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Liban - Législatif

Le Parlement se donne 15 jours de répit... sans grand espoir de trouver de nouveaux financements

Sur fond de grogne sociale, les députés ont tenté hier de régler la question de la nouvelle échelle des salaires, mais ils ont surtout exposé pendant de longues heures leurs divergences et leur impuissance. N'était l'intervention du président de la Chambre qui a essayé de sauver la face de tous en disant que nul n'est opposé aux droits des travailleurs, ils seraient restés divisés, oscillant entre leur volonté de satisfaire les électeurs et l'absence de fonds dans le Trésor public... Finalement, ils ont choisi la solution de facilité qui consiste à reporter de 15 jours le débat, sur une proposition de Georges Adwan, en dépit du refus des blocs d'Amal et du Hezbollah.

Non loin du Grand Sérail (au fond) et du siège du Parlement, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés à la place Riad el-Solh afin d’obtenir le vote par les députés de la nouvelle grille des salaires ; mais en vain...Photo Ibrahim Tawil

Les mesures de sécurité strictes autour du périmètre du Parlement indiquent que la séance est particulièrement délicate. Les fils barbelés sont partout et les entrées ont été déplacées pour empêcher toute possibilité de friction entre les manifestants qui ont promis d'occuper la place Riad el-Solh et les députés de la nation.

Cette séance ne ressemble à aucune autre car le sujet est non seulement aride, mais il dérange aussi les députés soumis à la pression des électeurs. Un petit noyau connaît bien le sujet et les règles de la finance et de l'économie et les autres se contentent soit d'écouter en s'ennuyant ferme, soit de se lancer dans des diatribes à la limite du populisme. C'est d'ailleurs pourquoi au lieu de passer directement à l'examen du projet de loi, qui a déjà été au cœur de longues discussions au sein des commissions conjointes, les députés se sont en général livrés à leur sport favori : se lancer des accusations pour éviter d'avoir à assumer les responsabilités. D'autant qu'ils commencent par rejeter une proposition d'Antoine Zahra de tenir cette séance à huis clos, sans les représentants des médias, pour éviter « la surenchère populiste ». Cette proposition est l'occasion pour de nombreux députés d'afficher leur « souci de transparence ».

 

(Lire aussi: Le CCS lance un appel à la grève et aux rassemblements aujourd'hui)

 

De technique et ardue, la séance ne s'anime que lors du discours de Ali Ammar, tribun hors pair, et lorsque le Premier ministre s'enflamme pour rejeter une phrase de Marwan Hamadé qui évoque « le silence du gouvernement ». C'est la première fois que Salam s'emporte ainsi devant les députés et les journalistes, affirmant que s'il y a du retard, il n'est certainement pas dû au gouvernement...

Une longue liste de députés demande ainsi à prendre la parole avant de commencer à examiner le projet de loi qui a déjà eu l'aval des commissions conjointes dans lesquelles tous les blocs parlementaires sont représentés. C'est Robert Fadel qui commence en faisant un long développement sur la situation sociale avant de conclure par un « Nous avons eu tort ». Ce qui lui vaut la remarque suivante de la part du président Berry toujours prêt à répondre du tac au tac : « C'est nous qui avons eu tort puisque votre discours est hors sujet. » Hassan Fadlallah prend ensuite la parole pour préciser que les citoyens ont besoin d'avoir confiance dans leur État et dans ses institutions. Et que cette confiance « exige de nous une décision courageuse qui ouvre la voie à des réformes... ». « Les portes de notre Trésor sont branlantes. Nous devons les réparer en commençant par lutter contre la corruption », ajoute-t-il.

De son côté, Robert Ghanem dénonce les pressions exercées sur les députés accompagnées de menaces et de promesses. « C'est comme si nous ne pouvions plus légiférer en toute liberté, dit-il. La logique de l'État place les fonctionnaires sur un pied d'égalité, mais elle exige aussi d'empêcher la fermeture des routes qui est contraire à la loi... » Fadi el-Habre insiste à son tour sur la nécessité de ne pas imposer de nouvelles taxes aux classes défavorisées et de ne pas en imposer non plus sans objectif précis.
Samy Gemayel propose au président de la Chambre de déplacer le siège du Parlement pour ne pas avoir à fermer le centre-ville à chaque séance...

Le chef du bloc du Futur, Fouad Siniora, prend ensuite la parole pour un long exposé, que certains députés qualifieront de « cours de finances et d'économie », sur la situation dramatique du pays. Il explique ainsi comment il est impossible aujourd'hui d'adopter la nouvelle échelle des salaires, dont le montant s'élève désormais à plus de 2 milliards 850 millions de livres et il propose de former une commission de députés, de ministres et d'experts pour réétudier le dossier. Cette idée est accueillie par un tollé par les députés du Hezbollah et ceux du CPL qui rejettent totalement toute idée de retour au point zéro, assurant que les commissions conjointes ont longuement étudié le projet et qu'il n'est plus possible de revenir en arrière. Comme Fouad Siniora dépasse son temps de parole, Nabih Berry lui demande s'il parle au nom de tout le bloc, auquel cas il lui donnera une heure entière. Mais Serge Torsarkissian lance, mi-figue, mi-raisin : « Il parle au nom de la moitié du bloc. » Ce qui provoquera le seul éclat de rire de la journée. Imperturbable, Fouad Siniora poursuit qu'il faut revoir à la baisse les allocations des retraités (qui, selon lui, sont passées de 25 000 LL lorsqu'il était Premier ministre à 117 000 LL aujourd'hui) et celles des militaires, rejetant totalement tout effet rétroactif.

 

(Lire aussi: Gharib : Non, l’économie ne s’effondrera pas)

 

À sa manière calme, Ali Fayad répond à l'ancien Premier ministre en commençant par dire que certaines de ses remarques sont judicieuses et qu'il a parlé avec un grand sens des responsabilités. Mais il précise que tout au long des débats au sein des commissions, les députés ont tenté de concilier les droits des citoyens et le principe de justice avec les conditions économiques actuelles. Comme ils n'ont pas voulu contracter de nouveaux crédits pour financer la nouvelle échelle des salaires, ils ont préféré augmenter les recettes via des impôts et taxes en essayant de ne pas les faire assumer aux classes défavorisées. Ali Fayad reconnaît toutefois que certains points doivent être encore étudiés.

Estéphan Doueihy se prononce en faveur de l'adoption de la nouvelle échelle des salaires et Ibrahim Kanaan prend ensuite la parole pour préciser qu'il s'agit d'un problème vieux de près de 20 ans. La dernière modification de l'échelle des salaires remonte à 1998. Il y a eu ensuite une augmentation de 200 000 LL. « Nous ne pouvons pas continuer comme cela, à donner de temps à autre une augmentation sans procéder aux réformes nécessaires... »

Ali Ammar prend, lui, carrément position en faveur des « classes défavorisées » et va même jusqu'à se moquer des théories financières et économiques. Il se contente de dire qu'il ne faut pas faire assumer aux syndicats et aux travailleurs nos propres erreurs. « Cessons de pleurnicher sur l'économie et sur la stabilité financière. Adopter la nouvelle échelle des salaires est une position morale et nationale. D'autant que ceux qui manifestent aujourd'hui sont en réalité ceux qui préservent l'unité nationale. Ne pas adopter l'échelle des salaires est une faute historique », clame-t-il.
Ahmad Fatfat demande à Nabih Berry de publier les débats des commissions, car, dit-il, on verra qui des députés tient un double langage par populisme.

Hassan Fadlallah estime que si la nouvelle échelle des salaires n'est pas adoptée, cela entraînera de nouvelles manifestations populaires. Le président du Parlement prend ici la parole pour rappeler qu'il ne faut pas croire que les députés sont divisés sur la question des droits des citoyens. Le seul problème c'est qu'ils ne sont pas d'accord sur les moyens de financer la nouvelle échelle des salaires. Il précise qu'il ne faut pas donner aux travailleurs d'une main et reprendre ce qui leur est donné de l'autre. Il revient aussi sur les bénéfices enregistrés par les banques qui s'élèvent à 1 712 milliards de dollars par an, alors que les députés leur ont demandé d'en verser 240 millions pour la nouvelle échelle des salaires. Il invite les députés à étudier ce projet article par article, au lieu de laisser les discours s'éterniser.

Marwan Hamadé clôture la séance de la journée en essayant de trouver des compromis entre la position de Fouad Siniora et celle du Hezbollah en trouvant des solutions qui ne soient pas aux dépens de la classe moyenne et des classes défavorisées. Il appelle à rationaliser le débat.


La séance de l'après-midi se poursuit sur la même lancée et on voit bien que les députés n'ont pas l'intention de commencer à étudier le projet de loi. Nawaf Moussawi, Alain Aoun, Hani Kobeïssy et Ghazi Youssef prennent successivement la parole et la situation semble enfermée dans un cercle vicieux. C'est alors que le député des FL Georges Adwan lance sa proposition de reporter le débat à 15 jours. La proposition est accueillie comme une issue de secours et bien qu'y étant opposé, Nabih Berry la soumet au vote. Elle est adoptée malgré le rejet des blocs d'Amal et du Hezbollah. Le chef du législatif rappelle qu'il a promis de tenir une séance pour l'élection présidentielle avant la fin du mois et il annonce qu'il sait d'avance ce que sera le résultat de ce report...
Le Parlement choisit donc de ne pas se prononcer, mais la rue, elle, n'a pas dit son dernier mot.

 

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Les mesures de sécurité strictes autour du périmètre du Parlement indiquent que la séance est particulièrement délicate. Les fils barbelés sont partout et les entrées ont été déplacées pour empêcher toute possibilité de friction entre les manifestants qui ont promis d'occuper la place Riad el-Solh et les députés de la nation.
Cette séance ne ressemble à aucune autre car le...

commentaires (2)

Soyons logiques ,le cabinet de Salam qui ne survivra pas deux mois , si les élections présidentielles auront lieu ne pourra pas faire des miracles aux contestataires qui ne savent pas au juste ce qu’ ils veulent .

Sabbagha Antoine

13 h 32, le 16 avril 2014

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Commentaires (2)

  • Soyons logiques ,le cabinet de Salam qui ne survivra pas deux mois , si les élections présidentielles auront lieu ne pourra pas faire des miracles aux contestataires qui ne savent pas au juste ce qu’ ils veulent .

    Sabbagha Antoine

    13 h 32, le 16 avril 2014

  • ILS N'ONT QU'À NETTOYER LES ÉCURIES D'AUGIAS... ET "LES AUGIAS MAFIEUX" QUI ONT LA MAINMISE SUR L'AÉROPORT ET LES PORTS... ET PAS SEULEMENT LE FINANCEMENT DE BEAUCOUP DE PROJETS SERAIT FACILE... MAIS LA RÉDUCTION DE LA DETTE ASTRONOMIQUE DU PAYS LE SERAIT TOUT AUSSI !!! GOUPIL LE SAIT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 09, le 16 avril 2014

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