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Liban - L’éclairage

Le cabinet dans les limbes en attendant l’administration Trump ?

TIMOTHY A. CLARY/AFP

Les obstacles artificiels posés par le duopole chiite et ses alliés à la formation du nouveau cabinet viseraient, selon des sources loyalistes, à faire pression sur le nouveau mandat, suite aux angoisses générées par les options étrangères exprimées par le président de la République, notamment sa réouverture en direction des pays du Golfe et de l'Arabie saoudite. Pour le tandem Amal-Hezbollah et les forces gravitant dans l'orbite syro-iranienne, il s'agit d'un basculement par rapport aux options antérieures défendues par le général Aoun.

Pour les milieux politiques du 8 Mars, les prises de position du chef de l'État et du chef de la diplomatie Gebran Bassil depuis le 31 octobre prennent pour cible l'axe de la moumanaa. C'est comme si les nouveaux alliés de Michel Aoun étaient le Premier ministre désigné, Saad Hariri, et le président des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, et qu'ils avaient réussi à l'entraîner dans le camp adverse.

Selon les sources loyalistes précitées, ces obstacles artificiels sont liés à des considérations à la fois locales et extérieures, notamment la tentative de démanteler l'alliance interchrétienne entre le Courant patriotique libre (CPL) et les FL, et frapper l'axe Baabda-Meerab-Maison du Centre pour assiéger le mandat à ses débuts et montrer que le passage obligé pour la formation du cabinet et, plus extensivement, de toute politique libanaise, reste Haret Hreik. Le duopole chiite cherche à réaliser ses objectifs à travers la formation du cabinet, en se servant de la nouvelle loi électorale comme instrument pour torpiller l'alliance FL-CPL. Les deux partis chrétiens et avec eux le Premier ministre désigné sont ainsi sommés par le Hezbollah d'adopter la proportionnelle, comme l'a fait comprendre le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, lors de sa dernière allocution.

 

(Lire aussi : La prise d'Alep serait-elle investie sur la scène libanaise ?)

 

 

Or la proportionnelle serait de nature à créer des frictions entre le CPL et les FL, après que le courant aouniste a réussi à assurer une part conséquente au parti de Samir Geagea au sein du nouveau cabinet– trois portefeuilles, et un quatrième à l'indépendant Michel Pharaon, après avoir concédé le portefeuille régalien. Saad Hariri, lui, se retrouverait contraint d'accepter la proportionnelle, en l'absence d'une opposition suffisamment solide, comme par le passé, de la part du chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt, vis-à-vis de ce projet et en raison de l'élargissement du cabinet à trente ministres, ce qui ouvrira la voie à l'intégration d'un certain nombre de ministres issus des rangs de la moumanaa. Ces derniers, « qui font partie du camp qui triomphe actuellement à Alep », ne sauraient être exclus du nouveau gouvernement, soulignent des sources proches de Aïn el-Tiné.

En fait, il apparaît que pour obtenir le feu vert en vue de la formation du cabinet, Saad Hariri doit d'abord annoncer son acceptation de la proportionnelle. Nabih Berry aurait sorti la formule du cabinet de trente comme un lapin du chapeau, tout en sachant fort bien qu'elle ne saurait être fonctionnelle. Le président de la Chambre ne s'était d'ailleurs pas opposé à la formule d'un cabinet de 24 lorsque Saad Hariri avait annoncé, au moment de sa désignation, qu'il comptait reproduire la morphologie du cabinet Salam. C'est sur base d'un cabinet de 24 que M. Berry a réglé le problème de la participation des Marada avec le chef de ce courant, Sleiman Frangié, en lui « concédant » le portefeuille des Travaux publics. Aussi le chef du législatif a-t-il été étonné lorsque le décret de formation du cabinet n'a pas paru au terme de cette démarche. De même, il n'était pas question, à l'époque, d'une relation quelconque entre la formation du gouvernement et la loi électorale.

Dans ce cadre, des sources loyalistes s'interrogent sur la partie qui a filtré les noms de certains ministres, notamment de ceux qui étaient dans l'équipe d'Émile Lahoud, et avec lesquels Saad Hariri et les FL n'entretiennent pas de bonnes relations. Or l'accès de l'une de ses figures – Yaacoub Sarraf – au portefeuille de la Défense constitue pour Meerab pas moins qu'une provocation et une rupture de la promesse faite par Gebran Bassil à Samir Geagea d'éviter une personnalité contestable à ce poste.

 

(Lire aussi : L'équation « ni vainqueur ni vaincu » au cœur du blocage, le décryptage, par Scarlett Haddad)

 

Mais, au-delà de tout cela, un autre facteur s'est invité dans le processus de genèse du cabinet : la chute d'Alep. Il n'est pas question pour le Hezbollah d'accepter de coexister avec un mandat qui l'appelle, à travers les institutions de l'État, à quitter le territoire syrien et à rentrer au Liban, ou à remettre en question l'existence de son arsenal. Le parti chiite tente d'anticiper certains changements qui pourraient être à son désavantage, notamment un rapprochement américano-russe avec l'arrivée de l'administration Trump au pouvoir le mois prochain. En attendant le triomphe absolu à Alep et la passation des pouvoirs aux États-Unis, le cabinet Hariri pourrait bien rester dans les limbes. D'ailleurs, le Premier ministre désigné aurait pris l'avion hier soir à destination de Paris, signe qu'aucun développement positif n'est encore prévu dans l'immédiat. Sauf s'il décide, de concert avec le chef de l'État, de mettre fin à cette mise en abîme de conditions rédhibitoires du tandem chiite en formant un cabinet de 24 sans plus tarder, conformément à leurs prérogatives.

 

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