Rechercher
Rechercher

Liban - Révolte

Le cri de colère des familles des soldats enlevés : Nous irons jusque dans les maisons des responsables, s’il le faut

Les parents des soldats enlevés à Ersal ont appelé encore une fois l'État à négocier pour clore le dossier et sauver la vie des militaires qui risquent à tout moment d'être exécutés.

La rage au cœur, les familles des soldats enlevés ont bloqué hier, de longues heures durant, le col du Baïdar, l’un des plus importants axes routiers du pays. Photo Daniele Khayat

Les familles des soldats enlevés en août dernier à Ersal par le Front al-Nosra et les miliciens de l'État islamique ont bloqué hier les autoroutes internationales au niveau de Qalamoun au Liban-Nord et de Dahr el-Baïdar, sur la route de Damas.

À Qalamoun, l'autoroute dans les deux sens a été partiellement bloquée et une tente permanente a été dressée.
La route de Dahr el-Baïdar, au niveau de Falougha, a été coupée durant plusieurs heures ; les parents des militaires kidnappés ont utilisé des pneus enflammés pour empêcher les véhicules de circuler.
Les familles ont appelé l'État à agir rapidement en négociant pour libérer les otages de l'armée et des Forces de sécurité intérieure. Elles ont promis de recourir à des mesures d'escalade.

« Nous sommes prêts, s'il le faut, à organiser des sit-in à l'intérieur des maisons des députés et des ministres », a indiqué, dans un entretien téléphonique avec L'Orient-Le Jour, Nizam Mghayt, le frère de l'adjudant Ibrahim Mghayt, originaire de Qalamoun, localité située sur le littoral du Liban-Nord.

Ibrahim, 33 ans, est père de deux enfants, l'un âgé de cinq ans et l'autre de trois ans et demi. Sa femme est enceinte. Ibrahim, qui servait à Zahrani, avait été transféré, un mois et demi avant son enlèvement, à Ersal.
« Mon frère est détenu avec huit autres militaires par les miliciens de l'EI. Nous n'avons eu aucune nouvelle de lui depuis son enlèvement le 3 août dernier. Nous avons regardé, il y a seize jours, une vidéo postée par l'EI sur Twitter, dans laquelle les jihadistes menaçaient de tuer les soldats si le gouvernement ne libérait pas les islamistes emprisonnés à Roumieh. Mon frère est apparu dans le film ; il était amaigri et il avait l'air d'avoir pris dix ans », raconte Ibrahim. « Nous sommes tout le temps inquiets. À longueur de journée, nous nous posons des questions : mange-t-il à sa faim ? A-t-il soif ? Est-il bien traité ? » ajoute-t-il.

Pour Nizam, « le gouvernement, par respect pour ses citoyens, doit négocier sans délai. On ne va pas attendre quarante ans pour qu'ils (l'EI et le Front al-Nosra) les rendent. Il faut agir maintenant ». « Nous sommes sans aucune nouvelle, sans aucun indice. Nous avons frappé à toutes les portes, en vain », poursuit-il.

(Lire aussi : Le père de Mohammad Hamiyé : L'État est responsable de la mort de mon fils)

Le prestige de l'État...
La famille de l'adjudant Georges Khoury, originaire de Qobeyate, a pu le rencontrer il y a une dizaine de jours. Georges Khoury a 29 ans. Il est marié, père d'un enfant de quatre ans. Sa femme est enceinte au neuvième mois. Il avait tenu, durant sept ans, la comptabilité de l'hôpital militaire à Beyrouth avant d'être transféré à Ersal en juin dernier.

 

L'adjudant Georges Khoury avec son fils nouveau-né il y a quatre ans.



« Dès qu'elle avait appris son transfert, ma mère s'était inquiétée », indique Marie, la sœur du soldat enlevé, dans un entretien téléphonique avec L'Orient-Le Jour. Marie et sa mère se sont rendues seules dans le jurd de Ersal, il y a une dizaine de jours, où elle a réussi à rencontrer son frère détenu par le Front al-Nosra.
« Cheikh Moustapha Hojeiri (alias Abou Ta'iyyé) est entré en contact avec nous. Il m'a dit qu'Abou Malek al-Halli, l'émir d'al-Nosra qui détient mon frère et ses 17 camarades, voulait me rencontrer et qu'il me permettra de voir Georges. Il semble qu'il avait été touché par des propos que j'avais tenus à la télévision. Je suis montée avec ma mère. Nous avons passé la journée au domicile de cheikh Hojeiri à Ersal puis, en fin d'après-midi, nous sommes montés dans le jurd de Ersal. C'était une trentaine de minutes de trajet. J'ai vu mon frère durant 20 minutes. Il était amaigri. Il m'a parlé de son quotidien, disant qu'il était bien traité et qu'il mangeait à sa faim, que les geôliers leur amenaient tous les jours de quoi faire la cuisine. Il avait aussi le moral », indique-t-elle.
« Je pensais que j'allais le ramener avec moi. Je n'ai à aucun moment cru que je ferai le trajet du retour seule avec ma mère, je pensais qu'il serait avec nous... », ajoute-t-elle.
Marie n'a plus de nouvelles de son frère depuis qu'elle l'a vu à Ersal. Auparavant, il appelait la famille au téléphone, plus maintenant.

 

(Lire aussi : Les Kataëb appellent la classe politique à faire face au danger existentiel qui menace le Liban)


Selon des sources militaires, les soldats détenus par le Front al-Nosra ne seraient plus au Liban. Ils auraient été transférés en Syrie, dans un endroit où les bombardements de la troupe ne peuvent pas les atteindre.
Marie rapporte que lors de sa visite dans le jurd de Ersal, elle a rencontré nombre de miliciens libanais d'al-Nosra. En réponse à une question, elle martèle : « Oui, j'ai eu peur en allant dans le jurd de Ersal. Mais je suis prête à tout pour libérer mon frère. Les familles des soldats prisonniers auront recours à des mesures d'escalade. Nous sommes prêts à paralyser le pays tout entier pour que l'État nous prête une oreille attentive. »

La sœur de l'adjudant Georges Khoury appelle pour que « des négociations soient menées sans délai avec les ravisseurs ». « La France, le Royaume-Uni et les États-Unis négocient pour libérer leurs otages, pourquoi le Liban ne négocierait-il pas ? Ils affirment qu'ils veulent préserver le prestige de l'État, la belle affaire ! Je veux juste savoir si le prestige de l'État est préservé quand des soldats sont enlevés, quand on les montre à la télévision et sur les médias sociaux emprisonnés, à genoux, en sanglots, exécutés et égorgés », s'indigne-t-elle.
« Il relève du devoir de l'État de libérer les soldats quels que soient les moyens. Je suis sûre qu'il existe beaucoup d'injustice à Roumieh. Les islamistes attendent d'être jugés alors qu'ils sont en prison depuis de longues années. Il faut que l'État y trouve une solution. Il faut que le gouvernement agisse et assume ses responsabilités », souligne-t-elle en conclusion.

 

Lire aussi
La crise régionale pèse de tout son poids sur l'unité nationale

Salam : Dynamiser les négociations en contrepartie de l'engagement des terroristes à ne plus tuer

À défaut d'unité interne, toutes les crises resteront sans solution, le commentaire d’Émile Khoury

Les familles des soldats enlevés en août dernier à Ersal par le Front al-Nosra et les miliciens de l'État islamique ont bloqué hier les autoroutes internationales au niveau de Qalamoun au Liban-Nord et de Dahr el-Baïdar, sur la route de Damas.À Qalamoun, l'autoroute dans les deux sens a été partiellement bloquée et une tente permanente a été dressée.La route de Dahr el-Baïdar, au...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut