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Moyen Orient et Monde - Droits de l’homme

La justice égyptienne accusée d’être au service d’une répression aveugle

Enquêtes farfelues où le grotesque côtoie l'excès, procès ubuesques et verdicts expéditifs provoquent un tollé international.

À l’énoncé du verdict de la peine capitale contre 700 prévenus partisans de Mohammad Morsi, des proches des accusés se sont évanouies dans la rue devant le tribunal du Caire où se tenait l’audience fort expéditive. Khaled Desouki/AFP

La multiplication des grands procès en Égypte, aux audiences ubuesques et aux jugements aussi expéditifs qu'excessifs, fait dire à ses détracteurs que la justice est l'instrument du pouvoir militaire dans son implacable répression des partisans du président islamiste destitué Mohammad Morsi.

La condamnation à mort lundi à Minya de près de 700 personnes pro-Morsi, après une seule journée d'audience, a ainsi provoqué un nouveau tollé international un mois après un verdict similaire.

Chaque jour ou presque, de nouvelles audiences s'ouvrent et sont immédiatement ajournées dans des procès où le grotesque côtoie l'excès, tout comme pour les enquêtes souvent farfelues. Avocats et défenseurs des droits de l'homme ne savent plus que faire face à une justice qui s'emballe et condamne sans discrimination des dizaines, voire des centaines de personnes dont le dossier n'a parfois jamais été étudié.

Exemple le plus criant : des personnes décédées au moment des faits et d'autres qui n'étaient pas dans le pays ont été condamnées à mort à Minya, dans des « procès de masse sans précédent dans l'histoire récente » du monde, selon l'ONU.
« Si quelqu'un avait encore des doutes sur le fait que l'Égypte cherche à éradiquer toute opposition politique, alors ils viennent d'être dissipés avec cette parodie de justice », s'insurge Sarah Leah Whitson, directrice de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient. La justice a également commencé à condamner lourdement d'autres mouvements contestataires, de gauche et laïcs ceux-là.


Officiellement, le gouvernement dirigé de facto par les militaires insiste sur « l'indépendance de la justice », mais en privé, de hauts responsables avouent être gênés par le zèle de juges qui participent à la curée dans un pays où la haine des Frères musulmans, entretenue par des médias quasi unanimes, est partagée par une grande majorité de l'opinion publique. Les condamnations à mort de Minya ne déclenchent aucun émoi dans la population et certains journaux fustigent les « pleurnicheries » des ONG et capitales occidentales. Car la justice, qui n'a jamais été réellement indépendante depuis les années 1960, est en proie à des luttes intestines : sous la présidence Morsi, les Frères musulmans ont tenté d'isoler les juges pro-Moubarak, aujourd'hui, ces derniers se vengent, selon les experts.

 

(Pour mémoire: L'Égypte engagée dans une guerre juridique sans précédent contre les islamistes)


Sur le plan du tollé international, lundi, la Maison-Blanche a condamné avec force les condamnations à mort, jugées « totalement incompatibles avec les obligations de l'Égypte en matière de droits de l'homme », et appelé les autorités à les annuler. Hier, le secrétaire d'État John Kerry a estimé que les responsables militaires en Égypte doivent prouver qu'ils sont sérieux dans l'instauration de la démocratie. « Nous savons tous qu'il y a eu des décisions inquiétantes au sein du processus juridique », a-t-il souligné. M. Kerry s'exprimait à l'occasion d'une rencontre avec son homologue égyptien Nabil Fahmy, en visite à Washington.


Parallèlement, tout comme Londres et Paris, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est dit « préoccupé », estimant que les condamnations « ne semblent clairement pas respecter les règles de base d'un procès équitable ». La haut-commissaire de l'ONU aux Droits de l'homme, Navi Pillay, s'est dit pour sa part « scandalisée », qualifiant les verdicts de « jugements de façade ». « Il est grand temps que l'Égypte prenne sérieusement ses engagements en matière de droits de l'homme », a-t-elle ajouté. De son côté, le ministère allemand des Affaires étrangères a convoqué l'ambassadeur d'Égypte à Berlin pour demander l'annulation des condamnations.


Enfin, l'Iran a estimé que les verdicts risquent d'entraîner une détérioration de la situation en Égypte. Ils sont « contraires au principe de tolérance et de l'entente politique et sociale », a jugé Téhéran.

 

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