La visite du ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Chucri à Beyrouth a secoué la léthargie officielle. Aussitôt, les médias ont commencé à faire des spéculations sur l'existence d'une initiative égyptienne pour un déblocage présidentiel au Liban.
D'autant que l'Égypte de Hosni Moubarak avait joué un rôle décisif dans l'arrivée du général Michel Sleiman à la présidence en 2008, à travers les efforts déployés par le chef des SR égyptiens de l'époque, le général Omar Sleimane. De plus, le programme du ministre égyptien à Beyrouth est suffisamment chargé pour alimenter les spéculations.
En plus des rencontres officielles avec les responsables, le président de la Chambre, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères, M. Chucri a prévu de se réunir avec des leaders de différents bords, dont le chef du bloc parlementaire du Changement et de la Réforme, le chef des Forces libanaises et le chef du parti Kataëb. Selon certaines informations, il a été question d'une rencontre avec des représentants du Hezbollah, mais l'information n'a pas été confirmée. Officiellement, la visite du ministre égyptien à Beyrouth aurait pour objectif de lui permettre de s'informer des données présidentielles en écoutant toutes les parties.
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Et c'est dans ce but que le ministre a donné mardi soir un dîner à la résidence de l'ambassadeur auquel étaient conviés Michel Aoun, Samir Geagea, Amine Gemayel, Michel Sleiman, Fouad Siniora, Ali Hassan Khalil, Amine Gemayel, Rony Arayji (représentant Sleiman Frangié qui se trouve hors du Liban) et Gebran Bassil. Selon des sources proches de l'ambassade d'Égypte, le ministre égyptien a demandé à chacun des convives d'exposer son point de vue sur les causes de l'impasse politique actuelle et les possibilités de déblocage.
Selon les mêmes sources, l'atmosphère était détendue et les convives ont pris la parole à tour de rôle. Ils ont ainsi commencé par remercier le ministre pour son souci d'aider le Liban à sortir de la crise dans laquelle il se débat. Certains ont estimé que le retour de l'Égypte sur la scène régionale est une nécessité absolue, en raison notamment de ses relations acceptables avec la plupart des pays arabes ainsi que de ses positions modérées sur les dossiers conflictuels. Son engagement clair dans la lutte contre le terrorisme a été aussi salué. Ensuite, le dossier interne a été ouvert.
Pour certains, la crise actuelle n'est ni institutionnelle ni générale, elle se résume à l'élection d'un nouveau président, entravée par des considérations de politique interne libanaise. Pour d'autres, la crise est plus profonde et elle est due à l'entêtement du Hezbollah qui, en réalité, ne veut pas d'une élection présidentielle tant qu'il est occupé à se battre en Syrie, aux côtés du régime syrien. Selon cette opinion, le Hezbollah se cacherait donc derrière l'appui au général Aoun pour ne pas avoir à faire des concessions politiques alors qu'il est empêtré dans une guerre dont les enjeux le dépassent.
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Pour d'autres encore, la crise actuelle serait liée aux développements régionaux et à la tension entre, notamment, l'Arabie saoudite et l'Iran. Dans une autre version de la même idée, le problème résiderait plus spécifiquement chez l'Iran qui, à travers le Hezbollah, a pris la présidence du Liban en otage. Enfin, selon une dernière opinion, le problème de la présidence serait structurel, car il porte sur la participation au pouvoir de toutes les composantes du tissu social libanais et s'inscrit dans le cadre de turbulences régionales qui poussent les chrétiens à s'en aller.
À travers ces diagnostics différents, les solutions proposées étaient aussi divergentes, mais elles avaient un point commun, le souhait de voir l'Égypte reprendre sa place dans le monde arabe et dans la région. Certains ont suggéré que les Égyptiens évoquent le dossier libanais avec les Français, les Américains et les Russes pour que ceux-ci exercent des pressions sur l'Iran. D'autres se sont contentés de demander au ministre égyptien de tenter une médiation entre Riyad et Téhéran pour pousser ces deux capitales à renouer le dialogue entre elles, un tel dialogue étant utile, voire indispensable, pour débloquer la présidentielle libanaise.
Si le ministre égyptien a eu le tournis après avoir écouté un tel éventail d'opinions et de suggestions, les sources proches de l'ambassade ne le précisent pas. Par contre, elles laissent entendre que le ministre n'est pas venu à Beyrouth porteur d'idées particulières ou d'un plan précis. Il est conscient de la difficulté de résoudre à l'heure actuelle la crise politique au Liban et il est simplement venu sonder les intentions des différentes parties.
À la question de savoir si le ministre égyptien a consulté les autorités saoudiennes avant de venir à Beyrouth, et s'il propose l'aide de son pays avec l'accord de Riyad, les sources proches de l'ambassade se contentent d'affirmer qu'il s'agit d'une initiative purement égyptienne, dictée par l'intérêt que porte Le Caire au Liban. Cet intérêt n'est pas seulement politique, puisque l'économie a occupé une partie des entretiens, en particulier le dossier des ressources pétrolières et gazières, d'autant qu'un grand gisement de gaz a été récemment découvert en Égypte. Au final, la visite du ministre égyptien a été l'occasion pour les parties libanaises de faire le point sur la présidentielle, étalant ainsi l'ampleur de leurs divergences et pour le ministre égyptien de mesurer la difficulté de revenir sur la scène régionale par la porte libanaise...
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commentaires (5)
Nawaf el-Moussawi est un personnage courtois qui ne se moque de personne. Simplement il confond involontairement entre le mot "élection" et "désignation". C'est un lapsus banal de langage seulement. Il vient de déclarer : "L'élection de Michel Aoun est sur le point d'être conclue." (An-Nahar du 18/8/2016) mais réellement, il veut dire : "La désignation de Michel Aoun est sur le point d'être conclue" sans préciser par qui ? Par le Hezbollah, l'Iran, la Syrie, l'Egypte, l'Arabie saoudite ou le Père Ubu ?
Un Libanais
16 h 35, le 18 août 2016