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Liban - Social

À Roumieh, où la drogue circule librement, la promotion d’une alternative à l’accoutumance

Un événement sur les traitements de substitution aux drogues a été organisé à la prison de Roumieh par des ONG. Le débat a mis en lumière la circulation des drogues dans l’espace carcéral.

Beaucoup de drogue circule dans la prison, déplorent les détenus. (Photo Hassan Assal)

La cour intérieure de la prison de Roumieh est jonchée de détritus et le « visiteur » est accueilli par une odeur âcre qui semble coller aux murs. Derrière les barreaux, les prisonniers sont nombreux à observer la cour : la surpopulation dans la plus grande prison du pays est évidente et des remarques fusent d’ici ou de là. Il faut dire que la monotonie de la vie quotidienne des détenus est rompue par l’arrivée de plusieurs journalistes, venus assister à une conférence de presse et au visionnage d’un film sur les traitements de substitution aux drogues, et sur la politique de prévention contre la propagation de maladies et autres risques. Un événement organisé par l’Association justice et miséricorde (AJEM) et l’organisation Menahra (« Middle East and North Africa Harm Reduction Association »), dans le cadre du deuxième congrès régional sur la lutte contre les risques de la drogue, qui s’ouvre aujourd’hui à Beyrouth.


L’idée est de promouvoir un traitement qui aide les drogués à ne plus dépendre des substances illicites et leur offrir une issue de secours. Un traitement qui existe depuis deux ans au Liban, mais pas dans les prisons.
Dans la pièce transformée en salle de projection pour l’occasion, ils sont plusieurs dizaines de détenus à assister à cette conférence qui les concerne, puisqu’elle vise à trouver une alternative à ceux d’entre eux qui ont une accoutumance à l’une ou l’autre des drogues. La plupart, sinon tous, sont jugés (ou en attente d’être jugés) pour des crimes en relation avec la drogue, trafic ou consommation. L’ambiance est fébrile et les prisonniers expriment volontiers leur scepticisme quant au programme de lutte contre la consommation de drogue, assurant que celle-ci circule en toute liberté dans la prison.


Sur la tribune, le capitaine Ghassan Maalouf, directeur de la prison, représentant le ministre de l’Intérieur Marwan Charbel, parrain de l’événement, le père Hadi Aya, président de l’AJEM, et Élie Aaraj, directeur exécutif de Menhara. Le capitaine Maalouf déclare d’emblée que les Forces de sécurité intérieure (FSI) privilégient la collaboration avec la société civile. À la question inévitable posée par notre consœur de la LBCI sur l’intérêt de parler de traitements alternatifs quand la drogue s’acquiert si facilement en prison, le capitaine Maalouf minimise la portée du problème, assurant qu’il est impossible d’arrêter toute contrebande. Selon lui, ce sont les parents de détenus qui introduisent les substances illicites dans les prisons, parfois en les cachant dans leur propre corps. Il assure que les gardiens ont rédigé ces cinq derniers mois non moins de 220 procès-verbaux pour contrebande de stupéfiants.


C’est un tout autre son de cloche qui nous parvient de certains détenus. Pour eux, il est impossible que la quantité de drogue disponible dans la prison provienne d’une petite contrebande de parents de détenus. Ils déplorent tous les dangers auxquels sont exposés les prisonniers, notamment les plus jeunes d’entre eux. « Ils sont cinq, six ou sept par cellule, et même s’ils ne se droguaient pas à la base, ils apprennent à le faire », nous dit un détenu plus âgé. « Ils se droguent souvent pour oublier leur malheur et pour faire passer le temps », nous lance un autre, qui dit ne plus consommer de stupéfiants. Les deux hommes ont une attitude paternaliste envers un jeune homme de vingt ans, qui attend d’être jugé pour trafic de drogue, un crime dont il se dit « innocent ». Il prononce ces paroles terribles : « Quand je sortirai d’ici, je serai capable de tout. Dehors, quand on se drogue, on craint les représailles. Ici, on le fait sous l’aile des autorités. »

 


« L’accoutumance, une maladie chronique »
Pourquoi en est-on arrivé là ? Interrogé par L’Orient-Le Jour sur la circulation de drogue et l’absence de traitements alternatifs dans la prison, le père Aya évoque le manque de décision et d’informations sur le problème. Selon lui, la lutte contre la drogue ainsi que les autres questions relatives à la réhabilitation des prisonniers ne sont pas une priorité pour les FSI, confrontées à de graves problèmes de sécurité qu’elles doivent toujours traiter en accord avec toutes les parties. Il plaide pour des solutions en profondeur, comme la création d’une unité spécialisée de gardiens de prisons et un changement culturel à tous les niveaux, plaçant beaucoup d’espoir dans le transfert du dossier des prisons du ministère de l’Intérieur à celui de la Justice.


L’AJEM et les autres associations n’étant pas à l’abri des critiques des détenus, le père Aya rappelle que le travail de volontariat de son association s’est imposé dans les prisons grâce à un réel militantisme. « L’AJEM a déjà aidé plus de 300 personnes, souligne-t-il. Mais nous n’avons pas les moyens de répondre à tous les besoins. Dans les pays du monde, les associations comme la nôtre sont des partenaires de l’État et non obligées de subsister seules. »
Autant le père Aya que M. Aaraj ont, durant la conférence, mis en garde les prisonniers contre les dangers auxquels ils sont exposés par la consommation de drogue dans la prison. M. Aaraj explique que les solutions proposées par son organisation, dans le cadre de son programme régional englobant quelque vingt pays, se présentent en neuf étapes dont la plus importante est celle de la distribution de médicaments alternatifs, accompagnée de traitements psychologiques et autres. « L’accoutumance à la drogue doit être vue comme une maladie chronique et il est temps que l’on commence à la traiter comme telle, explique-t-il. Les études montrent que les programmes de traitements alternatifs réduisent le risque de crimes liés à la drogue. »


La solution des traitements alternatifs peut-elle être considérée comme le remplacement d’une accoutumance par une autre ? Le débat n’est pas tranché, reconnaît le directeur exécutif de Menhara, ajoutant qu’il y a de sérieux arguments en faveur de cette méthode. « Des drogues comme l’héroïne perdent leur effet quatre à six heures après avoir été consommées, obligeant le drogué à rechercher une autre dose, explique-t-il à L’Orient-Le Jour. Alors que l’effet des médicaments peut durer de 24 à 36 heures, et présente moins de risques tels que les overdoses ou les contaminations de maladies. Cette méthode peut permettre dans certains cas au drogué de sortir du cercle vicieux, sinon elle peut être conçue comme un traitement à vie. »


Ramzi Jaffan, coordinateur des cliniques auprès de l’association Skoun, déplore pour sa part que l’emprisonnement soit toujours imposé aux drogués, qui ont besoin de traitement et de sensibilisation. « Avec un programme de prévention, on fait passer un message simple aux personnes sous l’influence de la drogue, celui de se protéger », dit-il, insistant sur l’importance du suivi psychologique.


Quelque 120 personnes non incarcérées viennent se fournir régulièrement auprès de l’AJEM, selon le père Aya. Le nombre de personnes qui ont adopté cette méthode au Liban, depuis deux ans qu’elle existe, est estimé à quelque 800.

 

 

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La cour intérieure de la prison de Roumieh est jonchée de détritus et le « visiteur » est accueilli par une odeur âcre qui semble coller aux murs. Derrière les barreaux, les prisonniers sont nombreux à observer la cour : la surpopulation dans la plus grande prison du pays est évidente et des remarques fusent d’ici ou de là. Il faut dire que la monotonie de la vie quotidienne des...

commentaires (1)

MDR dans toute les prisons du monde circule la drogue. elle passe par les avocats et les gardiens, il y a de la corruption ! alors comment expliquer que la drogue circule, qu'il y a des téléphones cellulaires ?????

Talaat Dominique

11 h 40, le 12 novembre 2013

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Commentaires (1)

  • MDR dans toute les prisons du monde circule la drogue. elle passe par les avocats et les gardiens, il y a de la corruption ! alors comment expliquer que la drogue circule, qu'il y a des téléphones cellulaires ?????

    Talaat Dominique

    11 h 40, le 12 novembre 2013

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