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Liban - Commentaire

Le Liban, un modèle de modération

Paysage hivernal libanais. AFP/Joseph Eid

Le débat à l'échelle internationale des dernières semaines gravitait autour de l'initiative du président américain Barack Obama visant à bloquer la progression du prétendu « État islamique » en Irak et en Syrie, également désigné sous le vocable de Daech. Une autre force est aussi apparue en guise de rempart improbable contre les chefs d'un califat autoproclamé que la plupart qualifient de barbares ou de disjonctés. J'ai nommé : le pluralisme libanais. Car, malgré les lacunes de son système politique, le Liban pourrait bien servir de modèle pour la gestion de la diversité culturelle afin de rejeter le radicalisme dans des sociétés instables et divisées.
Le mois dernier, l'armée libanaise a fait preuve d'un courage considérable dans sa lutte contre les militants de Daech dans la localité de Ersal, située à proximité de la frontière syrienne. Même si l'armée a essuyé de lourdes pertes – notamment deux soldats qui ont été décapités et un troisième tué par une balle dans la tête –, elle est néanmoins parvenue à forcer la retraite d'une grande partie des militants qui se servait d'un camp de réfugiés syriens comme base pour leurs opérations. Et elle continue d'intervenir dès que le besoin se fait sentir. L'aide internationale afflue en ce moment vers l'armée, l'Arabie saoudite s'est engagée, à elle seule, à verser plus de 3 milliards de dollars.


Mais la communauté internationale ne doit pas se contenter d'aider les militaires, elle doit aussi appuyer la véritable force du Liban : son tissu social modéré, pluraliste et dynamique. Après tout, c'est ce qui permit au pays, contre toute attente, d'éviter récemment un conflit tous azimuts, représentant une lueur d'espoir – quand bien même chancelante – dans une région ravagée par la guerre.


La résilience du Liban a confondu les sceptiques, même si le manque de cohésion des identités nationales – le résultat de profondes divisions sociales qui ressemblent, dans une certaine mesure, à celles qui sévissent en Irak – sans compter la fragilité notoire des institutions publiques. En fait, le système politique du Liban a été paralysé par des discordes à propos de la guerre civile en Syrie, dont les répercussions ont traversé la frontière libanaise. Le pays n'a plus de président depuis le mois de mai ; l'Assemblée nationale n'a pas encore repris ses activités et le cabinet est pratiquement sans pouvoirs.


Toutefois, lorsque les troupes de Daech sont arrivées à la frontière, la plupart des partis politiques, des médias et des membres de la société civile du Liban se sont mobilisés. Des panneaux d'affichage public ont été érigés pour faire appel au sens de la modération des sunnites afin de préserver la paix. Les organes de presse sont convenus officieusement de ne pas servir de plateforme aux militants extrémistes. Les festivals de spectacles invitant des artistes internationaux ont eu lieu comme prévu – envoyant un message clair que le peuple libanais refusait de baisser les bras devant le radicalisme et la violence.
Qui plus est, l'armée a reçu d'innombrables témoignages d'appui du public, ce qui est compréhensible, vu l'absence d'autres institutions rassembleuses. La campagne de l'armée a même reçu l'appui de groupes militants chiites du Hezbollah qui avait pourtant provoqué de profondes fissures au Liban en aidant au renflouement des forces militaires du régime du président syrien Bachar el-Assad. Évidemment, le désir de laisser les autres mourir à leur place dans la lutte face aux adversaires d'Assad était fort probablement le principal motif de cet appui.


Paradoxalement, la faiblesse de l'État libanais pourrait bien contribuer à la vigueur de la société civile. Au Liban, contrairement à d'autres pays arabes, aucun groupe religieux n'est majoritaire. Les chiites et les sunnites se pressent au portillon pour faire des alliances avec la communauté chrétienne, étant très conscients du rôle essentiel que cette dernière occupe dans la vie sociale et politique du pays.
Le fait que les Libanais souscrivent aux principes de la diversité culturelle et du pluralisme a permis au pays de sortir de 15 ans de guerre civile, de résister à des décennies d'occupation syrienne et israélienne, et finalement de lutter contre la montée de Daech. Il aura sans doute fallu toutes ces années de violence pour que les chrétiens, les sunnites et les chiites assimilent apparemment la leçon qu'ils ne peuvent imposer leur volonté les uns aux autres.


Aujourd'hui, le Liban regorge de l'esprit cosmopolite et de l'énergie pour lesquels la région entière était réputée. Et les activités créatrices de ses habitants sont de plus en plus reconnues dans le monde entier. Il en est ainsi, par exemple, de celles du créateur de mode Elie Saab qui habille les vedettes de Hollywood ainsi que des œuvres d'art de Lamia Jreige exposées dans la collection permanente du musée d'art moderne Tate à Londres.
En outre, le pluralisme et la modération demeurent des forces dominantes au pays ; comme le révèle le fait que les milices de Daech ne comptent aucun Libanais qui se serait porté volontaire pour devenir émir du Liban.


Mais ce modèle inspirant est menacé car le Liban souffre d'une énorme dette et de l'accroissement de la pauvreté la plus totale dans les régions rurales, particulièrement au sein de la population sunnite. Le déferlement au Liban d'une population de plus d'un million de réfugiés syriens – l'équivalent, proportionnellement, de 80 millions de Mexicains arrivant subitement aux États-Unis – aggrave certainement cette situation précaire.
Une population de réfugiés aussi importante peut aisément dégrader – et déstabiliser – la trame d'une société, surtout si elle est aussi tendue qu'au Liban. Elle pourrait même servir de passerelle – accidentelle il est vrai – permettant aux militants du Daech de pénétrer au pays. Or la communauté internationale n'a fourni jusqu'ici que 40 % des fonds nécessaires au Liban pour faire face à la crise.


Si le Liban parvient à passer à travers la crise actuelle en préservant son système pluraliste, son dynamisme culturel et sa créativité, les perspectives d'atteindre une maturité politique sont prometteuses. Étant donné l'importance de tels progrès non seulement pour le Liban, mais également pour les pays voisins, la communauté ferait bien de trouver des moyens d'assurer que le pays tienne le cap, non seulement politiquement et militairement, mais aussi culturellement.
Il faut donner les moyens au Liban de continuer à être la source d'inspiration des pays limitrophes et à servir de modèle d'un véritable pluralisme au Proche-Orient. C'est important maintenant ; ce le sera encore plus lorsque le monde arabe sortira de sa tourmente actuelle et amorcera le rétablissement d'un ordre sociopolitique plus stable.

© Project Syndicate 2014. Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier.



Kim Ghattas est une correspondante de la BBC à Washington et auteur du livre « The Secretary : A Journey with Hillary Clinton from Beirut to the Heart of American Power » (La secrétaire d'État : le périple de Hillary Clinton de Beyrouth au cœur du pouvoir américain).

Marwan Muasher est vice-président à la fondation Carnegie pour la paix internationale et auteur des livres « The Second Arab Awakening » (Le second éveil des pays arabes) et « Battle for Pluralism » (La lutte pour le pluralisme).

Le débat à l'échelle internationale des dernières semaines gravitait autour de l'initiative du président américain Barack Obama visant à bloquer la progression du prétendu « État islamique » en Irak et en Syrie, également désigné sous le vocable de Daech. Une autre force est aussi apparue en guise de rempart improbable contre les chefs d'un califat autoproclamé que la plupart...

commentaires (3)

Du temps de l'occupation terroriste du Liban de l'usurpateur constitutionnelle en 82, la question que je me pose et que je pose a tous ceux qui pourront y repondre est la suivante : pourquoi après avoir chasse Arafat et l'olp , les envahisseurs sont quand meme restes 20 ans a pratiquer la barbarie sioniste,comme celle qu'on voit a Gaza et ailleurs en pays usurpe? Devant pas de reponses , a part celles fantasistes qui nous parlent de protection des villages et personnes Chretiennes du sud , je ferai remarquer que les chiites n'ont jamais egorge , tue ou detruit des eglises au sud Liban . Au grand Malheur d'israel qui aurait souhaiter voir ca de leur part . Alors , tant qu'a faire , ces sionistes ont fait porter la responsabilite de cet acte criminel a leurs sbires du golfe binsaoudique. On me dira qu'est ce avoir avec cet article lenifiant et pas mal ecrit ? je dirai que le systeme libanais n'a rien a voir dans tout ca , les hommes qui habitent ce pays devraient rehausser leur standard de vue . Alors on attend patiemment que les retardes ( daech, nosra,qaida) se policisent , se civilisent surtout .

FRIK-A-FRAK

12 h 30, le 30 septembre 2014

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Commentaires (3)

  • Du temps de l'occupation terroriste du Liban de l'usurpateur constitutionnelle en 82, la question que je me pose et que je pose a tous ceux qui pourront y repondre est la suivante : pourquoi après avoir chasse Arafat et l'olp , les envahisseurs sont quand meme restes 20 ans a pratiquer la barbarie sioniste,comme celle qu'on voit a Gaza et ailleurs en pays usurpe? Devant pas de reponses , a part celles fantasistes qui nous parlent de protection des villages et personnes Chretiennes du sud , je ferai remarquer que les chiites n'ont jamais egorge , tue ou detruit des eglises au sud Liban . Au grand Malheur d'israel qui aurait souhaiter voir ca de leur part . Alors , tant qu'a faire , ces sionistes ont fait porter la responsabilite de cet acte criminel a leurs sbires du golfe binsaoudique. On me dira qu'est ce avoir avec cet article lenifiant et pas mal ecrit ? je dirai que le systeme libanais n'a rien a voir dans tout ca , les hommes qui habitent ce pays devraient rehausser leur standard de vue . Alors on attend patiemment que les retardes ( daech, nosra,qaida) se policisent , se civilisent surtout .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 30, le 30 septembre 2014

  • IL L'ÉTAIT... ET DOIT LE REDEVENIR...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 41, le 30 septembre 2014

  • Le Liban est un pays habilité à surmonter toutes les difficultés, toutes les crises, toutes les barbaries daéchistes, n'étaient les entraves que sèment sur son chemin des chefs politiques à l'ambition morbide.

    Halim Abou Chacra

    03 h 29, le 30 septembre 2014

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