Le scénario de la première session parlementaire pour élire un nouveau président de la République n'a pas encore été peaufiné. Le 23 avril, à la demande du président de la Chambre Nabih Berry, les députés se réuniront pour la première fois afin d'élire un chef de l'État pour succéder à Michel Sleiman, un mois avant la fin du mandat de ce dernier, comme l'a souhaité le patriarche maronite, Béchara Raï, après l'échec de ses tentatives pour mettre d'accord les leaders chrétiens sur un seul candidat. Tout ce qu'a pu obtenir le prélat maronite, en effet, n'est qu'une pauvre promesse des députés chrétiens de ne pas s'absenter aux séances parlementaires décisives. Un peu avant le début du délai constitutionnel pour élire un président, Nabih Berry avait lui aussi envoyé un message à Mgr Raï, pour lui dire qu'il souhaitait que les leaders chrétiens s'entendent sur un seul candidat, mais face à l'échec d'un consensus entre Michel Aoun, Samir Geagea, Sleimane Frangié et Amine Gemayel, Nabih Berry a préféré convoquer les députés à une séance plénière, dans l'espoir que cela activerait les tractations en faveur d'un consensus national.
En effet, jusque-là, les deux parties du 14 et du 8 Mars campent sur leurs positions. Du côté du 14 Mars, les milieux du courant du Futur affirment que les responsables qui se sont réunis avec l'ancien Premier ministre Saad Hariri en Arabie saoudite ont déclaré que M. Hariri n'a pas encore pris de décision concernant la présidentielle, mais il a assuré que le 14 Mars restera uni et se battra pour cette échéance en soutenant un candidat issu de ses rangs. Saad Hariri, en outre, aurait salué la candidature de Samir Geagea, étant l'un des piliers du 14 Mars, mais serait tout aussi ouvert à la candidature d'Amine Gemayel, de Boutros Harb et de Robert Ghanem. Le courant du Futur attendrait donc de voir ce que ces derniers comptent faire avant de se prononcer. Et selon des sources au sein du 14 Mars, ces trois candidats auraient été encouragés à présenter leur candidature, quitte à ce qu'un vote au sein du 14 Mars les départage, mais l'idée n'aurait pas plu à Gemayel, Harb et Ghanem qui ont préféré que le 14 Mars se prononce directement en faveur d'un seul candidat.
(Repère: Qui, quand, comment... Le manuel de l'élection présidentielle libanaise)
Du côté du 8 Mars, les contradictions règnent toujours après l'annonce par Michel Aoun qu'il ne se portera pas candidat contre Samir Geagea et qu'il n'acceptera d'être élu président qu'après un consensus, étant le seul président capable d'assurer le dialogue entre toutes les parties, après son ouverture sur le courant du Futur et sa réunion avec Saad Hariri à Paris. De ce fait, Sleimane Frangié, qui soutient Aoun actuellement, serait l'unique candidat de lutte que pourrait présenter le 8 Mars, qui attend de voir ce que sera le profil du candidat du 14 Mars, pour se prononcer.
Un scénario signé Berry et Joumblatt ?
Ainsi, la première séance parlementaire pourrait témoigner d'un face-à-face Frangié-Geagea, mais viserait en fin de compte, comme l'aurait planifié Nabih Berry, à écarter les deux candidats de la course. En effet, Walid Joumblatt a déclaré qu'il ne soutiendrait ni Aoun, ni Geagea, ni Jean Kahwagi, ni un candidat du 14 ou du 8 Mars. Pour éviter l'embarras, le chef du Parti socialiste progressiste a décidé de présenter l'un de ses membres, Henri Hélou, comme candidat, pour éviter les pressions des deux camps. La première séance ne permettra donc la réussite d'aucun candidat parmi les trois, aucun d'entre eux ne pouvant obtenir les deux tiers des votes des députés, soit 86 voix. Les indépendants voteront pour Hélou, le 14 Mars pour Geagea et le 8 Mars pour Frangié. Berry lèvera alors la séance parlementaire sans en tenir une deuxième, après le retrait des députés du bloc du Changement et de la Réforme et d'autres blocs pour se concerter, provoquant un défaut de quorum. Là, les leaders chrétiens de premier plan auront été écartés de la course, même si Michel Aoun s'entête à se présenter en tant que candidat consensuel, et les tractations pour choisir un véritable président consensuel auront commencé. C'est ce que souhaiteraient d'ailleurs Walid Joumblatt et Nabih Berry, ce dernier possédant, selon un ancien ministre, une proposition de candidat de dernière minute qu'il dévoilera en temps opportun. Cela n'est pas sans nous rappeler, d'ailleurs, les propos du patriarche Raï qui a affirmé depuis Genève que le président ne devrait pas être du 14 ou du 8 Mars. Même s'il a démenti ces propos une fois de retour à Beyrouth, ils restent très révélateurs d'une volonté extérieure et régionale concernant l'élection présidentielle.
(Verbatim : le discours-programme de Geagea pour la présidence de la République)
Les grandes puissances et les forces régionales étant par ailleurs attachées au respect des délais constitutionnels au Liban, sur fond de crise régionale intense, Nabih Berry et Walid Joumblatt pourraient tenter de trouver une échappatoire à la crise présidentielle pour éviter le vide, une fois la première séance parlementaire tenue sans succès. Après l'échec des chrétiens à aboutir à une entente, les forces musulmanes se chargeront de choisir un candidat et de le proposer aux autorités chrétiennes pour qu'elles donnent leur bénédiction. À défaut d'un tel scénario, et si les forces du 14 ou du 8 Mars s'entêtent à élire l'un des leurs comme nouveau locataire de Baabda, le vide présidentiel jusqu'au mois de septembre restera possible, en attendant de voir évoluer les développements régionaux, notamment en ce qui concerne la présidentielle syrienne, les élections en Irak, en Égypte et en Turquie, la fin du délai pour l'accord sur le nucléaire iranien, la fin du délai de destruction des armes chimiques en Syrie et la fin du délai fixé par les États-Unis pour les concertations israélo-palestiniennes.
Reste que la grande question qui se pose est de savoir si l'élection du président de la République libanaise devrait vraiment attendre le règlement du problème du Moyen-Orient.
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commentaires (5)
SI ELLE POUVAIT ÉCARTER AUSSI " L'ORCHESTRE ! " QUELLE JOIE POUR LES LIBANAIS !!! IR7ALOU...
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 19, le 18 avril 2014