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Liban - Liban

Le mufti Derian jette l’anathème sur les groupes takfiristes et leurs « crimes impardonnables »

Imposante cérémonie d'investiture pour le nouveau mufti de la République ; Salam fait l'apologie du rôle irremplaçable des chrétiens au Liban et dans le monde arabe.

La cérémonie d'investiture du nouveau mufti de la République, le cheikh Abdel Latif Derian, a été tout ce qu'un fervent Libanais pouvait espérer qu'elle soit : une proclamation solennelle de l'attachement de l'islam libanais à son partenaire chrétien comme à un État démocratique d'inspiration civile, modéré et démocratique ainsi que la garantie qu'il respectera les libertés fondamentales et bannira les valeurs de fanatisme et d'exclusion propagées par l'État islamique en Syrie et au Levant (EIIL).
Sur le plan national, la cérémonie – qui s'est tenue dans la salle Rafic Hariri de la mosquée al-Amine – a donné lieu à une grande manifestation de solidarité interreligieuse, par-delà les clivages sunnito-chiites du moment et à la réaffirmation par le mufti de son attachement aux constantes libanaises de Dar el-Fatwa, et notamment à l'accord de Taëf.


Trois sujets d'actualité brûlante – élection présidentielle, libération des militaire pris en otage et lutte contre la prolifération des armes individuelles – ont également figuré dans les discours de cheikh Abdel Latif Derian et des orateurs qui l'ont précédé, notamment le Premier ministre, Tammam Salam, et le vice-président du Conseil supérieur chiite, le cheikh Abdel Amir Kabalan.
Même le thème de l'émancipation de la femme libanaise a trouvé sa place dans le discours du nouveau mufti, qui a été vivement applaudi.


Au nombre des personnalités religieuses de premier plan présentes figuraient le mufti d'Égypte, cheikh Chaouki Allam, et le représentant du roi Abdallah d'Arabie saoudite, Sleiman Ab el-Kheir, ainsi que le vice-président du Conseil supérieur chiite, Abdel Amir Kabalan, et du cheikh Akl druze Naïm Hassan. Tous les quatre devaient prendre la parole au cours du meeting. Citons aussi parmi les personnalités politiques libanaises présentes l'ancien chef d'État, Michel Sleiman, le chef des Kataëb, Amine Gemayel. Le président de la Chambre s'est fait représenter par le député Hani Kobeyssi, le secrétaire général du Hezbollah par le ministre Hussein Hajj Hassan. Les anciens Premiers ministres Fouad Siniora et Nagib Mikati étaient également là.
La cérémonie s'est tenue en outre en présence d'une délégation officielle de l'Église maronite représentée par les évêques Boulos Matar (Beyrouth), qui a pris la parole au nom du patriarche Raï, et Samir Mazloum (vicaire patriarcal), ainsi que par Harès Chéhab, coprésident du Comité national pour le dialogue islamo-chrétien.
Le chef de l'Église maronite n'a pas pu rentrer des États-Unis à temps pour assister à la cérémonie d'investiture. Il est arrivé hier soir à une heure tardive au Liban.
Par contre, dans le discours prononcé en son nom par l'archevêque de Beyrouth, le patriarche a exprimé le souhait que continuent de se tenir « les sommets interreligieux habituels ».
De source proche de Bkerké, on confirmait que le chef de l'Église maronite est favorable à la tenue d'un sommet islamo-chrétien à Bkerké avant le 5 octobre, date à laquelle il doit assister à Rome à l'ouverture d'une assemblée spéciale du synode des évêques sur la famille, une activité qui précédera un voyage pastoral en Australie, de sorte qu'il sera absent du Liban tout au long du mois d'octobre.
Selon Mgr Samir Mazloum, aucune date n'a encore été avancée pour la tenue du sommet, en attendant que les contacts nécessaires soient pris, que son ordre du jour soit établi et qu'une ébauche de communiqué final soit élaborée, ce qui peut prendre du temps.

 

Discours émouvant de Salam
C'est devant un parterre de quelque 1 500 personnalités de tous horizons que le nouveau mufti a officiellement entamé son mandat, qu'il exercera jusqu'à l'âge de 72 ans. Le Premier ministre a été le premier à prendre la parole, en sa qualité de chef statutaire du collège électoral à l'origine de l'arrivée du nouveau mufti. Et c'est à une émouvante apologie du rôle et de la place irremplaçables des chrétiens dans le monde arabe, mais surtout au Liban, que M. Salam s'est livré.
« Le Liban perd beaucoup de son sens chaque fois que la présence chrétienne recule dans la vie nationale », a-t-il notamment affirmé, invitant musulmans et chrétiens à s'engager « dans la bataille de l'enracinement des chrétiens sur leurs terres ».
« Au Liban, les chrétiens sont chez eux en propriétaires », a même risqué le Premier ministre.
Après avoir rappelé l'urgence de l'élection d'un nouveau chef de l'État et l'attachement des responsables à la libération des « héros » des forces armées et des services de sécurité libanais pris en otage par le front al-Nosra et l'EIIL, à Ersal, M. Salam est passé aux affaires des communautés musulmanes, pour dire qu'elles « ne sont pas dans leurs meilleurs jours » et déplorer le climat sectaire délétère qui a débouché sur des enlèvements réciproques dans la Békaa.
Ce dérapage a été rapidement circonscrit, a-t-il dit, mais nous invitons Dar el-Fatwa à donner à cette question la priorité, car « dans la lutte contre ceux qui attaquent l'islam, Dar el-Fatwa assume une responsabilité fondamentale ».
« Nous partagerons une même destinée nationale, a-t-il conclu, et aucune communauté ne peut prétendre imposer son agenda aux autres. Autrement, nous tomberons tous, l'un après l'autre. »

 

Hommage de Kabalan à Hariri
Le cheikh Abdel Amir Kabalan devait ravir la vedette au Premier ministre, en entamant son mot par un hommage posthume à Rafic Hariri apprécié et applaudi. Il a salué l'élection du nouveau mufti auquel il a adressé un chaleureux « nous vous avons aimé et attendu, homme de l'avenir ».
Cheikh Kabalan s'est par ailleurs fait fortement applaudir en insistant pour que « l'État libanais soit d'inspiration civile et rien d'autre » et en réclamant le ramassage des armes de la population civile, devenues « une véritable plaie nationale ».


À son tour de parole, le nouveau mufti de la République, formé à l'école d'al-Azhar, au Caire, qui n'a omis ni les thèmes de la présidence – « la seule du monde arabe dévolue à un chrétien » –, ni ceux des militaires otages et de la discorde sunnito-chiite.
Le dignitaire sunnite a été jusqu'à traiter de « crime contre l'éthique » la non-élection d'un président par le Parlement, dénonçant par ailleurs la honteuse incapacité des Libanais à s'entendre sur une politique de verrouillage des frontières.
Cheikh Abdel Latif Derian a pratiquement jeté l'anathème sur l'idéologie de l'EIIL, en affirmant qu'il a commis « les deux fautes impardonnables aux yeux de l'islam, en instrumentalisant la doctrine musulmane au service de sa soif de pouvoir et en chassant les innocents de leurs foyers ». « Il est de notre devoir religieux de combattre ces crimes, a-t-il lancé. Nous ne permettrons à personne de nous confisquer notre foi. »

 

« La modération n'est pas une faiblesse... »
Enfin, cheikh Derian a proclamé l'attachement de Dar el-Fatwa aux fameuses déclarations d'al-Azhar (1993), la plus haute autorité islamique d'Égypte et la plus influente au monde.
Les documents, qui font autorité dans divers pays arabes, proclament, le premier, la vision de la société égyptienne comme un État démocratique civil, le second l'attachement aux quatre libertés fondamentales de religion, d'opinion, de recherche scientifique et de créativité artistique.
Sur le plan national, le nouveau mufti a manifesté son appui à l'accord de Taëf, référence indirecte à son attachement à la parité entre chrétiens et musulmans au Parlement et à l'intérieur du gouvernement.
À l'issue du meeting, le Premier ministre et le nouveau mufti se sont rendus à Dar el-Fatwa, où ils ont continué à recevoir les félicitations, et où une cérémonie de passation des pouvoirs se tiendra ce matin.

 

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commentaires (2)

UN MUFTI DE LA MODÉRATION ET DE LA LOGIQUE !

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 22, le 17 septembre 2014

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Commentaires (2)

  • UN MUFTI DE LA MODÉRATION ET DE LA LOGIQUE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 22, le 17 septembre 2014

  • "Au Liban, les chrétiens sont chez eux en propriétaires", a même "risqué" le Premier ministre. Pourquoi ce mot "risqué" ? Y a-t-il le moindre doute ou la moindre hésitation sur cette vérité ?

    Halim Abou Chacra

    05 h 57, le 17 septembre 2014

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