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Économie - Liban - Social

Les journaliers d’EDL, une affaire qui n’en finit pas de faire des vagues

Ils ont pris des mesures spectaculaires pour exprimer un ras-le-bol accumulé depuis plus de deux ans. Les journaliers d'Électricité du Liban ont bloqué hier la route du Nord pour protester contre le licenciement de 62 d'entre eux par leur employeur, la société privée KVA.

Ils ont pris des mesures spectaculaires pour exprimer un ras-le-bol accumulé depuis plus de deux ans. Les journaliers d’Électricité du Liban ont bloqué hier la route du Nord et rendu fous de rage des automobilistes paralysés des heures dans d’interminables bouchons pour protester contre le licenciement de 62 d’entre eux par leur employeur, la société privée KVA.

« Bloquer l'autoroute est désormais le seul moyen de faire respecter la loi et de préserver nos droits », criait hier matin Salman, un journalier d'Électricité du Liban (EDL) assis sur le bitume au milieu de l'autoroute Dora-Beyrouth. Ils étaient des dizaines à bloquer l'autoroute dans un sens d'abord, puis dans les deux sens, en réaction aux licenciements, qu'ils considèrent abusifs, de 62 de leurs collègues employés par KVA. Cette dernière est une entreprise libanaise privée, sous-traitante d'EDL pour les régions du Grand
Beyrouth et de la Békaa.

Cette action coup de poing a provoqué de gros embouteillages à l'entrée nord de Beyrouth pendant plusieurs heures et a suscité la colère de nombreux automobilistes. Vers 11h, alors que l'autoroute était bloquée dans les deux sens, malgré le déploiement d'une trentaine de membres des FSI, les journaliers ont fini par accepter d'envoyer une délégation au ministère de Travail.

Contacté par L'Orient-Le Jour, le ministre sortant du Travail Sélim Jreissati s'est dit très surpris de l'annonce de ce licenciement, qui a été effectué sans préavis aucun, communiquée au ministère. « Cette décision viole le code du travail et il est de mon obligation de rappeler KVA à l'ordre », a-t-il indiqué. Selon lui, la société est tenue à la continuité de l'emploi tel qu'il est stipulé dans le contrat signé avec EDL. « Bien entendu, un licenciement est possible en cas de manquement grave de la part d'un employé, mais dans ce cas-là cet argument ne peut être valable puisque c'est le caractère collectif du licenciement qui est remis en cause », a affirmé M. Jreissati. Une réunion est prévue avec les représentants de la société aujourd'hui à 8 h pour de plus amples explications de leur part. « Nous allons discuter de leur situation financière et essayer de comprendre les raisons qui les ont motivés à prendre cette décision, mais il est bien probable que KVA doive réemployer les 62 journaliers et peut-être même s'acquitter de dommages et intérêts », a poursuivi M. Jreissati.


Une trentaine de membres des FSI ont été déployés. Photo Elie Wehbé



Une situation précaire qui perdure depuis des années
Cette affaire de licenciement risque, semble-t-il, d'être rapidement solutionnée, mais le problème de fond, lui, n'est toujours pas réglé. En 2012, après de longs mois de bataille de la part des 2 500 journaliers qui réclamaient d'être cadrés au sein de l'institution, un accord politique avait été trouvé. Il prévoyait l'instauration d'un concours auprès du conseil de la fonction publique pour recruter et cadrer les journaliers dans les différents services d'EDL. Cet accord politique a été traduit en projet de loi, qui n'a toujours pas été approuvé et qui est prévu depuis des mois dans la prochaine session de l'assemblée plénière.

Dans un communiqué, la société KVA a fait allusion à ce projet de loi pour justifier les licenciements. « Le contrat que nous avons signé avec EDL le 2 avril 2012 prévoyait de rediriger certains des journaliers vers le concours de la fonction publique et de nous débarrasser ainsi du surplus d'employés. » Comme le projet n'a jamais été approuvé, la société a considéré qu'elle était en droit de se défaire de certains de ses employés « car ils représentaient un coût trop élevé pour l'entreprise ».

Mais les journaliers licenciés, qui semblaient avoir récupéré un semblant de stabilité, ne sont pas près de lâcher l'affaire. « 62 personnes, c'est 62 familles. Certains de ces journaliers se sont endettés pour subvenir aux besoins de leurs familles qui dépendent de ce petit salaire d'un million de livres libanaises », indique à L'Orient-Le Jour Hussein Naïm, un autre journalier venu participer au mouvement en solidarité avec ses collègues. Selon lui, le sous-traitant a informé les journaliers qu'une nouvelle vague de licenciements est prévue dans les jours à venir. « Ces hommes-là n'ont plus d'avenir, certains ont dépassé la cinquantaine, ils ne pourront donc pas retrouver un travail dans un autre domaine », ajoute-t-il. Selon Farid, un journalier licencié, « la société embauche depuis un certain temps des travailleurs étrangers, dont des Syriens et des Indiens, pour les former à notre travail. Ils veulent nous remplacer par une main- d'œuvre moins chère ».


Certains conducteurs ont été bloqués pendant plus de trois heures. Photo Elie Wehbé



Des réactions en série de soutien aux journaliers
La Confédération générale des travailleurs libanais (CGTL) a rapidement réagi hier en publiant un communiqué accusant la société KVA d'avoir violé les termes du contrat signé avec EDL. « Les raisons qu'avance la société pour justifier ces 62 licenciements sont erronées ; elle a agi de la sorte pour détourner l'attention sur ses propres manquements par rapport aux activités qui lui sont imposées dans le contrat », a indiqué le communiqué. La CGTL a appelé les autorités libanaises à cadrer ces journaliers au sein d'EDL et à interrompre tous les contrats avec les entreprises privées.

De son côté, le président de la commission parlementaire de l'Énergie et de l'Eau, le député Mohammad Kabbani, a critiqué le projet de loi relatif aux journaliers, qui est, selon lui, « biaisé et opaque ». « Dans un des points du contrat, il est stipulé qu'au terme des trois mois d'essai, les entreprises ont le droit de licencier les journaliers qu'elles jugent non nécessaires », a-t-il poursuivi. M. Kabbani a renvoyé la responsabilité de cette crise à « ceux qui ont mis en marche ce piège », faisant référence à EDL et au ministère de l'Énergie et de l'Eau. Le ministre Jreissati a rétorqué que l'affaire ne concernait aujourd'hui nullement EDL ou le ministère de l'Énergie, « elle relève uniquement du ministre du Travail qui est en train d'enquêter pour régler au moins cette affaire ».

« Bloquer l'autoroute est désormais le seul moyen de faire respecter la loi et de préserver nos droits », criait hier matin Salman, un journalier d'Électricité du Liban (EDL) assis sur le bitume au milieu de l'autoroute Dora-Beyrouth. Ils étaient des dizaines à bloquer l'autoroute dans un sens d'abord, puis dans les deux sens, en réaction aux licenciements, qu'ils considèrent abusifs,...
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