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À La Une - Violences

Liban : Tripoli de nouveau au bord de l’abîme

Un uléma sunnite, prosyrien et proche du Hezbollah, abattu par des motards cagoulés.

Dans la voiture de Saadeddine Ghiyé, les traces de sang sont fraîches.

Un nouvel épisode de la lutte qui oppose les groupes sunnites radicaux proches de la rébellion syrienne au Parti arabe démocratique (alaouite, prosyrien) qui tient militairement le quartier de Jabal Mohsen, s’est écrit dans le sang à Tripoli.
Un uléma sunnite, favorable au régime syrien, a été abattu hier matin à bout portant par deux inconnus circulant à mobylette, dans le centre de Tripoli. Dans un premier temps, les miliciens alaouites ont réagi avec sang-froid à cette liquidation, mais en soirée, des échanges de tirs sporadiques ont été entendus entre Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen. Cheikh Saadeddine Ghiyé a été mortellement blessé d’une balle dans la tête alors qu’il montait dans sa voiture, une Alfa Roméo couleur argentée, dans le quartier de Bahsa, à Kobbé.


Deux hommes cagoulés circulant sur une mobylette sont arrivés à sa hauteur et l’un d’eux, après avoir mis pied à terre, a tiré à cinq reprises avec son revolver, blessant grièvement ce religieux au crâne, à la nuque et au thorax, avant de prendre la fuite. Alertées par des témoins, les forces de l’ordre et une ambulance de la Défense civile sont arrivées sur les lieux. Toutefois, l’homme n’a pas survécu à ses graves blessures et est décédé à son arrivée à l’hôpital as-Saydé, à Zghorta.


Des inspecteurs de la police judiciaire ont ensuite examiné les lieux de l’attentat, à la recherche d’éventuels indices. On pense généralement, dans les milieux concernés, qu’il sera difficile d’identifier les agresseurs, la région où s’est produit l’attentat étant relativement pauvre et dépourvue de caméras de surveillance.


Âgé de 43 ans, membre du Front de l’action islamique (FAI), qui regroupe les organisations sunnites libanaises prorégime Assad, il avait été blessé, il y a quelques mois, par une grenade lancée en sa direction. Il était également proche de cheikh Hachem Minkara, chef de ce Front et du Mouvement de l’unification islamique (MUI), qui avait été arrêté durant quatre jours, car il était soupçonné de complicité dans le double attentat à la voiture piégée contre des mosquées de Tripoli, qui avait fait 45 morts le 23 août dans la capitale du Liban-Nord. Les engins avaient explosé à l’heure de la sortie des mosquées, un vendredi, jour de prière chez les musulmans.



« Un règlement de comptes avec la résistance... »
« C’est d’abord un règlement de comptes avec la résistance. » C’est en ces termes que le député Kamel Rifaï, membre du Front de l’action islamique, a décrit l’assassinat d’hier. « C’est ensuite un rejet radical de tous ceux qui pensent autrement qu’eux. » « Ghiyé, a ajouté le parlementaire, était un pacifiste luttant pour l’unité (islamique), un modéré. » Résidant à Kobbé, Ghiyé était titulaire d’un doctorat de l’université d’Alep. Il était proche du Hezbollah.


Les condamnations de l’attentat contre Saadeddine Ghiyé ont été généralement timides. Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Fayçal Karamé, a déploré cet acte.


De son côté, cheikh Hachem Minkara a demandé que soit mis un terme à cette anarchie sur le plan de la sécurité « avant qu’il ne soit trop tard », et invité le parquet à réagir sans tarder aux discours tenus dimanche dernier lors d’un rallye islamiste à Tripoli. « Le meurtre de Ghiyé, a-t-il estimé, s’inscrit dans la droite ligne des appels lancés au cours de cette manifestation », a-t-il insisté. Un communiqué du Hezbollah est allé dans le même sens. « À de tels actes, il faut une réponse nationale, une réponse collective de tous ceux qui refusent la discorde. Ne pas réagir, c’est inviter la situation à se dégrader d’avantage », a enchaîné l’uléma. « Une solution, et vite, si nous ne voulons pas avoir, tous, du sang sur les mains », s’est-il exclamé pour finir. Le Conseil supérieur islamique a vu dans le meurtre de Ghiyé « un crime barbare » qui a visé « un homme symbole lucide de l’islam ».


Pour endiguer la propagation de la violence sur le modèle de ce qui s’est produit hier, le vice-président du Conseil supérieur islamique, Abdel Amir Kabalan, a réclamé la formation au plus vite d’un « gouvernement national rassembleur ».

 

 

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