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Culture - Rencontre

Le rêve américain d’un Cavaradossi libanais

Amine Hachem parle toutes les langues. Celle de Molière, de Shakespeare et du Moutanabbi, mais aussi celle de Stravinski, de Verdi et de Mozart.

Amine Hachem, une voix saine dans un corps sain. Photo Youssef Keyrouz

Ils prendront des cours de tennis, de thaï boxing, de danse classique, ou encore de dessin et d'échecs, voire même des leçons de chinois et surtout de piano. Quels sont les parents qui n'ont pas souhaité accumuler les activités à leurs enfants dans l'espoir de les voir un jour se produire dans une salle de concert, évoluer sur les planches d'un théâtre, participer aux finales junior sur un court en terre battue ou s'opposer à un autre échéphile ? Les années avancent et les enfants font leurs choix, abandonnent, se révoltent, déclarent n'avoir jamais été sportifs ou musiciens, si ce n'était la volonté de papa ou de maman. Mais pour Amine Hachem, quand, à l'âge de cinq ans, sous le regard bienveillant de son père musicien, ses doigts effleurent pour la première fois les touches blanches et noires, elles lui confirment une certitude, il sera musicien ou chanteur. Dès lors, aucun défi n'effraiera cet artiste aussi virtuose qu'intelligent.

 

Une famille en diapason
Dans la famille Hachem, les soirées se passent à danser sous la pluie de Fred Astaire, à s'envoler sous l'ombrelle magique de Mary Poppins et à se déhancher sur les canapés dans un rock and roll endiablé du King. Dans la maison Hachem, on s'endort bercé par la musique du piano et les envolées d'accordéon de papa. À l'âge de sept ans, Amine Hachem est le plus jeune élève au Conservatoire national supérieur de musique en formation classique. Il poursuit ses études en alternant les mi majeur et le théorème de Pythagore, en jonglant avec les croches et l'histoire de la Grande Guerre. À 19 ans, il part pour l'Allemagne pour une formation de chant classique, et décroche en 2009 son diplôme à l'Académie de musique et de théâtre de Munich.

De retour au Liban, il prépare sa licence en International Business et se produit les soirs dans les bars et les soirées privées. C'est dans le crossover qu'il fait ses premiers pas, ce genre musical qui fusionne plusieurs mondes musicaux en croisant de nombreux styles allant du rock à la soul, de l'afro aux musiques actuelles, du jazz au blues, de la musique orientale à la musique occidentale, du pop rock à l'opéra. Dans le contexte musical, le crossover désigne une hybridation, un croisement entre un style de musique et un autre, voire plusieurs autres. C'est ainsi que des mélodies contemporaines sont interprétées en version opéra. De sacrifices dans la vie sociale en hygiène de vie assez particulière, de détermination en combats acharnés, Amine Hachem devient une figure incontournable de la musique pop pendant neuf ans.

 

Un destin en consécrations
New York, la ville où tout est possible, lui ouvre les bras. Après des cours particuliers auprès de grands ténors, américains ou allemands, il devient lui-même un ténor de premier plan et se produit dans plusieurs opéras et comédies musicales : La Traviata de Verdi, La Tosca et La Bohème de Giacomo Puccini, Carmen de Georges Bizet, mais aussi Le fantôme de l'opéra. « J'étais au bon endroit, au bon moment », dira l'intéressé. Pour son premier grand rôle, Arvino dans I Lombardi de Verdi, la directrice de la compagnie le recrute, envoûtée par son talent, et lui donne un mois de préparation. Un rôle difficile et dramatique pour le ténor qui avoue : « Il arrive que des phrases prennent quelquefois jusqu'à un an pour être assimilées. » Après un entraînement acharné, l'artiste se retrouve dans les coulisses, le cœur léger et prêt pour sa consécration.

Depuis 2015, Hachem se produit régulièrement au 54 Below, un cabaret dirigé par des producteurs de Broadway et participe à un spectacle qui part de New York en passant par Washington et Détroit. Un spectacle avec des relents de son Orient natal. Des projets, il en a plein, un concert d'opéra classique au printemps 2017 au Carnegie Hall, et peut-être, un jour, inonder de sa voix un ciel méditerranéen, celui qui l'a vu naître.
Son rêve ? Andrea Chénier de Giordano dans 10 ans. Son obsession ? Ce petit muscle au fond de la gorge, un capital inestimable. Son sourire ? Une partie de foot avec les copains au Liban. Sa fierté ? Ses parents. Sa force ? Être conscient que son métier tient à peu de chose et se battre à toutes les répétitions comme si c'était la première. Son personnage préféré ? Cavaradossi de Tosca, un amoureux de la liberté, comme lui.
Modeste et humble, Amine Hachem est conscient de n'être « qu'un instrument pour le compositeur, je m'endors tous les soirs avec les lauriers pleins les yeux et me réveille tous les matins sur les bancs de l'école de la vie ». Profession ou identité ? Il mène une carrière que lui envieraient bien des artistes, une carrière qui exige des défis qu'il sait relever, haut la voix.

 

Ils prendront des cours de tennis, de thaï boxing, de danse classique, ou encore de dessin et d'échecs, voire même des leçons de chinois et surtout de piano. Quels sont les parents qui n'ont pas souhaité accumuler les activités à leurs enfants dans l'espoir de les voir un jour se produire dans une salle de concert, évoluer sur les planches d'un théâtre, participer aux finales junior sur...

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