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Liban - Liban

Omerta sur les otages en Conseil des ministres

Les ministres réunis au grand complet hier ont discuté de sujets divers, notamment de l'affaire des militaires otages, qu'ils semblent vouloir garder « secrète ». La question de l'aménagement de camps pour les réfugiés a été pour sa part retirée du débat, les opinions étant divisées sur le sujet.

Le Conseil des ministres réuni hier au grand complet. Photos Dalati et Nohra

Si les ministres réunis au Grand Sérail n'ont pas été trop bavards hier à leur sortie de la réunion hebdomadaire du cabinet, l'on aurait pu croire que cela est uniquement dû au fait que la réunion a trop duré. Huit heures de discussions, en effet, ont été largement suffisantes pour assommer les édiles qui ont quitté le Sérail épuisés en soirée. Mais au-delà de la fatigue, il semblerait qu'il y ait une tout autre raison derrière le mutisme des membres du cabinet Salam qui se sont apparemment passé le mot et mis d'accord sur la nécessité de ne divulguer aucun détail sur leur réunion. Cette dernière, outre un ordre du jour chargé, était consacrée aussi et surtout à l'épineux dossier des militaires pris en otage par Daech et le Front de lutte al-Nosra, pour la première fois depuis le début de la mission du médiateur qatari.


« Nous ne pouvons pas entrer dans les détails par souci d'assurer le succès des négociations qui doivent rester secrètes », a affirmé le ministre de l'Énergie Arthur Nazarian à L'Orient-Le Jour. « Nous avons en tout cas parlé de l'affaire sans trop de détails lors de la réunion », a-t-il ajouté, laissant croire que les ministres gardent le silence par manque d'informations. Des propos confirmés par le ministre Nabil de Freige qui ne s'est pas retenu d'affirmer : « Il serait faux de croire que nous avons discuté des détails des négociations ou que le ministre Tammam Salam nous a mis au courant , et cela est extrêmement normal dans pareille situation. Nous faisons confiance au Premier ministre. »


Le Premier ministre Salam avait mis, en début de réunion, les ministres réunis au complet au courant des efforts qu'il déployait pour obtenir la libération des militaires, en espérant que les négociations portent leurs fruits prochainement et assurant « travailler jour et nuit avec le ministre de l'Intérieur, le directeur de la Sûreté générale et le Qatar qui joue un rôle important et positif dans le processus de négociation ». Il a également fait part de la possibilité que la Turquie intervienne directement dans cette affaire.

 

(Lire aussi : Al-Nosra douche l'espoir des familles : « Nous n'avons pas promis de ne plus exécuter d'otages »)

 

« Rien de concret encore... »
« Nous sommes très loin de parler encore d'échange et il n'y a rien de concret jusque-là, a poursuivi pour sa part Nabil de Freige. Nous sommes au tout début et nous n'avons pas encore parlé de conditions d'échange. » Assurant ne pas être très optimiste et rappelant que les ravisseurs des otages « ne sont pas des enfants de chœur », le ministre a indiqué que le gouvernement traite ce dossier depuis le début de façon très sérieuse, et qu'il vaut mieux que les détails des négociations ne soient pas divulgués pour qu'ils ne soient pas utilisés à mauvais escient.


Une approche que de nombreux ministres ont assimilée hier à « l'approche turque ». « La Turquie a libéré 47 otages sans que personne n'intervienne et sans que personne ne sache quels ont été les détails des négociations en cours, a ainsi expliqué le ministre de l'Économie Alain Hakim à L'Orient-Le Jour. Laissons l'État travailler, nous faisons confiance à ses services, à ses appareils sécuritaires, à Tammam Salam et à Abbas Ibrahim. Toutes les composantes du cabinet étaient d'accord lors de la réunion sur ce point. »
À cet égard, notre correspondante au Grand Sérail Hoda Chédid a assuré que les ministres se sont mis d'accord sur la nécessité de ne pas répondre aux demandes des ravisseurs « pour ne pas porter atteinte au prestige de l'État ». Le ministre Hakim a toutefois tenu à rappeler que « nous n'avons même pas été notifiés de manière officielle des demandes et des conditions des ravisseurs et nous sommes encore au début du processus de négociations ». « Nous sommes d'ailleurs ouverts à toutes les propositions, a-t-il encore dit. C'est maintenant que les négociations ont commencé sérieusement et nous ne pouvons pas nous baser sur les informations des médias qui doivent comprendre à quel point le dossier est délicat. »


Enfin, au terme de trois heures de discussions concernant l'affaire des militaires otages, le Conseil des ministres a chargé le Premier ministre de poursuivre les négociations dans ce dossier « par tous les moyens disponibles », en vue d'obtenir la libération des otages militaires. « Dans le même contexte, le Conseil des ministres a souligné l'importance de garder les négociations sur le dossier des otages militaires loin de tout tapage médiatique, pour préserver la sécurité des soldats et pour ne pas exploiter leur cause de manière à réaliser les objectifs des terroristes takfiris », a précisé pour sa part le ministre de l'Information Ramzi Jreige à l'issue de la réunion.

 

Controverse sur les camps pour réfugiés
Donc trois heures de discussions « pas dans les détails » sur le dossier des otages, et un peu plus de cinq heures sur divers autres sujets à l'ordre du jour. Le Premier ministre a ainsi rappelé, au début de la réunion, la nécessité d'élire un président de la République dans les plus brefs délais « pour activer le travail des institutions constitutionnelles ». Les ministres ont également discuté pendant une heure et demie des contrats présentés par certaines entreprises pour entreprendre des forages pétroliers, avant que les ministres ne demandent au ministre de l'Énergie de préparer une nouvelle étude à ce sujet d'ici à une semaine. Les ministres ont également ratifié les décrets de loi approuvés la veille par le Parlement, même si les députés des Kataëb ont refusé de les signer, puisqu'ils refusent par principe que le Parlement légifère en l'absence d'un président de la République. Le Conseil des ministres a aussi approuvé le décret visant à organiser le placardage des panneaux publicitaires et a décidé enfin de consacrer une réunion après la fête d'al-Adha pour discuter des conditions de vie des réfugiés syriens.


Sur un autre plan, le Conseil des ministres ne s'est pas penché sur la question de mise en place de camps pour les réfugiés, reportant la discussion à la semaine prochaine. « Nous verrons cela donc, mais nous avons senti que les opinions divergeront à ce sujet et le diable réside dans les détails », a assuré sur ce plan le ministre Alain Hakim. Pour sa part, le ministre des Affaires sociales Rachid Derbas a souligné que la mise en place de camps pour les réfugiés était un sujet controversé au sein du cabinet, et c'est pourquoi il a été retiré de la réunion d'aujourd'hui.
Indiquant que les discussions portent actuellement sur la mise en place de camps en dehors de Ersal étant donné que les camps ont été incendiés et en raison des dangers qui résultent de la présence des réfugiés dans la région, M. Derbas a précisé que cette affaire ne nécessite pas une décision ministérielle vu qu'elle fait partie des prérogatives du ministre de l'Intérieur. Des propos contestés par le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil qui a tenu à rappeler qu'« une telle décision nécessite le consentement du gouvernement et elle ne passera pas ». À ce propos, son collègue et allié le ministre de l'Éducation Élias Bou Saab avait affirmé, peu avant la réunion : « Nous nous opposons à la mise en place de tels camps car ils deviendront des îlots sécuritaires que nous pourrons difficilement contrôler. »
Le débat s'annonce houleux la semaine prochaine.

 

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Pourquoi ce mot "Omerta" ? Le mot silence n'aurait-il pas suffi ?

Halim Abou Chacra

05 h 25, le 03 octobre 2014

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Commentaires (1)

  • Pourquoi ce mot "Omerta" ? Le mot silence n'aurait-il pas suffi ?

    Halim Abou Chacra

    05 h 25, le 03 octobre 2014

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