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Moyen Orient et Monde - Le point

Du gaz dans l’eau

Alors que le monde que l'on disait jadis libre a les yeux braqués sur les vaillants Ukrainiens qui se battent à mains nus, ou presque, pour repousser l'envahisseur, les cartes ont bel et bien fini d'être redistribuées. Que le Kremlin ait, l'anschluss de la Crimée accompli, freiné des quatre fers et même feint d'ordonner un rappel des troupes massées à la frontière devrait porter l'Occident à réfléchir au lieu de s'entêter à effectuer ses moulinets inutiles autant que ridicules.
C'est le New York Times qui a levé le lièvre – la preuve une fois de plus que ce quotidien, véritable bible de l'information, a bien mérité les 112 Pulitzer Prizes glanés depuis 1918. Le journal a révélé qu'en s'emparant de la péninsule, la Russie acquiert une zone maritime trois fois plus étendue, soit approximativement 36 000 miles, et obtient l'accès à des richesses maritimes estimées à des trillions de dollars. Le coup de maître aura consisté à braquer l'attention de l'opinion mondiale sur de prétendues visées territoriales (l'ensemble de l'Ukraine) quand il s'agissait pour le Kremlin d'une péninsule inconsidérément cédée en 1954 par le trop généreux Nikita Khrouchtchev. Toujours le fameux coup du prestidigitateur.
Aujourd'hui, et deux mois après son OPA militaire, Vladimir Poutine continue à jouer le jeu. Jeudi dernier, il a réitéré, dans un message adressé aux dix-huit États membres de l'Union européenne, sa mise en garde de la mi-avril, avec prière de faire parvenir aux dirigeants de Kiev : à compter du 1er juin, les fournitures de gaz devront être réglées à l'avance. La missive est assortie d'un rappel : à la mi-avril, la dette de l'Ukraine est malencontreusement passée de 2,237 milliards de dollars à 3,508 milliards un mois plus tard, sous l'effet d'un relèvement des prix décidé unilatéralement, sans doute pour punir les audacieux tombeurs, en février, de Viktor Ianoukovitch.
Il est désormais acquis que les profondeurs de la mer Noire et de la mer d'Azov recèlent d'immenses richesses pétrolifères et gazières, évaluées respectivement à 10 milliards de barils de pétrole et 3,8 trillions de pieds cubes de gaz dont, pour ce dernier chiffre, 200 à 250 milliards de mètres cubes dans le seul secteur de Skifska dont les gisements se prolongent jusqu'en Roumanie. On se souvient que, pour l'exploitation de cette zone, le géant russe LUKoil avait été coiffé au poteau par ExxonMobil et Royal Dutch Shell avant que ces derniers ne renoncent, arguant du fait que la situation devenait hautement volatile. De fait, par référendum, les habitants de la Crimée décidaient le 16 mars de tourner le dos au pouvoir central, lequel ne devrait bientôt plus être en mesure d'exercer une quelconque autorité sur la région. Il reste que toutes les zones exploitables se trouvent maintenant dans les eaux criméennes ce qui, dans la pratique, se traduit pour Kiev par d'importantes pertes matérielles. En effet, la production globale à Skifska ainsi que dans la partie offshore appelée Foros est susceptible de représenter annuellement quelque 7 millions de tonnes d'or noir, passés désormais sous la coupe de Moscou.
Les accords de Kharkiv (2010), faisant de Sébastopol le port d'attache de la flotte de la mer Noire jusqu'en 2024 – et lui ouvrant du coup l'accès à la Méditerranée ainsi qu'aux eaux du sud – en échange d'une tarification de faveur du pétrole et du gaz, n'ont plus leur raison d'être.
Le supertsar Vladimir Vladimirovitch, en lançant son blitzkrieg en Crimée, a fait coup double. Depuis 2009, l'Europe opérait un net rapprochement de l'ancien vassal de Moscou avec, il est vrai, un succès tout relatif. Objectifs : faciliter le redémarrage d'une économie ukrainienne jusque-là plutôt poussive et dans le même temps réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou. Le site spécialisé The Wire constate que le Kremlin est parvenu à la fois à modifier l'équilibre des forces en Europe orientale et à bouleverser le marché du pétrole dans le monde, lequel ne dépend pas, loin de là, des frontières internationalement reconnues. Au point, affirme-t-il, que les sanctions décrétées par l'Occident sont pratiquement restées lettre morte en raison des excellentes relations entre Gazprom et les majors américains et d'un principe vieux comme le monde, selon lequel « les affaires sont les affaires ».
Dans son message à l'Union européenne, Vladimir Poutine notait qu'il avait dû passer à l'action, l'Ukraine n'ayant pu honorer sa dette « malgré l'avance de 3,2 milliards de dollars consentie par le Fonds monétaire international au titre d'un prêt de 17 milliards ».
En toute bonne foi, bien entendu.

Alors que le monde que l'on disait jadis libre a les yeux braqués sur les vaillants Ukrainiens qui se battent à mains nus, ou presque, pour repousser l'envahisseur, les cartes ont bel et bien fini d'être redistribuées. Que le Kremlin ait, l'anschluss de la Crimée accompli, freiné des quatre fers et même feint d'ordonner un rappel des troupes massées à la frontière devrait porter...

commentaires (2)

ET BEAUCOUP D'EAU DANS LE VIN !

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 30, le 22 mai 2014

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Commentaires (2)

  • ET BEAUCOUP D'EAU DANS LE VIN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 30, le 22 mai 2014

  • Mais pourquoi donc l'occicon , depuis 2001 , date de l'invasion de l'Irak et plus tard de l'Afghanistan , fait des mauvais calculs ? Pourquoi donc il s'allie aux tocards locaux et tournent le dos à ceux qui sur place seraient plus à même de lui être utile ? Est ce l'arrogance aveugle qui vous fait devenir plus bête ? ou est ce la cupidité aveuglante qui vous fait voir des mirages ! En Irak , ils croyaient couper le lien Iran/Syrie , et en Afghanistan , couper le lien Iran/Russie , résultat des courses 14 ans plus tard , un renforcement de ces alliances , une débandade occicon qui passe son temps a courir derrière une victoire pour lui sauver la face . Il ne se prive pas des ridicules sanctions/embargo inopérantes sur le terrain comme Merville le souligne , et les retours de bâton sont douloureux au point où on se demande si l'occicon comprendra un jour que le chemin le plus droit est le plus court , tourner le dos à l'INJUSTE de soutenir un allié qui va couler , et qui doit couler de toute façon , entrainant dans sa chute tout les plans échaffaudés par lui comme les alliances contre nature avec les extrêmes du monde occicon et du monde musulman . On constate une chose , aussi bien l'occicon que le monde extrême musulman , n'auront pas fini de payer leur sottise de pas se réveiller à temps .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 33, le 22 mai 2014

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