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Nos Lecteurs ont la Parole

Les faux calculs d’Erdogan

Par Joseph W. ZOGHBI
Quand le Premier ministre turc, M. Recep Tayyip Erdogan, et son ministre des Affaires étrangères, M. Davutoglu, ont foncé tête baissée dans la crise syrienne, ils ne s’imaginaient pas qu’un jour ils devraient faire face à des difficultés chez eux en rapport direct avec leur conception de l’exercice de l’autorité 
Le « nouveau calife » à l’ambition démesurée a cru pouvoir faire revivre à la Turquie la puissance de l’Empire ottoman. Ce complexe de supériorité, qui a crû crescendo durant dix ans, appuyé par l’Anatolie sous-développée et fortement islamisée, et dont il voulait étendre le conservatisme sur les provinces occidentales turques profondément laïques, a été stoppé net par un brusque soulèvement interne commencé il y a quelques jours et qui été déclenché par une série de mesures coercitives, et surtout par le projet de piétonisation de la place Taksim et la reconstitution d’une ancienne caserne détruite au début du XXe siècle pour en faire un centre commercial, ce qui nécessiterait la destruction du parc de Gezi (parc de la promenade). Quelques jours auparavant étaient décidés le durcissement de la réglementation sur les boissons alcoolisées puis l’interdiction de quelques zélés du rouge à lèvres chez les hôtesses des Turkish Airlines, mesure qui a soulevé un tollé général et qui a été vite annulée. Des gouttes qui ont fait déborder le vase. Erdogan ne s’est pas rendu compte que les aiguilles de la montre ne peuvent pas revenir en arrière car ce qui était vrai il y a cent ans ne l’est plus forcément de nos jours, surtout que les Jeunes Turcs ne sont plus, et depuis longtemps, les sujets de la Sublime Porte. 
L’ambition du chef du gouvernement ne s’est pas arrêtée aux frontières de la Turquie puisqu’il a jugé, il y a deux ans, qu’il pouvait changer les régimes dans les anciennes contrées de l’empire du Levant en faisant fi de la souveraineté des pays en question et de citoyens arabes qui en ont bavé sous son occupation pendant 400 ans. 
M. Erdogan a cru que le monde avalerait ses couleuvres rien que pour assouvir sa soif de puissance. Il a agi sans considération pour faire passer sa politique sans faire cas de la moitié de sa population qui n’a pas voté pour lui, ainsi que de la forte minorité alevie qui n’a pas apprécié sa position intransigeante sur la Syrie aussi bien que sa volonté de baptiser le pont sur le Bosphore du nom de Sélim Ier, un sultan qui avait persécuté cette minorité. Sans compter ses écarts concernant l’Irak, ignorant le pouvoir central de Bagdad pour conclure un accord avec le gouvernement régional du Kurdistan, principalement sur le pétrole, et en envoyant les combattants du PKK vers ce pays, après ses accords avec Abdullah Öcalan, d’ailleurs toujours en prison. 
M. Erdogan ne s’est donc pas fait que des amis et il a cultivé l’art d’être l’ennemi de beaucoup, au point que nombreux sont ceux qui ne seraient pas mécontents de ses déboires et de le voir peut-être passer la main pour qu’ils puissent retrouver une Turquie tournée plutôt vers l’avenir que vers le passé. Les premiers à être contents seraient ses alliés américains qui ont vu d’un très mauvais œil ses écarts avec le pouvoir en Irak et son aide aux extrémistes en Syrie, ce qui a contrecarré leurs plans de se débarrasser d’Assad et les a obligés à composer avec les Russes au Proche-Orient de peur que les extrémistes ne prennent le pouvoir à Damas. Le résultat, avec un Genève 2 à venir, est un grand embarras pour lui car il devrait expliquer comment Assad ne se serait pas inquiété alors qu’avec son ministre des Affaires étrangères, ils ne cessaient de répéter, et continuent de le faire sans grande conviction, qu’il devrait s’en aller. 
Laïcs, alevis, Kurdes, Américains, Syriens, Arabes (sauf quelques-uns), Russes... Cela fait beaucoup d’ennemis. Avoir réussi à se mettre tout ce beau monde sur le dos est un exploit dont il aurait pu se passer.
Quand le Premier ministre turc, M. Recep Tayyip Erdogan, et son ministre des Affaires étrangères, M. Davutoglu, ont foncé tête baissée dans la crise syrienne, ils ne s’imaginaient pas qu’un jour ils devraient faire face à des difficultés chez eux en rapport direct avec leur conception de l’exercice de l’autorité 
Le « nouveau calife » à l’ambition démesurée a cru...

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