Maintenant que les alliances électorales ont été conclues et que les listes ont été formées et enregistrées, la bataille électorale peut commencer. Curieusement, et en dépit du fait que les élections se déroulent sur la base d’une nouvelle loi qui comporte beaucoup d’inconnues, cette bataille a pris pratiquement un cours normal. Autrement dit, les différentes parties ont commencé véritablement à se livrer la guerre, en revenant aux anciens slogans qui peuvent toujours servir à mobiliser les électeurs. Brusquement, c’est comme s’il n’y avait pas eu tous les changements des dernières années, notamment depuis l’élection de Michel Aoun à la présidence de la République, et le paysage électoral recommence à ressembler à celui que les Libanais connaissent depuis des années : des attaques verbales violentes et des échanges d’accusations qui sont la particularité traditionnelle des législatives libanaises.
Dans ce contexte, il faut préciser que la séance parlementaire destinée à l’examen du projet de loi sur le budget préparé par le gouvernement avait réellement quelque chose de surréaliste. D’abord, il est très rare que le Parlement tienne des réunions plénières en période électorale, qui tombe généralement après la fin de la session parlementaire ordinaire. Il a donc fallu l’ouverture d’une session extraordinaire pour que le Parlement puisse se réunir. Dans l’hémicycle, il y avait essentiellement les députés qui ne sont pas candidats aux prochaines élections (il y en a plus de 40). Ce qui donnait à leur présence un léger côté d’adieux émus. Il y avait aussi les députés du Hezbollah qui ont pris la parole pour concrétiser l’annonce du secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, sur le fait que la priorité du bloc parlementaire de la Résistance sera la lutte contre la corruption.
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Tous les députés se sont par ailleurs plaints d’être mis sous pression pour adopter la loi sur le budget dans les plus brefs délais, en raison des exigences de la conférence CEDRE qui doit se tenir à Paris le 6 avril. Comme si d’habitude, ils procédaient à des amendements importants du projet gouvernemental... Il faut dire que pendant des années, ils n’ont pas vraiment eu à faire ce travail, car il n’y avait pas de loi sur le budget, sauf celle de 2017 et, aujourd’hui, celle de 2018. Hier, en tout cas, les orateurs ont unanimement insisté sur leur volonté de combattre la corruption, face aux caméras qui retransmettaient la séance en direct. Au point que les téléspectateurs pouvaient légitimement se demander si toutes les parties politiques luttent contre la corruption, qui est donc responsable de la faillite non annoncée de l’État ? Ce n’est certes pas au Parlement, dont le mandat prolongé depuis 2013 expire le 31 mai que l’on trouvera la réponse à cette question. Il faudra donc attendre le prochain Parlement... qui risque toutefois de ne pas être trop différent de l’actuel.
Indépendamment des pronostics des spécialistes en sondages électoraux, il est clair, si l’on survole le paysage électoral, que la bataille opposera les différentes parties politiques, la société civile en dépit de ses efforts ayant peu de chances d’effectuer des percées significatives, pour de multiples raisons. Comme d’habitude, dans les échéances électorales, les batailles se dérouleront essentiellement dans les circonscriptions dont la majorité de l’électorat est chrétien : Bécharré-Zghorta-Koura-Batroun, Kesrouan-Jbeil, Achrafieh-Rmeil-Saïfi-Medawar et le Metn. Mais la nouveauté, c’est qu’il y aura aussi des batailles féroces dans les régions sunnites, notamment à Tripoli-Minié-Denniyé et à Beyrouth II, ainsi que dans la Békaa-Ouest. D’ailleurs, c’est dans ces circonscriptions que le plus grand nombre de listes s’affrontent : 9 à Beyrouth II et 8 à Tripoli. Il faut encore préciser que pour la première fois – et c’est sans doute grâce au mode de scrutin proportionnel – qu’il y a une bataille sérieuse dans une circonscription à majorité chiite, Baalbeck-Hermel, où les listes opposées à celles du tandem Amal-Hezbollah espèrent effectuer une percée dans le siège maronite, un des deux sièges sunnites et peut-être même un des six sièges chiites.
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Par contre, la circonscription où la bataille s’annonce la plus calme est celle de Tyr-Zahrani, où se présente le président de la Chambre Nabih Berry. Cette circonscription (sept sièges, six chiites et un grec-catholique) a le coefficient d’éligibilité le plus élevé du Liban avec 21 000 voix (il s’agit d’une estimation approximative) et, malgré cela, elle semble acquise à la liste du tandem chiite Amal et le Hezbollah. D’autant qu’elle n’a, en face d’elle, qu’une seule liste. Elle est suivie de près par la circonscription du Akkar (7 sièges, 3 sunnites, 2 orthodoxes, un maronite et un alaouite), dont le coefficient d’éligibilité est estimé à 20 000 voix, ainsi que par celle de Bint Jbeil-Nabatiyé-Hasbaya-Marjeyoun (11 sièges : 8 chiites, un sunnite, un druze et un grec-orthodoxe), dont le coefficient est aussi estimé à 20 000 voix. Dans cette circonscription, six listes s’affrontent, mais il y a un risque limité de percée, dans le siège sunnite occupé actuellement par Kassem Hachem, de la part de la liste appuyée par le courant du Futur et par le CPL.
Enfin, la circonscription qui a le coefficient d’éligibilité le plus bas est celle de Beyrouth I (Achrafieh-Medawar-Saïfi, Rmeil), estimé à 6 500 voix. Ce qui devrait en principe favoriser les petites listes (il y en a 5 au total).
Ce qui est sûr, c’est que l’issue du scrutin dépendra au final des électeurs qui seront convaincus ou non par les promesses ou les slogans des listes. Les grandes formations préfèrent en réalité qu’il n’y ait pas un taux de participation élevé. Car, de la sorte, la voie parlementaire sera ouverte à leurs candidats, puisqu’ils sont sûrs de leurs voix. Par contre, s’il y a un taux de participation élevé, cela signifiera que les électeurs en général non intéressés par le scrutin, cette fameuse majorité silencieuse, se dirigeront vers les urnes et ceux-là, leur vote n’est pas connu. Ils pourraient donc changer la donne...
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commentaires (6)
"...maintenant la bataille électorale peur commencer..." et on nous promet un Liban nouveau...ouauuuuu !!! Mais d'où peut-il sortir, puisque les mentalités et beaucoup des candidats sont strictement les mêmes... on prend dans le stock ancien, et avec un bâton magique on nous promet la main sur le coeur qu'il n'y aura plus de corruption, tout le monde sera honnête et dévoué corps et âme à sa patrie, oubliera ses liens avec des puissances étrangères envahissantes et que le Liban brillera à la face du monde...après le 6 mai 2018...oui ! oui ! Comme quoi certaines âmes crédules rêvent encore au Père Noël...même en cette fin du mois de mars 2018 Irène Saïd
Irene Said
15 h 37, le 29 mars 2018