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Liban - Environnement

Le carbone stocké par les forêts, une valeur autant écologique qu’économique

Un programme régional du Fonds français mondial pour l’environnement (FFEM), qui inclut le Liban, a récemment fait l’objet d’un atelier de travail à Beyrouth.

Christophe Besacier : « Pour le plan de reboisement des 40 millions d’arbres, nous donnerons au Liban la capacité d’approcher les mécanismes de financement sur les marchés qui peuvent être intéressés sur le long terme par le carbone. »

Les forêts stockent du carbone, cela est bien connu. Ce qui l’est moins, c’est que ce stockage a une valeur économique puisqu’un pays peut dorénavant valoriser ses sites naturels dans le cadre du marché mondial du carbone. À titre d’exemple, un grand émetteur de gaz à effet de serre – il peut s’agir d’un pays ou d’une grande entreprise – peut, pour compenser le surplus de ses émissions dans l’atmosphère (responsables du changement climatique), financer un programme de préservation ou de reboisement dans le même pays ou ailleurs. L’idée est que ces nouvelles superficies plantées, par leur potentiel de stockage du carbone, compensent la pollution causée par les activités du pays ou de l’entreprise qui investit. Ce marché, aujourd’hui mondial, est né de la volonté – ou de l’obligation – de certains pays et industries de réduire leur contribution à l’effet de serre par des investissements dans les forêts (protection, réhabilitation, reboisement).
Ce marché est considéré par beaucoup comme une solution à ceux qui ont du mal à réduire leurs émissions, et comme une aubaine pour l’augmentation des superficies forestières et la préservation de celles qui existent déjà. À condition, diraient les détracteurs de cette idée, que de tels investissements ne deviennent pas des permis de polluer...
Une meilleure connaissance du fonctionnement du marché du carbone est l’un des principaux bénéfices d’un projet lancé et financé par le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) dans cinq pays de l’est de la Méditerranée, dont le Liban. C’est à Beyrouth que s’est tenue récemment une réunion du comité de pilotage de ce projet pour discuter des détails du programme.
Rencontré à Beyrouth, Christophe Besacier, expert forestier auprès de la FAO et un des experts du projet du FFEM, explique que l’une des composantes de ce programme est « la préparation d’une méthodologie adaptée aux forêts méditerranéennes, en vue d’obtenir des financements liés au marché du carbone, en particulier dans le cadre des initiatives sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, liées à la lutte contre la dégradation des forêts ». Mais cette composante n’est pas la seule, il y en a trois autres dans ce projet : l’analyse de la vulnérabilité des forêts méditerranéennes aux changements climatiques, la production et la valorisation des biens et services environnementaux (vente de produits locaux, mise en place d’activités écotouristiques...), et un perfectionnement de l’approche participative et de la gouvernance locale (avec les différents acteurs).
« Ce projet, lancé en septembre 2012, a été conçu pour fonctionner par sites pilotes, un dans chaque pays, souligne l’expert. Le comité de pilotage, composé d’experts de la FAO et du Plan bleu, a vocation de déterminer les activités qui seront exercées dans chaque site, qui est caractéristique des forêts que l’on trouve dans le pays. En Algérie, nous avons opté pour la pinède de Djelfa, à la limite du désert. Au Maroc, nous avons pris la forêt de la Marmora, un site de quelque cent mille hectares, dans lequel on trouve des chênes-lièges, des pins, des acacias, de l’eucalyptus... On a un site en Turquie avec des cèdres du Liban, des pins brutia... Au Liban, le site retenu est celui de Jabal Moussa, où l’on trouve des espèces endémiques du pays, dont plusieurs espèces de pins et de chênes, avec des ressources génétiques forestières intéressantes. »

De Jabal Moussa à 40 millions d’arbres
Le site de Jabal Moussa profitera donc de l’analyse de sa vulnérabilité aux changements climatiques, du développement des biens et services qui y existent déjà (comme l’importance de son potentiel touristique ou la nécessité d’y protéger l’eau qui alimente jusqu’à Beyrouth), et de l’amélioration de ses méthodes de gouvernance (comment mieux intégrer les acteurs locaux à la gestion du site, comment réduire les pressions sur la forêt...). Cependant, malgré ses qualités écologiques certaines, le site de Jabal Moussa, qui comporte quelques milliers d’hectares de forêts, reste bien trop petit pour être significatif au niveau du stockage de carbone, selon Christophe Besacier. « Voilà pourquoi, dans le cas du Liban, nous avons réorienté la composante en rapport avec le financement lié au marché du carbone, poursuit-il. En accord avec la direction des forêts du ministère de l’Agriculture, nous avons convenu d’affecter les ressources de cette composante à une étude sur le plan national de “quarante millions d’arbres”, un plan de reboisement futur sur tout le territoire national, visant à augmenter le taux d’espaces verts de 13 à 20 %. »
Pour la composante sur le stockage de carbone, 120 à 130 000 dollars seront consacrés à chaque pays, précise-t-il. Une expertise internationale sur la finance carbone et le calcul du potentiel de stockage de carbone dans les forêts sera présentée aux pays. « Pour le plan de reboisement des 40 millions d’arbres, nous donnerons au Liban la capacité d’approcher les mécanismes de financement sur les marchés qui peuvent être intéressés sur le long terme par le carbone », dit-il.
Quel serait le potentiel du Liban en matière de finance carbone ? « Le potentiel d’un pays est proportionnel au nombre d’hectares de forêt dont il dispose, répond Christophe Besacier. Il est clair qu’à ce titre, le potentiel du Liban sera plus faible que celui du Maroc, qui est moins important que celui du Gabon ou de l’Amazonie... Cela dit, ce potentiel existe quand même, et ces sources de financement liées au marché du carbone peuvent devenir une des sources de financement de ce plan de reboisement du Liban. L’idée est de donner au Liban les outils pour convaincre d’éventuels investisseurs de s’impliquer dans la plantation parce qu’ils veulent compenser leurs émissions de carbone. »
Le marché mondial de carbone est fluctuant et a déjà connu des crashs. N’est-il donc pas risqué ? « Même si ce marché comporte des risques, il reste important de tenir compte de ce paramètre et de mobiliser les ressources qui en découlent, dit-il. En fait, ce marché est tributaire de la situation économique, les investisseurs sont d’autant plus intéressés que l’économie est bonne. Dans le cadre du projet du FFEM, un expert de la FAO sera prêt à aider les pays dans ce sens. »
Le projet du FFEM se poursuit jusqu’à fin 2015. Il bénéficie d’un budget de 2 650 000 euros pour les cinq pays. « Nous travaillons aussi avec des partenaires comme la GIZ ou autres, dans le cadre du partenariat autour des forêts méditerranéennes (un réseau existant), d’où le fait que les ressources mobilisées seront certainement supérieures au budget brut du projet », précise Christophe Besacier.
Les forêts stockent du carbone, cela est bien connu. Ce qui l’est moins, c’est que ce stockage a une valeur économique puisqu’un pays peut dorénavant valoriser ses sites naturels dans le cadre du marché mondial du carbone. À titre d’exemple, un grand émetteur de gaz à effet de serre – il peut s’agir d’un pays ou d’une grande entreprise – peut, pour compenser le surplus de...

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