Comme promis, le président de la Chambre a fixé hier la date de la séance pour l'élection présidentielle au 23 avril. Mais selon tous les pronostics, il y a peu de chances que cette séance aboutisse à l'élection d'un nouveau président, « le plat n'étant pas encore suffisamment cuit », comme on dit en libanais.
Cette séance devrait donc être une sorte de test ou même une avant-première qui devrait permettre aux positions des différents blocs parlementaires de se préciser. Ces blocs ont passé d'ailleurs la journée d'hier à analyser ce qui s'était passé la veille au Parlement, dans le cadre de la séance consacrée à l'examen du projet de loi sur la nouvelle échelle des salaires.
Mardi, un événement de taille a en effet eu lieu sous les voûtes de l'hémicycle qui a surpris plus d'un député. Après avoir longtemps fait de l'adoption de la nouvelle échelle des salaires, en particulier, et de la cause sociale, en général, son cheval de bataille, le bloc du Changement et de la Réforme a brusquement décidé d'accepter l'idée du report proposée par Georges Adwan. Il a de la sorte abondé dans le sens du bloc du Futur qui, par la voix de son chef Fouad Siniora, mais aussi celle de tous ses autres membres qui ont pris la parole, a affiché son opposition à l'adoption de ce projet de loi. C'est comme si, soudain, il y avait un retournement spectaculaire d'alliance entre le courant du Futur et le CPL, alors que le Hezbollah et Amal sont restés sur le carreau, continuant à défendre la nouvelle échelle des salaires et qualifiant son adoption de « position morale et nationale ». Lors de la séance parlementaire du matin, le chef de la commission des Finances et secrétaire général du bloc du Changement et de la Réforme, Ibrahim Kanaan, s'était donc fait le défenseur du projet et le soir, son collègue Alain Aoun a accepté l'idée du report de 15 jours, sachant qu'il sera alors difficile de convoquer une nouvelle séance parlementaire pour discuter de ce projet alors que le pays sera plongé en pleine période électorale.
Les milieux parlementaires hostiles au CPL et à son chef ont commenté l'attitude du bloc du Changement et de la Réforme en la qualifiant d'« opportuniste », le général Aoun ayant, selon eux, lâché la cause des pauvres et des défavorisés pour plaire au courant du Futur et le convaincre de l'élire à la tête de la République. Les moins virulents ont parlé de « pragmatisme poussé », mais tous ont relevé ce changement assez surprenant. Les milieux du CPL refusent, de leur côté, de faire le moindre lien entre cette attitude au sujet de la nouvelle grille des salaires et la présidence, affirmant que l'acceptation par le bloc du report est essentiellement due au fait que le sujet était en train de radicaliser les points de vue au Parlement et de le diviser en deux camps, l'un en principe avec les défavorisés et l'autre avec les riches. Ce qui n'est pas fidèle à la réalité, précisent ces milieux. Selon eux, le CPL n'a nullement abandonné ses principes et son appui aux causes sociales, mais il a voulu éviter au Parlement d'aller droit dans le mur à une période aussi délicate.
Sur le plan purement politique, cet événement montre que l'entente entre le CPL et le courant du Futur se précise de plus en plus. Depuis la rencontre à Rome entre le général Michel Aoun et Saad Hariri, la tendance se consolide. Cet entretien a permis la naissance du gouvernement actuel et l'adoption de la déclaration ministérielle. Le climat général dans le pays s'en est aussitôt ressenti et le gouvernement a donné une impulsion à l'armée pour qu'elle exécute ses plans de sécurité à Tripoli et dans la Békaa, alors que sur le plan sécuritaire, le pays connaît une certaine détente.
(Repère: Qui, quand, comment... Le manuel de l'élection présidentielle libanaise)
Aussi bien les proches de Michel Aoun que ceux de Saad Hariri sont catégoriques en disant que les deux hommes n'ont pas évoqué au cours de leur rencontre l'échéance présidentielle, se contentant de préciser qu'ils se sont entendus pour continuer à coopérer dans le but d'approfondir leurs relations. De fait, le chef du bureau de Saad Hariri et le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil se rencontrent désormais régulièrement et cette nouvelle entente a déjà porté quelques fruits, d'abord sur le plan de l'action gouvernementale, mais aussi sur celui de l'élection à l'ordre des ingénieurs et maintenant au Parlement. En même temps, le CPL est en train de favoriser les contacts entre le courant du Futur et le Hezbollah, qui ont déjà commencé lorsque le chef de l'unité de coordination du Hezbollah Wafic Safa a félicité les ministres de la Justice et de l'Intérieur, Achraf Rifi et Nouhad Machnouk. Ces contacts devraient se poursuivre de façon plus directe par des rencontres au niveau des cadres des deux formations.
Ce climat suffit-il à croire que désormais l'affaire est conclue et que le courant du Futur votera en faveur du général Aoun à la présidence ? Les milieux concernés restent très prudents sur la question. Selon eux, le rapprochement n'en est qu'à ses débuts et il est sans doute trop tôt pour se prononcer sur une telle question. Le scénario le plus probable, selon la plupart des milieux politiques, reste le suivant : le 25 mai, les différentes parties libanaises ne sont toujours pas parvenues à s'entendre sur un candidat. Le Liban se retrouvera avec une vacance à la tête du pouvoir qui poussera les parties régionales et internationales à intervenir, alors que pour l'instant, elles laissent les Libanais maîtres du jeu. Mais au fond, rien n'est encore définitif...
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commentaires (5)
POSITION MORALE ET SOCIALE ? KHALLI TABA3 IL MATAR WIL PORT I 7ITTOU IDONE BIL JAYBÉ !!! TRÈS SIMPLE... AW I FIKKOU BAA 3AN IL TNÉN...
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 42, le 17 avril 2014