « Et puis, cela fait plus de trois mois que nous sommes sur les routes pour la libération des nôtres. N'est-il pas temps que les autorités réagissent ? » martèle-t-elle. Seules deux sœurs jumelles, Lili Hélou et Sawsan Akari, ont fait le déplacement, l'une d'Achrafieh, l'autre de Dekouané, en signe de solidarité. « C'est le moins que nous pouvions faire. Triste spectacle. Que Dieu leur rend leurs enfants ! lancent-elles, avant de demander, "Où est le peuple ? Pourquoi n'est-il pas venu se solidariser avec les familles des soldats otages ?
Qu'est devenue l'humanité des gens ?" »

 

Les autorités invitées à agir
Debout dans la rue, le regard perdu, Hassan attend, lui aussi. Son frère, Hussein Mahmoud Ammar, soldat dans l'armée libanaise, figure parmi les otages qui risquent la décapitation. « Si rien n'est fait pour leur libération, nous aurons recours à l'escalade », assure le jeune entrepreneur qui a quitté son village de Fneydek depuis l'enlèvement de son frère, pour pousser les autorités à agir. « Nous sommes à bout de nerfs à cause des menaces des islamistes. Nous sommes sur les routes depuis plus de trois mois, et nos proches sont enlevés dans des conditions terribles, alors que nos politiciens dorment dans leur lit. Nous ne sentons pas que le dossier bouge. Qu'attendent donc les autorités pour libérer les islamistes prisonniers à Roumieh ? » lance-t-il.
Postée à un « barrage » histoire d'empêcher quiconque de passer, Debbiyé Dirani et ses deux frères promettent eux aussi de recourir à l'escalade. « On pourrait fermer toutes les routes de Beyrouth, si le gouvernement ne fait rien pour débloquer le dossier. » Cette mère d'un soldat des FSI, Sleimane Dirani, pris en otage par les islamistes, interpelle le gouvernement d'une part, mais aussi la population libanaise, afin qu'elle fasse « preuve de solidarité ». « Car seuls les proches des otages sont mobilisés », constate-t-elle tristement.

 

(Pour mémoire : "La véritable bataille au Liban n'a pas encore commencé", avertit Al-Nosra)


Entre-temps, à quelques centaines de mètres de là, place Riad el-Solh, une partie des familles des soldats otages poursuivent le sit-in permanent pour la libération de leurs proches. Plus tôt dans la journée, ils avaient brûlé des pneus, non loin de l'entrée du Grand Sérail. Les femmes, assises ensemble, affichent les photos de leurs proches, enlevés. « On nous a dit de considérer nos fils comme martyrs. Quel ministre ou député accepterait-il que son fils soit égorgé devant ses yeux ? » demande avec insistance la tante de l'otage Ziad Omar, soldat des FSI. Regroupés autour d'une tente, un groupe d'hommes se met à table et partage une soupe de kichk, des œufs brouillés, du thon, du pain et des légumes. « Nos otages nous unissent, chiites, sunnites, druzes et chrétiens, mais l'État nous a séparés », déplore celui que tous appellent moukhtar Talal, Talal Taleb, père du soldat des FSI otage, Mohammad Taleb, originaire de Rayak. Salués, encouragés par les passants qui leur lancent « Que Dieu soit avec vous ! » et leur offrent du café, ils invitent les autorités « à faire vite ». « Ramenez-nous nos enfants », demandent-ils à l'État, regrettant que « personne ne réalise la tragédie qu'ils vivent ». Et dans un ultime message aux ravisseurs, ils supplient : « Si vous avez des enfants, ayez pitié des mères et de leurs enfants ! »

Soulagées, les familles des soldats otages ! C'est le moins qu'on puisse dire, après la visite du ministre Bou Faour à l'emplacement du sit-in, hier vers 14h30, au centre-ville, devant la Maison des Kataëb. Une visite qui leur redonne un infime brin d'espoir et les incite à rouvrir les routes dès 15 heures, le représentant des autorités ayant assuré aux familles que l'État mène « les...

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