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Moyen Orient et Monde - Le billet

Ioulia

Ioulia Timochenko. Photo AFP

Je me souviens du jour où elle est devenue blonde. C'était en 2002.
Elle était brune quand je l'ai épousée en 1979, elle n'avait que 19 ans. Brune sur les bancs de la fac de Dniepropetrovsk, brune en patronne du vidéoclub, notre première affaire. Ioulia était toujours brune quand elle est devenue princesse, la princesse ukrainienne du gaz. Brune quand elle m'a écarté de son chemin. Pas assez doué en affaires. Brune quand elle a forcé les portes du ministère de l'Énergie. Brune quand elle a été accusée de fraude et goûté à la prison. Déjà. Elle avait quelque chose de tendre en brune.

Un jour, elle a choisi d'ouvrir un nouveau chapitre, de passer à sa deuxième vie. Était-ce vraiment la deuxième ? Non, le compteur était bien plus avancé.

Ce jour de 2002, quand j'ai vu sa blondeur, les tresses en couronne sur son crâne, j'ai compris qu'elle était devenue celle qu'elle devait être, qu'elle avait toujours été. La princesse était une reine, la chimie de la teinture ne venait que de le révéler.

Ses tresses blondes ont signé son entrée de plain-pied dans la politique, et dans l'opposition. Ioulia n'est jamais meilleure que dans l'opposition. Certains diront qu'elle n'est bonne que dans l'opposition. Certains disent aussi qu'elle est corrompue, comme les autres. Hypocrites! Nommez-moi un politicien tout blanc dans la région.

N'essayez pas, vous ne tirerez aucun commentaire de ma part sur ses compétences politiques, ses engagements, les accusations de fraude ou d'abus de pouvoir qui pèsent sur elle.
Ne vous méprenez pas. Elle m'a écarté de son chemin, je vous l'ai dit, mais pas de sa vie. Je suis toujours là, celui qui la soutient, qui la défend. Point.
Vous me voyez rarement sur les photos, vous m'entendez peu. Mais je suis là, jusque dans son nom, Timochenko.
Je vous vois venir, vous voulez fouiner, comprendre pourquoi elle m'a jeté, pourquoi nous n'avons jamais divorcé, savoir si ça fait mal.
Vous ne saurez rien.
Vous ne saurez pas comment elle était, comment nous étions, vous ne saurez pas comment elle est hors champ, quand la foule a disparu, quand le rideau est tombé.
Vous ne le saurez pas, cette Ioulia là n'appartient qu'à moi.
Ça vous irrite, n'est-ce pas ?
Faudra faire avec. Vous, vous avez l'autre, la Ioulia publique, celle qu'elle veut bien vous montrer, l'objet de vos fantasmes.

Bien sûr vous fantasmez. Un ambassadeur n'a-t-il pas dit à un journaliste anglais que les deux heures passées avec Ioulia dans une limousine insonorisée aux vitres teintées avaient été « l'expérience la plus menaçante sexuellement » de son existence.
Ioulia est un prédateur, qui aime jouer avec ses proies.
Ça vous démange, vous voudriez savoir, savoir si une fois la porte fermée, elle se faisait chatte ou tigresse...
Ça ne vous regarde pas. Ça ne regarde personne. Qu'elle et moi. Rien que nous.
Oui nous, malgré vous, malgré elle, malgré tout, il reste nous.
Je l'ai déjà perdue mais je suis toujours là, je n'ai plus peur de rien.

Enfin, ce n'est pas tout à fait vrai...
La peur revient, parfois, de la perdre à nouveau, de la perdre vraiment. Non, ça n'a rien à voir avec son séjour en prison. Idiots. La prison, elle s'en est nourrie !
Non. La peur vient d'ailleurs.
La peur est née avec une visite au Kremlin, il y a quelques années. Cette image, gravée dans ma mémoire. Elle dans cette robe noire qui lui serrait la taille et s'envolait sur ses épaules. Elle dans cette robe fendue d'une longue fermeture Éclair qui lui descendait jusqu'au bas du dos.
À côté d'elle, sur le sol en marbre, je peux entendre leurs pas, Poutine. Lui aussi, en costume sombre.
Eux deux la jambe droite en avant, eux deux le même air décidé, eux deux une certaine blondeur, une certaine froideur, et sur le masque, une sorte de sourire, discret, eux deux presque le même sourire, comme un reflet, comme un miroir insensé, comme une métaphore de l'âme sœur.
Cette image, comme une évidence, comme un poison.

 

(Ceci est un billet, ce texte est donc le produit de l'imagination de l'auteur)

Je me souviens du jour où elle est devenue blonde. C'était en 2002.Elle était brune quand je l'ai épousée en 1979, elle n'avait que 19 ans. Brune sur les bancs de la fac de Dniepropetrovsk, brune en patronne du vidéoclub, notre première affaire. Ioulia était toujours brune quand elle est devenue princesse, la princesse ukrainienne du gaz. Brune quand elle m'a écarté de son chemin. Pas...

commentaires (1)

LES BRUNES PENSENT : LES BRUNES SONT DES PRUNES, ET LES BLONDES DES JOCONDES. ET, ELLES CHOISISSENT LA PEINTURE ! LES BLONDES PENSENT : LES BLONDES SONT DES SONDES, ET LES BRUNES DES LUNES. ET, ELLES CHOISISSENT LA PEINTURE ! DE CHEVELURE À CHEVELURE .... ET DE NATURE À CONTRE NATURE. MOULURE OU SOUDURE ?

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 24, le 25 avril 2014

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Commentaires (1)

  • LES BRUNES PENSENT : LES BRUNES SONT DES PRUNES, ET LES BLONDES DES JOCONDES. ET, ELLES CHOISISSENT LA PEINTURE ! LES BLONDES PENSENT : LES BLONDES SONT DES SONDES, ET LES BRUNES DES LUNES. ET, ELLES CHOISISSENT LA PEINTURE ! DE CHEVELURE À CHEVELURE .... ET DE NATURE À CONTRE NATURE. MOULURE OU SOUDURE ?

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