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À La Une - Le point

Les hochets de la Révolution

Le monde retient son souffle : quel nom va-t-il sortir des urnes demain ? La face du monde s’en trouvera-t-elle changée et dans quel sens ? Sommes-nous à la veille du big bang tant attendu, espéré même par la moitié de la planète ?

Non ? Rien de tout cela ?

Bon, on efface tout et on recommence, en rejoignant au passage, pour l’essentiel à tout le moins, Abolhassan Bani Sadr dans son analyse de la présidentielle iranienne qui se joue demain. Pour le premier président de la République islamique (janvier 1980 à juin 1981, date de sa destitution par le clergé), réfugié en France, il n’y aurait rien à attendre de ce scrutin, les six candidats demeurés en lice ayant été agréés par Ali Khamenei et lui étant donc redevables de leur bonne fortune, même éphémère.

Les thuriféraires du régime objecteront que la démocratie est sauve puisque six concurrents se disputent la palme, dont l’un, Hassan Rohani, est considéré comme un réformateur et un autre, Mohammad Gharazi, comme un indépendant. Ils feront valoir en outre que l’ayatollah Ahmad Alamolhoda, imam de la prière du vendredi dans la ville de Machhad, a lancé un vibrant appel à participer massivement à la consultation et menacé les récalcitrants des flammes de l’enfer. Pour faire bonne mesure, on rappellera aussi cette petite phrase à l’adresse des fidèles : « Les ennemis de notre leader appartiennent au parti de Satan (...). Notre guerre dans le monde est une guerre contre les adversaires de la règle du Guide suprême. »

Il y a tout lieu de douter que la question de la wilayet el-faqih figure en tête des préoccupations des quelque 50,5 millions de personnes qui s’apprêtent théoriquement à accomplir leur devoir d’électeurs. Les Iraniens sont concernés plutôt par les retombées de la conjoncture économique sur leur vie au quotidien et par le sort futur que l’Occident réserve aux sanctions qui frappent le pays en raison de la poursuite du programme nucléaire.

Selon le Fonds monétaire international, le PIB a baissé de 1,3 pour cent durant les cinq premiers mois de l’année en cours. Le Centre iranien des statistiques estime, lui, que le coût de l’habitat et autres dépenses domestiques ont plus que triplé depuis 2005, date à laquelle Mahmoud Ahmadinejad avait été élu pour un premier mandat. Le chômage atteint le chiffre inquiétant de 12,2 pour cent de la population active. L’inflation a franchi un nouveau palier (31,5 pour cent, soit un record en dix-huit ans) depuis mars dernier et la monnaie nationale, le rial, a encore perdu du terrain, sa valeur s’étant affaissée de 50 pour cent en un an. Les victimes, on le devine, sont la couche pauvre et la classe moyenne, avec pour conséquence directe la baisse d’influence du bazar.

Fidèle à un principe considéré comme un must dans l’univers politique, le Guide avait dès le départ deux fers au feu : Ali Velayati et Saïd Jalili. Le premier, un spécialiste des questions internationales et à ce titre un conseiller du leader de la Révolution, est un habitué des missions « secrètes » à l’Ouest, auprès des Américains en particulier, l’impératif étant de gagner du temps afin de permettre la poursuite du projet nucléaire. La spécialité du second est plus pointue. Ce « yes man », par ailleurs secrétaire général du Conseil national de sécurité, est en charge du dossier des négociations sur la bombe A, un domaine qui lui donne l’occasion de s’adonner à une sorte de tango diplomatique – un pas en avant, deux pas en arrière – dans lequel il a excellé jusqu’à présent.

Un troisième homme, Mohammad Baqer Qalibaf, pourrait jouer les trouble-fête. Présenté comme un conservateur pragmatique, cet ancien directeur de la police et ex-patron de l’armée de l’air des gardiens de la révolution a pour lui les multiples succès remportés en huit ans à la tête de la marie de la capitale. Pour cette raison, il bénéficie de la préférence des jeunes qui voient en lui un moindre mal et préfèrent oublier qu’il est le candidat des pasdaran. Lui-même n’hésite pas à rappeler ses hauts faits d’armes en 1999, lors de la révolte des étudiants. « À bord d’une motocyclette, avec Hossein Khaleqi, j’ai battu à coups de gourdin des contestataires et j’en suis fier », vient-il de confier à des journalistes.

Nombre de candidats retenus, diversité des programmes, absence de prise de position à un haut niveau : le décor mis en place peut faire illusion un court instant. L’impression que tout est joué d’avance n’en est pas dissipée pour autant, avec en filigrane la honteuse prestation de 2009. La lutte contre la paupérisation, la création d’emplois, l’ouverture sur le monde, tout cela attendra. Mais la société iranienne pourra-t-elle attendre ?
Le monde retient son souffle : quel nom va-t-il sortir des urnes demain ? La face du monde s’en trouvera-t-elle changée et dans quel sens ? Sommes-nous à la veille du big bang tant attendu, espéré même par la moitié de la planète ?Non ? Rien de tout cela ?Bon, on efface tout et on recommence, en rejoignant au passage, pour l’essentiel à tout le moins, Abolhassan Bani Sadr dans son...
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