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Moyen Orient et Monde - Afghanistan

Rula Ghani, ou le multiculturalisme comme antidote à la violence

Rula Ghani a déjà brisé quelques tabous en faisant campagne aux côtés de son mari plus tôt cette année lors de la campagne électorale pour la présidentielle. Shah Marai/AFP

Libanaise d'origine, chrétienne d'héritage, marquée par mai 68, ses années à Paris et aux États-Unis, et critique du voile intégral, la nouvelle Première dame d'Afghanistan Rula Ghani souhaite mettre en avant ses identités multiples pour jouer un rôle actif dans un pays miné par 35 ans de guerre, confie-t-elle dans un entretien à l'AFP.
« Il y a deux façons de réagir », estime-t-elle, lorsqu'on possède plusieurs identités. « Une façon est de choisir une seule identité et de s'y accrocher, et une autre est d'embrasser toutes les identités, d'essayer de profiter de l'apport de chaque identité », assure-t-elle en citant le classique d'Amin Maalouf Les identités meurtrières. « Je préfère la seconde alternative parce que la première, en fait d'après Amin Maalouf, c'est vraiment aller à l'encontre des autres identités, dont ça devient une possibilité de violence contre les autres identités », affirme l'épouse d'Ashraf Ghani, ex-cadre de la Banque mondiale qui a succédé fin septembre à Hamid Karzaï à la tête de l'Afghanistan.

Pour mieux souligner ses propos, cette ancienne étudiante à Sciences po Paris, qui s'exprime dans un français parfait malgré 30 années passées aux États-Unis, explique : « J'ai une identité française, mais ça ne veut pas dire que j'utiliserai le français tout le temps. »
En mai 1968 à Paris, elle se souvient d'avoir été au cœur du bouleversement. Une expérience qui l'a marquée, même si elle n'a pas participé directement au mouvement aux côtés de ses camarades français. « J'ai trouvé ça très rafraîchissant de voir les gens décider qu'il y a certaines choses qu'ils voulaient et certaines choses qu'ils ne voulaient pas. Donc de faire preuve d'une certaine indépendance d'esprit », se rappelle-t-elle. Prendre la parole en tant que Première dame, d'origine étrangère et de religion chrétienne, est preuve d'audace dans ce pays conservateur où le droit des femmes demeure fragile malgré des progrès enregistrés au cours de la dernière décennie.

C'est ce qu'elle fait en approuvant la loi française qui condamne le port du voile intégral dans l'espace public, mais autorise le foulard qui laisse le visage à découvert. « En ce qui concerne la politique française contre le niqab et la burqa qui empêchent la femme de pouvoir se déplacer en pouvant voir parce que le niqab, c'est un peu comme des œillères, je suis tout à fait d'accord avec le gouvernement français », dit-elle. Mais elle nuance son propos en ajoutant que « si jamais la personne veut porter un foulard, veut porter de longs habits, veut se couvrir jusqu'aux chevilles, jusqu'aux poignets, (...) ça a certainement dans ce cas-là une raison religieuse, mais c'est quelque chose avec lequel les gens peuvent vivre, ce n'est pas du tout offusquant, ce n'est pas gênant ». De son éducation française, elle a gardé « une façon de penser, très logique, très cartésienne », assure-t-elle. De son bref passage au bureau de l'Agence France-Presse (AFP) de Beyrouth, au début des années 1970, elle se souvient d'avoir appris la rigueur, la rapidité, la précision.

« Plus de "visibilité" »
En Afghanistan, l'un des pays musulmans les plus traditionalistes, son identité chrétienne a été critiquée pendant la campagne électorale de son mari. « Je pense que cette phase est terminée », assure-t-elle en précisant qu'elle ne va pas aller à l'encontre des traditions de son pays d'adoption. À 66 ans, Rula Ghani, surnommée affectueusement « Bibi Gul » par son mari, n'entend pas pour autant rester enfermée derrière les murs du palais présidentiel. Elle a déjà brisé quelques tabous en faisant campagne aux côtés de son mari plus tôt cette année lors de la campagne électorale, prononçant elle-même au moins un discours devant ses partisans. Elle espère plus de « visibilité » que Zeenat Karzaï, l'épouse de l'ancien président Hamir Karzaï, qui est restée très discrète pendant le règne de son mari, au pouvoir de la chute des talibans fin 2001 à septembre dernier.


Mais un mois après l'investiture de son mari, Mme Ghani travaille encore à définir les contours de son rôle. « C'est un rôle tout à fait important d'être Première dame d'un pays. Je trouve que c'est une responsabilité », reconnaît-elle. « Je ne suis pas encore sûre aujourd'hui du rôle que je vais jouer », ajoute Mme Ghani. Mais le président Ghani, qui lui a rendu hommage dans son discours d'investiture, a déjà « donné le ton », explique la Première dame. Elle aura aux côtés du président, quoi qu'il arrive, un rôle actif. « En faisant cela, il a montré en tant qu'homme qu'il respecte sa femme et qu'il apprécie son rôle », poursuit Mme Ghani, bien consciente que le droit des femmes en Afghanistan devrait pouvoir encore s'améliorer. « J'ai espoir qu'après son mandat de cinq ans, les hommes en Afghanistan seront plus enclins à reconnaître le rôle de leurs femmes, leurs filles, leurs sœurs. »

Emmanuel PARISSE, Issam AHMED

 

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