Depuis les réunions de New York et même du Koweït, les autorités libanaises sentaient que la communauté internationale semblait de plus en plus embarrassée alors que ses promesses d'aide au Liban en sa qualité de terre d'accueil des réfugiés syriens se faisaient de moins en moins concrètes. La réunion du Groupe international de soutien au Liban qui a eu lieu à New York en septembre n'a rien apporté de nouveau sur ce plan. Pour tenter d'obtenir un déblocage des aides promises, le Liban avait donc sollicité une nouvelle réunion et Berlin avait offert de l'accueillir. En principe, il s'agissait d'une réunion consacrée au Liban face au défi que représentent les réfugiés syriens sur son sol. Mais sans concertation avec le Liban, la réunion a été brusquement consacrée à l'ensemble du dossier des réfugiés syriens, en particulier au Liban et en Jordanie.
Le Liban, qui voulait obtenir cette fois du concret, a voulu « bétonner » sa position. Trois jours avant la réunion de Berlin, le gouvernement a publié un « policy paper » qui définit sa politique à l'égard des réfugiés syriens. L'objectif était d'arrêter les polémiques internes sur ce sujet et d'arriver à Berlin avec une position unifiée et une politique claire.
(Infographies : Réfugiés syriens au Liban : un état des lieux)
Couper court aux polémiques
Le « policy paper » prévoyait ainsi la réduction du nombre des réfugiés, d'une part, le refus d'en laisser entrer de nouveaux, sauf dans les cas humanitaires exceptionnels, d'autre part, et ensuite encourager ceux qui sont là à rentrer chez eux. Enfin, il prévoit de réglementer la relation entre l'État libanais et les institutions internationales, de manière à donner à l'État toutes les informations concernant les réfugiés syriens. Le document libanais prévoit aussi d'assurer la sécurité des réfugiés tout en chargeant les municipalités de les recenser et de les placer. Le document libanais expose encore des mesures pour protéger les Libanais de la concurrence des déplacés en prévoyant des programmes d'aide aux Libanais.
Comme cela se passe avant toute réunion internationale, les contacts se sont multipliés avant le rendez-vous de Berlin pour préparer à l'avance le document qui sera soumis à l'approbation des parties présentes et qui servira de déclaration finale. Et c'est là que la bataille du Liban a commencé.
Les parties internationales organisatrices de cet événement sont donc venues voir les responsables libanais avec un premier document qui, après avoir « remercié le Liban pour son hospitalité et sa générosité » (des phrases qui reviennent souvent dans les déclarations internationales), contenait toutefois des points perçus comme des pièges par le ministère des Affaires étrangères.
D'abord, sur le plan de la formulation, le texte contenait des injonctions impératives qui résonnaient comme des ordres donnés au Liban. L'affaire était d'autant plus sérieuse qu'en principe, il avait été décidé qu'une fois adopté par la conférence de Berlin, ce document serait repris par le Conseil de sécurité dans le cadre d'une déclaration présidentielle, moins contraignante qu'une résolution mais qui exige l'unanimité des membres du Conseil.
Une tutelle déguisée
Sur le plan du fond, le projet de document présenté par les organisateurs comportait de nombreux points litigieux aux yeux des Libanais : il y avait par exemple le refus d'accepter l'idée qu'« une solution politique en Syrie peut assurer le retour volontaire d'une grande partie des réfugiés ». Les organisateurs ne voulaient pas évoquer la possibilité d'un retour volontaire des réfugiés chez eux. Le document contenait aussi des injonctions aux pays hôtes pour qu'ils assurent une « cohésion » et « une intégration » des réfugiés au sein des sociétés qui les accueillent. Une autre phrase qui a suscité la colère des Libanais prévoyait que « les pays d'accueil doivent coordonner et coopérer étroitement avec les Nations unies ». Pour les Libanais, il s'agissait d'une atteinte flagrante à la souveraineté.
Sur le plan de la sécurité, l'État libanais devait assurer la sécurité des réfugiés et leur accorder une liberté de déplacement. En même temps, le document stipule que le Liban doit reconnaître le droit d'asile et l'accorder aux réfugiés. Or un tel droit crée un statut juridique et des obligations pour l'État libanais. Le Liban doit aussi s'engager à ne pas appliquer la politique de refoulement des réfugiés et, en même temps, il doit informer les instances internationales des mesures de sécurité prises concernant les réfugiés.
Ce sont là, en gros, les points qui ont poussé le ministère des Affaires étrangères, en accord avec le Premier ministre Tammam Salam, à rejeter le document proposé par les organisateurs.
Bien que le temps pressât avant le rendez-vous de Berlin, le Liban était déterminé à obtenir gain de cause, sinon il était prêt soit à ne pas se rendre à la conférence, soit à décider que le Premier ministre irait seul en Allemagne parce qu'il avait un rendez-vous avec Angela Merkel, sans le ministre des Affaires étrangères, et le Liban serait ainsi représenté par des fonctionnaires à la conférence. Finalement, après des réunions intensives, le document de base a été modifié selon la volonté du Liban, mais la bataille n'était pas encore terminée.
La délégation libanaise présidée par Tammam Salam est donc arrivée à Berlin au complet. En marge de la réunion officielle qui se résume en général à des discours officiels suivis de l'adoption de la déclaration finale, des réunions parallèles se sont tenues et là les discussions ont souvent été mouvementées. Au cours de ces réunions, le Liban était mis sur la sellette surtout après la décision prise par le gouvernement de ne plus accepter de réfugiés syriens. Des représentants de pays européens se sont élevés contre cette décision, invoquant la responsabilité humanitaire et les Libanais ne se sont pas privés de répondre que l'Union européenne ne fait pas grand-chose de son côté pour se montrer solidaire avec ces réfugiés. De plus, le représentant d'un pays européen a même demandé au Liban de délivrer des passeports aux réfugiés syriens, ou à tout le moins des pièces d'identité en leur permettant d'entrer dans nos dossiers d'état civil. Les Européens ont aussi demandé au Liban de fournir un enseignement supérieur aux réfugiés syriens et ils ne voulaient pas accepter l'idée que le Liban puisse prendre des mesures sécuritaires contre eux ni qu'il puisse les relocaliser selon ses exigences sécuritaires. En d'autres termes, par le biais du dossier des réfugiés, le Liban était quasiment placé sous tutelle internationale, ayant les mains liées dans toute action touchant les réfugiés.
(Lire aussi : Réfugiés : mise au point sur les aboutissements de la conférence de Berlin)
Un paragraphe retrouve finalement sa place
Pris de court, car ils croyaient que toutes ces questions avaient été réglées puisque le document sur lequel il y avait eu une entente ne les évoquait pas, les Libanais ont menacé de se retirer de la conférence. Les représentants égyptiens et ceux d'autres pays arabes ont alors tenté une médiation et ils ont eu une longue réunion avec les Libanais qui s'est prolongée jusqu'à une heure du matin pour tenter d'infléchir la position libanaise. Tout au long de cette soirée, les pressions sur les Libanais venaient de toutes parts.
Les Libanais avaient posé 5 conditions, faute de quoi ils n'assisteraient pas à la réunion finale. Le premier point accorde au Liban le droit de rapatrier des réfugiés. Le deuxième n'exige pas la conclusion d'une solution politique globale comme condition préalable au retour des réfugiés. Le troisième prévoit que le Liban est maître de ses décisions pour assurer la stabilité sur son territoire. Le quatrième consiste dans le refus du Liban de signer la Convention de Genève sur les réfugiés et le cinquième rejette l'intégration considérant que ce point relève de la souveraineté libanaise et de la Constitution.
Les discussions se prolongent et, échaudés, les Libanais se méfient de chaque mouture qui leur est soumise. Même le ministre allemand des Affaires étrangères intervient à son tour pour amener le Liban à assouplir sa position, d'autant que la conférence se tient en principe pour l'aider. Il leur précise que la plupart des pays comprennent leur attitude, mais les Turcs y restent très opposés. Ce qui fait dire à un membre de la délégation libanaise : « Alors choisissez, c'est nous ou eux ! »
Finalement, un accord est trouvé de justesse et un paragraphe est rédigé dans le document final qui englobe les conditions libanaises. Tout le monde se dirige le lendemain vers la salle de réunion du Groupe international de soutien au Liban. Mais quelle n'est la surprise des Libanais de voir que justement le paragraphe en question a été enlevé. Nouveau tollé. L'incident diplomatique menace et, finalement, le paragraphe retrouve sa place. La conférence de Berlin peut se terminer sur un accord minimal, mais il est clair que l'affaire n'est pas réglée.
Une source diplomatique révèle à cet égard que le problème des réfugiés syriens embarrasse grandement la communauté internationale, qui se sent responsable de leur situation, mais ne veut pas en assumer les conséquences. De plus, la communauté internationale est convaincue que la crise syrienne est appelée à se prolonger. Elle veut donc assurer un minimum de stabilité et de conditions de vie acceptables aux réfugiés. Et le Liban, avec ses divisions intérieures et sa fragilité, pourrait lui permettre de trouver une solution provisoire à ce dossier, se donnant ainsi bonne conscience. Pourtant, cette fois, le Liban a fait preuve de fermeté et il a tenu bon face à toutes les pressions, mais celles-ci sont appelées à s'intensifier, au rythme des développements en Syrie... Le Liban a donc clairement signifié à la communauté internationale qu'il n'est pas prêt à signer un second accord du Caire (celui qui avait légalisé la présence palestinienne au Liban, notamment armée). Mais tant que cette communauté n'a pas encore décidé des contours de la solution en Syrie, elle souhaiterait garder les réfugiés syriens au Liban. Ce qui annonce une période complexe où la vigilance et la mobilisation de tous les Libanais sur ce dossier sont requises.
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commentaires (11)
mais c'est de la blague, les occidentaux savent tres bien qu'il est impossible socialement politiquement d'implanter les syriens et palestiniens au liban hahaha a la bonne heure les idees complotiste arrivent aussi a L'OLJ???? pq reportez vous des articles deja existant dans d'autres media a coloration complotiste??? vous pensez que vos lecteurs ne lisent que l'OLJ??? je n'ai vraiment pas le temps de vous demontrer le pq l'occident ne peut VRAIMENT demander aux libanais d'implanter les syriens au liban .. mais pensez un peu a l'equilibre du pacte national!!! et puis bien sur que cette article serait edulcorer car il concerne wallaw le ministere des affaires etrangere du liban oups pardon le ministere des affaires etrangere AU LIBAN !!!
Bery tus
22 h 09, le 11 novembre 2014