Tout comme le scénario de la première partie de la séance parlementaire consacrée à l'élection présidentielle était sans surprise, celui de la deuxième partie qui se déroule aujourd'hui a aussi fort peu de chances de se terminer par l'élection d'un nouveau président. Les deux camps restent sur leurs positions et en apparence rien n'a changé au cours de la semaine écoulée.
Le chef des Forces libanaises Samir Geagea est toujours officiellement le candidat du 14 Mars et le camp adverse n'a pas l'intention de lui paver la voie vers Baabda. Il y aura donc un défaut de quorum et chaque camp en fera assumer la responsabilité à l'autre : le 14 Mars dira que c'est le 8 Mars et ses alliés qui n'ont pas voulu assurer le quorum et le 8 Mars et ses alliés diront qu'en maintenant la candidature du chef des FL, le 14 Mars montre qu'il ne veut pas d'élection présidentielle.
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Mais derrière ce blocage apparent, les contacts se multiplient entre les différents protagonistes pour tenter d'ouvrir une brèche ou même d'aboutir à une entente. C'est dans cet esprit que le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil a effectué une escale à Paris en revenant de Moscou et du Vatican. Il y a rencontré le chef du courant du Futur Saad Hariri. Si les deux parties restent très discrètes sur le contenu de cette rencontre – comme d'ailleurs sur celui de la précédente rencontre de Rome entre Saad Hariri et le général Aoun –, des sources bien informées considèrent qu'il s'agit d'une tentative de la part du CPL et de son chef pour convaincre Saad Hariri de voter en faveur du général Aoun à l'élection présidentielle. Les mêmes sources affirment que la discussion commencée à Rome a été marquée par une grande franchise et beaucoup de sérieux. Elle s'est poursuivie à travers des rencontres bilatérales entre le chef de cabinet de Hariri, son cousin Nader, et le ministre Bassil et elle a déjà porté de nombreux fruits, dont la formation du gouvernement, l'entente miraculeuse sur la déclaration ministérielle et même l'élection du président de l'ordre des ingénieurs et plus récemment encore le report de l'examen de la nouvelle grille des salaires, sans oublier la réussite des plans de sécurité à Tripoli et dans la Békaa-Nord.
Le véritable problème réside dans le fait que la confiance est à bâtir entre les deux camps après des années d'hostilité déclarée. Si le général Aoun peut facilement convaincre le bloc parlementaire qu'il préside, ainsi que son courant de mettre le passé de côté et d'ouvrir une nouvelle page avec le courant du Futur, une telle attitude est bien plus difficile pour celui-ci. Comme le dit un proche de ce courant, « nous avons essuyé plus d'insultes de la part de Aoun et de ses partisans que de la part du Hezbollah ». Ce proche rappelle que c'est bien Aoun lui-même qui avait qualifié le départ du Liban de cheikh Saad Hariri de « one way ticket » ! Il estime donc que le fossé est bien profond entre non seulement les deux camps mais aussi les deux hommes et il est pratiquement impossible de le combler dans le relatif court laps de temps qui reste encore avant le 25 mai. Selon des informations qu'il n'a pas été possible de confirmer, à la lumière de l'entretien entre Bassil et Saad Hariri, le général Aoun pourrait à son tour s'envoler vers l'Europe pour une nouvelle rencontre avec Saad Hariri.
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Mais est-il possible de parvenir à une entente sur un dossier aussi important que la présidentielle en une quinzaine de jours, voire en trois semaines ? C'est la question qui se pose actuellement et nombreux sont ceux qui en doutent au sein du 14 Mars. D'autant que la candidature du chef des Forces libanaises Samir Geagea a compliqué la situation et vise essentiellement à entraver ce dialogue naissant entre le CPL et le courant du Futur et à couper la voie présidentielle au général Aoun, selon des sources du 14 Mars. Désormais, fort de ses 48 voix et de son titre de candidat à la présidence, Geagea devrait avoir son mot à dire sur le choix du futur président de la République. Or il n'acceptera jamais que ce choix porte sur le général Aoun. Sauf si Saad Hariri parvient à faire accepter cela à ses alliés au sein du 14 Mars. Sinon, il pourrait bien utiliser leur opposition pour balayer la candidature de Aoun et passer à une nouvelle négociation sur d'autres candidats « d'entente ».
Les deux semaines qui viennent seront donc cruciales pour l'échéance présidentielle et pour l'issue du dialogue entre le CPL et le courant du Futur. Soit les deux parties s'entendent sur un agenda qui va de la présidence au nouveau gouvernement en passant par les nominations importantes et la loi électorale, et qui englobe aussi l'instauration d'un dialogue véritable et en profondeur avec le Hezbollah et Amal, soit le fossé reste profond et il faudra alors chercher d'autres figures plus consensuelles, au risque de dépasser la date fatidique du 25 mai. Auquel cas, il faudra sans doute solliciter une aide externe...
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À ce sujet, des sources diplomatiques arabes estiment que de toute façon, une éventuelle entente entre le général Aoun et Saad Hariri ne peut pas se conclure sans un feu vert de la part de l'Iran et de l'Arabie saoudite en particulier. Ces mêmes sources conseillent ainsi de suivre de près les élections irakiennes, dont les résultats devraient apparaître dès la semaine prochaine. Si l'actuel Premier ministre Nouri al-Maliki est réélu et maintenu à son poste, cela signifie que le rapprochement irano-saoudien ne s'est pas encore concrétisé. Sinon, cela pourrait bien être le début d'une entente... qui aura forcément des répercussions sur la situation libanaise.
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21 h 48, le 30 avril 2014