Le tribunal spécial pour le Liban (TSL) a condamné lundi à une amende le rédacteur en chef du quotidien libanais al-Akhbar, proche du Hezbollah, reconnu coupable d'outrage pour avoir publié des informations sur des témoins confidentiels dans le cadre des procédures concernant l'assassinat de l'ancien-Premier ministre Rafic Hariri.
Ibrahim Mohamed Ali el-Amine est condamné à une amende de 20.000 euros (environ 22.500 dollars), et Akhbar Beirut, la société éditrice du journal, à une amende de 6.000 euros (environ 6.700 dollars), a déclaré le juge Nicola Lettieri, qui rendra ses motivations écrites ultérieurement.
Le juge compétent en matière d'outrage a ordonné que les deux amendes soient réglées en totalité le 30 septembre 2016 au plus tard, peut-on lire sur le site du TSL.
Le 15 juillet, le TSL, qui siège dans la banlieue de La Haye, avait jugé coupables le quotidien al-Akhbar et son rédacteur en chef pour avoir publié en janvier 2013, en version papier et sur le site Internet, deux articles en arabe contenant les photographies, les noms et des données personnelles de 32 témoins confidentiels.
Ces articles étaient titrés "Fuites du TSL: les témoins surprise de l'accusation" et "La liste des témoins du TSL: pourquoi nous l'avons publiée".
Le TSL doit "concilier la liberté de la presse et la nécessité de garantir l'intégrité des procédures engagées devant le tribunal", avait alors jugé M. Lettieri.
Ouvert en 2009, le TSL, chargé de juger les assassins de Rafic Hariri tué dans un attentat en 2005, est la bête noire du Hezbollah. Le parti chiite pro-iranien l'accuse d'être le fruit d'un complot "israélo-américain" visant à le détruire et exclut la remise des suspects en fuite malgré des mandats d'arrêt internationaux.
Plus tôt dans la journée, le procureur Kenneth Scott avait requis "une peine de deux ans d'emprisonnement et une amende de 75.000 dollars" à l'encontre de l'accusé, absent à l'audience et dont il a dénoncé l'attitude "irrespectueuse" envers le tribunal. Le procureur avait également requis une amende de 112.700 euros contre le journal. Mais une telle peine "reviendrait à pénaliser les employés et leurs familles", avait remarqué l'avocat de la défense commis d'office, Antonios Abou Kasm. "M. el-Amine n'avait aucune motivation criminelle derrière ces publications", avait-il précisé, sollicitant la seule "condamnation morale".
Le premier tribunal international ad hoc créé pour juger une attaque "terroriste" a été constitué par l'Onu à la demande du Liban, après l'attentat ayant coûté la vie à M. Hariri et à 22 autres personnes et fait 226 blessés le 14 février 2005 à Beyrouth. Le procès s'est ouvert en janvier 2014, en l'absence des cinq accusés. Le tribunal a annoncé en juillet qu'il ne poursuivra pas le procès du chef militaire du Hezbollah Moustapha Badreddine, reconnaissant qu'il avait bien trouvé la mort en mai en Syrie.
En avril 2014, le TSL avait décidé de poursuivre pour outrage et entrave à la justice deux journalistes et deux organes de presse libanais. Le tribunal a acquitté cette année en appel la chaîne al-Jadeed et sa rédactrice en chef adjointe, Karma Khayat, également accusées d'avoir diffusé des informations sur des témoins protégés dans plusieurs reportages.
Pour mémoire
Ibrahim el-Amine accuse le TSL d'être « politisé » et « illégitime » puis se retire de la séance
Hamadé déplore la chute d'« as-Safir » et d'« al-Akhbar » sur le plan éthique
Ibrahim Mohamed Ali el-Amine est condamné à une amende...
commentaires (5)
DE L,ARGENT... PERCES !
LA LIBRE EXPRESSION
21 h 59, le 30 août 2016