À en croire certains observateurs politiques sur la scène arabe, le raid israélien sur des positions du Hezbollah dans la Békaa près des frontières libano-syriennes n'est qu'une tentative de changer les règles du jeu. Les circonstances du raid, son timing et le lieu de l'attaque laissent croire qu'Israël a voulu embarrasser, voire coincer, le parti chiite, à l'heure où les développements s'accélèrent sur la scène syrienne et en Ukraine. Israël aurait, en fait, tenté de profiter de la situation générale pour créer une nouvelle équation. Les positions du Hezbollah dans la région existent depuis bien longtemps et ce n'est pas la première fois (ni certainement la dernière) que le Hezb y fait transiter des armes. Comment donc expliquer le timing de ce raid ?
Selon un ministre libanais, Israël a voulu rappeler qu'il existe toujours sur la scène régionale et qu'il est influent, le raid ayant troublé plus d'une partie à l'échelle locale et internationale et, surtout, le Hezbollah. En outre, l'État hébreu n'a pas publié un communiqué expliquant les visées de l'attaque comme il le faisait habituellement. Cela n'est pas sans nous rappeler le raid qu'Israël n'a pas expliqué sur des régions en territoire syrien, la cible s'étant avérée être des positions-clé d'un point de vue nucléaire. Perplexe, le Hezbollah a dû entamer de profondes discussions après l'attaque pour évaluer la situation, collecter les informations et étudier l'incident avant de publier un communiqué sur l'affaire. Et pendant que le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil tentait lui-même d'élucider le mystère du raid, les services de l'armée n'ayant pas pu aboutir à des informations précises, les avis au sein du Hezbollah étaient partagés au plus haut point, entre cadres désirant avouer et déclarer que ce raid est une attaque israélienne contre des positions du Hezb en territoire libanais et qu'il faut riposter, et entre cadres désirant ne pas afficher de positions claires à ce sujet et laisser à l'État le soin de prendre en charge cet incident. Pourquoi donc le Hezb devrait-il s'ingérer dans ce méli-mélo alors qu'Israël tentait justement de mélanger les cartes ?
Mais c'est finalement le premier avis qui a prévalu, le parti chiite ayant estimé qu'il est pratiquement impossible de passer outre l'incident sans aucune réponse politique qui constituerait un prélude à une réponse militaire. On ne pourrait, sur ce plan, laisser l'État hébreu croire qu'il est capable de changer les règles du jeu à sa guise et altérer les équations, parce que le Hezbollah est trop occupé en Syrie, au point de se désister de ses priorités et de ses constantes, en l'occurrence la lutte contre Israël.
Dans les milieux du 8 Mars, on affirme effectivement que la réponse militaire est probable, voire même nécessaire pour sauvegarder l'équilibre des forces entre les deux ennemis. Le Hezbollah ne s'apprêterait pas à entamer une lutte militaire classique, car il aurait déjà envoyé des obus en direction de l'État hébreu s'il le voulait. Aux dires d'un expert arabe, la réponse militaire du Hezbollah visera les intérêts d'Israël au Sud ou dans le monde et prendra l'État hébreu par surprise, sans qu'il ne soit averti du lieu et du timing de la réponse. Les autorités israéliennes ont déjà pris en tout cas leurs précautions sur ce plan et renforcé leurs mesures frontalières, après la déclaration du parti chiite qui a affirmé que le raid israélien ne passera pas inaperçu.
Par ailleurs, le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, devrait bientôt prononcer un discours pour mettre les points sur les i et révéler les détails de l'incident et ses dessous, toujours flous. En effet, il serait aussi très possible qu'Israël veuille fuir les pressions américaines pour signer un accord avec les Palestiniens, souhaité par le secrétaire d'État John Kerry avant la fin du mois de mai. L'État hébreu pourrait donc attiser les tensions régionales tout en profitant de l'ingérence du Hezbollah dans le bain de sang syrien, pour modifier les circonstances d'un éventuel accord avec la Palestine.
Liban - L’éclairage
Le Hezb répondra au raid israélien, sans pour autant s’engager dans une lutte militaire classique
OLJ / Par Philippe Abi-Akl, le 28 février 2014 à 00h00
RÉPONDRA SANS S'ENGAGER... EN ENGAGEANT LE LIBAN...
13 h 13, le 01 mars 2014