« Il ne faut pas demander au gouvernement ce qu'il n'a pas les moyens de donner », lance Adnane Ataya pour toute réponse à la question qui lui est posée sur ses attentes en tant qu'industriel de l'agroalimentaire. Le propriétaire de Lavelux, une entreprise spécialisée dans la fabrication de produits alimentaires, rappelle que cela fait « cinquante ans » que la problématique du soutien de l'État à ce secteur de l'économie libanaise défraie la chronique sans que cela n'ait abouti à une quelconque révolution dans le domaine.
Pourtant, à en croire ce membre de la direction de l'Association des industriels libanais (Ail) issu de la liste « Tous pour l'industrie » de Fady Gemayel, « les acteurs de ce secteur au Liban restent compétitifs, malgré la crise ». Une impression apparemment partagée dans le milieu.
Georges Nasraoui, qui occupe le poste de second vice-président de l'Ail, est un pionnier dans le domaine de l'industrie agroalimentaire au Liban. Propriétaire de l'entreprise Sonaco, il supervise actuellement la construction d'une extension de son usine rattachée à Amchit, où sont fabriqués les produits de la gamme al-Rabih. Une annexe de 2 500 m² qui lui permettra d'augmenter ses capacités de production de 20 à 25 % environ afin de satisfaire une demande de l'étranger en constante progression. Il faut par ailleurs noter que 85 % des produits fabriqués par Sonaco sont destinés à l'exportation, ce qui rend son entreprise beaucoup plus résistante par rapport aux aléas de la conjoncture locale. La nouvelle extension de l'usine, quant à elle, sera normalement opérationnelle début 2015.
Si M. Nasraoui avoue exprimer certains regrets pour avoir choisi de poursuivre ses activités au Liban en raison des difficultés conjoncturelles récurrentes et relatives au contexte régional, il ne reste pas moins satisfait du travail qu'il a accompli depuis 1975. La structure de 450 m² qui employait une quinzaine de personnes à ses débuts s'étend désormais sur 10 000 m² où s'affairent 150 salariés, auxquels s'ajoutent une cinquantaine de saisonniers.
Mais s'il y a un domaine où Sonaco a été précurseur au niveau national, c'est bien au niveau de la mise en conformité par rapport aux normes de management de la sécurité des denrées alimentaires, le label Iso 22000, peu après sa création en septembre 2005. Une consécration pour M. Nasraoui, pour qui la labellisation a été « une des étapes les plus délicates à franchir » pour s'imposer à l'international. « Lorsque nous avons lancé nos produits sous le nom d'al-Rabih, nous n'avions que peu d'informations disponibles sur les modalités de la protection de la propriété industrielle à l'étranger. Quelle ne fut pas notre surprise quand nous avons réalisé que certains concurrents étrangers avaient breveté notre propre marque dans certains pays », citant l'Égypte, le Koweït ou encore l'Arabie saoudite. Cette époque de l'histoire de Sonaco est désormais révolue. M. Nasraoui concède toutefois que « certaines législations, comme celle des États-Unis par exemple, sont plus rigides que d'autres et posent encore quelques difficultés ».
L'industrie, une forme de résistance ?
Pour Ghida Kassatly-Boulos, directrice marketing au sein du groupe Kassatly, les affaires vont « plutôt bien » aussi. Le lancement de la Beirut Beer, qui aura coûté 15 millions de dollars en financement, a connu « un très bon démarrage sur les deux premiers mois ». Son frère, Nayef, qui gère actuellement cette division, précise que les raisons de la bonne santé de son entreprise résident surtout dans la « recherche systématique de valeur ajoutée dans les produits manufacturés ». « Une spécialisation qui fait la différence tant sur le marché local qu'à l'international », selon lui.
M. Ataya, du groupe Lavelux, va plus loin. Il estime que la clef de la réussite des industries libanaises et de leur capacité à résister aux turbulences régionales tient surtout à « une culture de la réussite, combinée à la mentalité familiale qui prévaut dans la plupart des entreprises industrielles au Liban ». « C'est une forme de résistance, comme une autre », conclut-il. Enfin, un responsable du groupe Kobayter, fabricant d'huile d'olive, d'eau de rose et de sel qui excerce ses activités entre Tripoli et Qalamoun, affirme que les seules vraies difficultés auxquelles il doit faire face concernent l'acheminement de ses produits et matériaux en raison de la situation sécuritaire, particulièrement délétère dans le nord du pays. « Au-delà de ça, tout va bien », confie-t-il pour toute déclaration sur la santé de son affaire.
Tout robustes et flexibles qu'ils puissent être, les industriels libanais font toutefois face à des difficultés structurelles dont ils se passeraient bien : la précarité du réseau de distribution électrique, qui fait augmenter les factures énergétiques dans des proportions qui peuvent aller du simple au triple, figure en tête de liste, suivie de près par les problèmes d'eau. Si une entreprise comme Lavelux est moins affectée par ces surcoûts de production, son directeur souligne néanmoins que « ce n'est pas le cas des industriels spécialisés dans le conditionnement, pour qui cette surcharge peut être très pénalisante ».
Selon les professionnels du secteur, un autre obstacle est, lui, incarné par l'attitude des distributeurs, notamment les chaînes de supermarchés, dont les tarifs de mise en rayon sont jugés « trop élevés ». Une enseigne de la grande distribution prélève une somme sur chaque produit qu'elle introduit, à laquelle s'ajoutent un pourcentage sur les ventes ainsi que des « frais supplémentaire de promotion ». Certaines enseignes « se permettent même de baisser les prix des produits sans permission préalable du producteur », peut-on découvrir au gré des différents témoignages. Les retards de paiement de la part de ces enseignes semblent également « monnaie courante », et la signature d'une charte cristallisant les obligations des grandes enseignes de distribution est réclamée par les industriels depuis plus de dix ans.
Fady Gemayel, président de l'Ail, affirme néanmoins que les professionnels du secteur ont pu compter avec le soutien, au moins moral, des différents ministres de l'Industrie au cours des années précédentes, malgré les crises politiques successives qui animent la vie institutionnelle. Pour lui, l'étape primordiale de toute aide au secteur doit se faire au travers de la reconnaissance d'un « modèle industriel libanais », à cheval entre libéralisme et protectionnisme, et l'adaptation des réformes en fonction. M. Gemayel insiste enfin sur le fait que les différentes initiatives destinées à soutenir cette catégorie d'acteurs économiques (Libanpack, exonération des revenus liés aux exportations, extension des ZEI, programme de subventions des intérêts sur les prêts...) doivent désormais faire l'objet d'une politique de fond. Il faudra bien ça pour récompenser des industriels libanais dont la résilience intemporelle fait parfois oublier qu'ils ne sont pas éternels.
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commentaires (2)
LIBANAIS, SUPPORTEZ L'INDUSTRIE LIBANAISE ! LA VIE DU PAYS ET SA DESTINÉE L'IMPOSENT ! N'AMALGAMEZ PAS EXPLOITANTS SANS CONSCIENCE, PAR EXEMPLE LES PROPRIÉTAIRES DES GÉNÉRATEURS ÉLECTRIQUES QUI SUCENT VOTRE SANG, ET AUJOURD'HUI CEUX DE L'EAU QUI EN FONT DE MËME, AVEC LES INDUSTRIES LA DEUXIÈME ÉPINE DORSALE AUJOURD'HUI, APRÈS LES BANQUES, PUISQUE LE TOURISME VOUS L'AVEZ FAIT SAUTÉ PAR VOTRE SUIVISME AVEUGLE DES ABRUTIS QUI VOUS MANIPULENT ET SÉCURITAIREMENT ET ÉCONOMIQUEMENT... L'ABRUTISSEMENT SE PAIE... ET CHÈREMENT !!!
LA LIBRE EXPRESSION
09 h 27, le 23 septembre 2014