Avec 96 voix sur les 101 députés présents, M. Tammam Salam peut enfin, en toute confiance – c'est le cas de le dire –, prendre ses quartiers au Grand Sérail, savourer ce moment, et envisager les importantes échéances qui se présentent, en tête desquelles figure l'élection d'un successeur au président Sleiman. Bien sûr, c'est le Parlement qui assume cette responsabilité et non le gouvernement, mais ce dernier reste garant du climat de sérieux dans lequel doit se dérouler le scrutin.
L'une des premières questions que l'on peut se poser porte sur la durée de vie du gouvernement. En effet, selon que le Parlement parviendra à élire un président, cette durée de vie varie de deux mois à une durée indéterminée. Certes, M. Salam a dit clairement qu'il n'est pas là pour que le gouvernement assume les prérogatives du chef de l'État, en cas de vide, comme le prévoit la Constitution. Mais sait-on jamais ?...
Si la présidentielle s'impose, c'est aussi parce que, dans deux jours, le 24 mars à minuit, s'ouvrira la période constitutionnelle au cours de laquelle le Parlement doit élire un nouveau président.
Sans entrer dans les pronostics, relevons que des mains visibles et invisibles commencent à battre le jeu de cartes. Ainsi, la surprenante ouverture des Forces libanaises sur le Hezbollah, par la voix de Sethrida Geagea, et la non moins intéressante prise de position de Michel Aoun, qui vient de demander le retrait de Syrie de toutes les forces arabes, c'est-à-dire de son allié chiite arabe libanais. Il s'agit là, à n'en pas douter, d'un premier alignement sur la case départ des deux des grands candidats à la présidentielle. La candidature de Michel Aoun, dit-on, serait discrètement endossée par David Hale...
La demande de M. Aoun, répétée hier par l'un des députés de son bloc, Simon Abi Ramia, rejoint la position exprimée à ce sujet hier, et ce n'est pas la première fois, par le président Sleiman ; le chef de l'État n'a plus que deux mois, semble-t-il, pour dire au Hezbollah ce qu'il pense de son reniement de la déclaration de Baabda, et il a décidé de ne manquer aucune occasion de le faire.
Ainsi, après des années de louvoiements et de déclarations obliques, chose neuve, trois voix venues du 14 Mars, de 8 Mars et des centristes mettent en garde le Hezbollah contre sa dérive et contre ce que son engagement militaire en Syrie peut avoir de destructeur pour le Liban. Révolu est donc le temps où ceux qui osaient penser que les attentats-suicide des takfiristes sont canalisés vers le Liban par sa présence en Syrie étaient traités de traîtres. Désormais, tout le monde le pense, y compris un homme aussi imprévisible et habile parleur que Michel Aoun, et tout le monde le dit. L'un des termes du lexique idéologique du Hezbollah est tombé !
Il est d'autant plus tombé que d'autres conséquences désastreuses de l'implication du Hezbollah, et de beaucoup de jihadistes libanais, dans la guerre en Syrie, éclatent au grand jour. Que le rapport entre ces deux engagements soit dialectique, nul ne saurait le contredire. Et que ces engagements soient destructeurs pour le Liban, voilà qui éclate au grand jour, à l'effarant bilan humain de quelques jours de combats à Tripoli.
Boule de feu
Cette « boule de feu » qui finit entre les mains de Tammam Salam constitue, à n'en pas douter, l'un des grands défis lancés au nouveau gouvernement. Pourquoi maintenant, après la chute de Yabroud et du Krak des Chevaliers ? Mystère ! Les hypothèses les plus extrêmes ont été avancées pour expliquer cette flambée de violences sans précédent. Une flambée qui se caractérise par de violentes attaques politiques et désormais, ouvertement militaires, contre l'armée, émanant de certains ultras du 14 Mars, et de groupuscules jihadistes sunnites de Bab el-Tebbané. Selon des sources informées, tout se passe comme si l'armée était forcée de défendre l'îlot alaouite de Jabal Mohsen contre les groupes sunnites, tout en essayant d'empêcher ces groupes de détendre la zone qu'ils contrôlent, ce qui met en rage les groupes sunnites.
À cette équation s'ajoute un facteur judiciaire : la difficulté d'arrêter les auteurs des deux attentats qui ont dévasté, en août dernier, deux mosquées à l'heure de la prière du vendredi. Des attentats que la justice impute au Parti arabe démocratique, qui règne en maître à Jabal Mohsen, et dont le chef, l'ancien député Ali Eid, nargue la justice à partir de sa villa située en bordure de la frontière syrienne.
En tout état de cause, avec ce changement de données, la conférence de dialogue à laquelle le chef de l'État a invité, le 31 mars, 19 des principaux chefs de courants politiques au Liban, ne manquera pas d'intérêt, contrairement à ce qui avait été le cas par le passé, où les déclarations d'intention n'étaient pas suivies d'effet. M. Sleiman a une fois de plus reproché hier au Hezbollah d'avoir souscrit à la déclaration de Baabda sur le non-alignement du Liban et de l'avoir aujourd'hui renié. Mais évidemment, il sera difficile au renard de voler au corbeau son fromage !
Première réunion
Le nouveau gouvernement tiendra sa première réunion probablement jeudi prochain avant-midi au palais présidentiel de Baabda. Il attendra pour le faire que soit passé le congé de l'Annonciation (25 mars), qui coïncide avec le sommet arabe qui se tient au Koweït (25-26 mars). C'est le président Sleiman qui conduira la délégation libanaise.
À l'ordre du jour du Conseil des ministres figure le pourvoi aux postes de vice-gouverneurs de la Banque du Liban les mandats des actuels vice-gouverneurs venant à expiration le 31 mars.
Lire aussi
Jungles d'asphalte, l'éditorial de Issa Goraieb
Salma Ya Salam(a), l'article de Ziyad Makhoul
Tripoli saignée à blanc dans l'indifférence générale
Toujours des attaques syriennes dans le Akkar et le jurd de la Békaa
Sleiman reproche au Hezb d'avoir « outrepassé » son mandat et l'invite à se retirer de Syrie
Pour mémoire
Israël menace de causer « des dégâts énormes au Liban » en cas d'attaque du Hezb
commentaires (9)
Qu'est ce que je me marre en ce moment , on est fort quand même dans ce beau pays , j'ai lu , entendu et enregistré dans mon cortex , et pas comme l'a fait l'ami de sarko, que jamais on accepterait à la tête du pays un phare Aoun , et voilà t il pas que j'entend des compatriotes à moi dire que des ressuscités pouvaient mourir à nouveau et que ma foi , s'il fallait passer l'éponge sur le venin qu'on a distillé tout au long de ce calvaire syrien , eh bien! qu'à cela ne tienne , on est prêt à se tenir debout à côté de celui qui semble être le plus fort, fusse t'il le rival et l'ennemi juré de celui qu'on défendait bec et ongles contre lui . Je le disais , notre mémoire est notre sauveur !
FRIK-A-FRAK
17 h 57, le 22 mars 2014