Si le Liban officiel considère qu'il a réussi à éviter le piège tendu à la conférence sur les réfugiés qui s'est tenue à Berlin en octobre, les organisateurs de cette conférence (les Allemands qui l'ont accueillie sur leur territoire, mais aussi l'Onu et le HCR) considèrent de leur côté qu'il n'a jamais été question de comploter contre le Liban. Sans vraiment nier les détails du déroulement des faits (voir l'article paru le 11 novembre), une source diplomatique concernée par cette conférence précise que tout est dans l'approche et dans l'interprétation.
Le point de départ est le suivant : il existe actuellement un grave problème de réfugiés en raison de la guerre qui se prolonge en Syrie. Selon les chiffres de l'Onu, ils seraient quelque dix millions, dont près de six en Syrie même et plus de 3,5 millions et demi entre le Liban, l'Irak, la Jordanie et le reste du monde. De plus, la crise syrienne étant appelée à se prolonger (puisque, jusqu'à présent, aucune solution n'est en vue), ce chiffre devrait augmenter. Ce qui pose un énorme cas de conscience à la communauté internationale et un très grand souci à l'Onu et ses organisations.
(Repère : Réfugiés syriens au Liban : un état des lieux en infographies)
Selon la source diplomatique, cette conférence de Berlin était prévue depuis la première conférence de soutien au Liban qui s'était tenue en septembre 2013 à New York. Bien que n'étant pas membre de ce qu'on appelle « International Support Group » (ISG) du Liban, l'Allemagne avait offert de l'accueillir dans son souci d'exprimer à la fois son soutien au Liban et son désir d'aider les réfugiés. L'idée de départ était de « réinstaller » en quelque sorte les réfugiés syriens dans d'autres pays pour leur assurer une vie décente. Mais il est très vite apparu que les quotas européens ne peuvent pas absorber un grand nombre de réfugiés, d'autant qu'ils ont déjà des problèmes internes dans ce domaine en particulier. En trois ans, par exemple, l'Europe a accueilli 200 000 réfugiés syriens, dont 70 000 sont installés en Allemagne, et la plupart d'entre eux sont arrivés à bord de bateaux clandestins. Sondés au cours de plusieurs réunions, les pays européens ont fait comprendre qu'ils ne pouvaient pas en accueillir plus. Il fallait donc trouver une solution à ce drame humain. C'est dans cette optique que la conférence de Berlin, qui devait être consacrée aux réfugiés syriens au Liban, a pris un titre plus large, couvrant l'ensemble du dossier de ces réfugiés.
À la demande des autorités libanaises, le ministre allemand des Affaires étrangères est donc venu au Liban en mai 2014 pour préparer cette conférence. Tout le monde était d'accord sur le fait que la crise syrienne était appelée à se prolonger et, par conséquent, qu'il était normal de convier les pays voisins de la Syrie qui accueillent des réfugiés à participer à cette conférence. En réalité, dans toutes les guerres où il y a des déplacements de population, ce sont les pays voisins qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés. Ce fut le cas notamment en Europe, lors des guerres de Bosnie et de Croatie...
Pour les Allemands, il fallait que la conférence permette à la communauté internationale de s'investir davantage dans le dossier des réfugiés, notamment sur le double plan financier et humanitaire, et surtout de prévoir des engagements à plus long terme englobant un soutien aux pays hôtes qui accueillent les réfugiés. Il s'agissait notamment d'aider les structures étatiques de ces pays ainsi que leurs communautés. Le souci des organisateurs était donc d'aboutir à une aide effective aux réfugiés en évitant qu'une génération soit perdue, sans éducation, livrée à elle-même. Voilà pourquoi, par exemple, la question d'assurer un enseignement supérieur aux jeunes réfugiés a été évoquée. Tout comme la question des passeports. Il ne s'agissait nullement d'une volonté d'implanter les réfugiés syriens et de modifier l'équilibre confessionnel au Liban en vue de faciliter une partition ultérieure dans la région, comme cela a été dit, mais de donner une identité aux nouveau-nés syriens qui voient le jour au Liban. Souvent, les parents de ces nouveau-nés n'ont pas la possibilité d'enregistrer les naissances en Syrie ou à l'ambassade, et on ne peut pas laisser ces bébés sans papiers...
La source diplomatique concernée par la conférence est ainsi catégorique : il ne s'agissait pas d'un complot contre le Liban, mais du désir de résoudre des problèmes concrets et humains qui se posent aux réfugiés. Ce qui s'est passé, c'est que les organisateurs voulaient un document avec de la substance et non pas des déclarations banales avec des généralités. Au début, comme c'est souvent le cas lorsque le rendez-vous est encore lointain, le Liban n'a pas bougé. Mais tout s'est précipité au cours des deux dernières semaines et en particulier au cours de la dernière nuit où les négociations se sont prolongées. Le Liban ne voulait pas signer la Convention de Genève, en raison de l'obligation qu'elle entraîne pour les pays signataires d'accueillir les réfugiés en les transformant en terre d'asile. Mais en réalité, tous les pays ont des obligations envers les réfugiés. C'est une question humanitaire qui figure dans la Déclaration des droits de l'homme et même dans la Convention contre la torture.
Il y a eu aussi un débat sur l'idée du retour « volontaire » des réfugiés en Syrie. Le Liban ne voulait pas d'une telle mention car, selon les autorités libanaises, on ne peut pas attendre le bon vouloir des réfugiés. Et si ceux-ci ne voulaient pas rentrer en Syrie pour des raisons économiques ou politiques, c'est le Liban qui devrait en payer le prix ? Les autorités libanaises préféraient donc enlever le mot « volontaire » et préciser que le retour doit se faire « dès que les conditions le permettent ». Après de longues discussions, la formule libanaise a été adoptée, mais en même temps le Liban a accepté le principe de non-refoulement des réfugiés.
La source diplomatique insiste sur ces détails pour bien expliquer que les organisateurs de la conférence de Berlin n'ont jamais eu l'intention de coincer le Liban. Leur souci est simplement de trouver des solutions sur le long terme à une crise humanitaire grave et longue. Le dossier est donc loin d'être clos. Une réunion sur la réinstallation des réfugiés syriens aura lieu à Genève le 9 décembre et une autre aura lieu le 19 décembre pour faire le suivi et le point avec les pays hôtes et l'Onu sur les conditions de vie des réfugiés. Mais il est clair que ni le Liban ni les pays occidentaux ne veulent de textes contraignants...
commentaires (9)
Le problème des réfugiés est surtout l'infiltration par des éléments des services secrets du régime syrien pour des actions de sabotage à l'intérieur du Liban voir plus que du sabotage .... Grâce à des sommes d'argent... Selon des sources bien placées le régime syrien voudrait que le Hezbollah s'affrontent avec les éléments armés au sein de ces camps rien que pour discréditer les réfugiés et pour entretenir son alliance avec le Hezbollah ... Il faut craindre qu'un jour un massacre type sabra chatila soit perpétrer contre un de ses camps ... Par des manœuvres de manipulations que les services criminels du régime syrien savent bien programmer... Malheureusement il y a assez d'ignorance encore pour tomber dans ce piège ... Et le Liban sera discréditer .... La seule solution est de faire sauter le régime le plus tôt possible ...
CBG
14 h 38, le 15 novembre 2014