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Moyen Orient et Monde - Turquie

Dans l’après-putsch, Erdogan surfe sur la vague de l’antiaméricanisme

Poignée de main entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et son homologue américain Barack Obama, le 5 septembre 2014, lors d’un sommet de l’Otan au pays de Galles. Charles Dharapak/AFP

Depuis le putsch raté, une vague d'antiaméricanisme s'est levée en Turquie, sur laquelle le président Recep Tayyip Erdogan et son gouvernement surfent à volonté, au risque de compromettre durablement les alliances d'Ankara. La montée de l'antiaméricanisme en Turquie repose sur l'idée, véhiculée par la presse, que les États-Unis n'ont pas été solidaires de leur allié turc après le putsch et qu'ils ne montrent aucun empressement d'en extrader le cerveau désigné : Fethullah Gülen, ex-imam exilé aux États-Unis. Ou pire, qu'ils sont complices. C'est en langage peu diplomatique que le ministre de la Justice Bekir Bozdag a averti Washington que l'antiaméricanisme en Turquie « atteignait un sommet » et menaçait de se transformer en « haine », si « le terroriste » Gülen n'était pas extradé.

Le département d'État a dénoncé « une rhétorique incendiaire absolument inutile » et a appelé « les médias, la société civile et le gouvernement turcs à faire preuve de responsabilité dans leurs déclarations ».
Dès après le putsch raté, l'ambassadeur des États-Unis en Turquie, John Bass, avait rejeté la théorie d'une complicité américaine comme « scandaleuse ». L'ambassade avait aussi dénoncé sur Twitter un photomontage où M. Bass apparaissait auprès d'un putschiste la veille du coup d'État raté, comme « une fabrication » destinée à « miner l'alliance turco-américaine ». Le quotidien progouvernemental Yeni Safak avait, lui, publié un article intitulé « Les États-Unis ont essayé d'assassiner Erdogan ! ».

Ibrahim Karagül, éditorialiste radical proche du président Erdogan, y assurait que « l'administration américaine a planifié de tuer le président (Erdogan) et a mis en œuvre ce plan ». « Une grande majorité de la population turque pense que les États-Unis sont responsables », dit Sinan Ulgen, ex-diplomate, chef du think tank Edam à Istanbul, « bien sûr les médias portent le message du gouvernement ».

« Période émotionnelle »
« L'Amérique ici ne pense qu'à ses intérêts. Et c'est la Turquie qui en pâtit », assure Cihan, un jeune Stambouliote rencontré près du Bosphore. Le président Erdogan, qui a convoqué dimanche dernier une impressionnante marée humaine à Istanbul huant le nom de son ennemi juré, a pour « stratégie (...) de fabriquer une union sacrée contre Gülen. D'ailleurs, en Turquie, personne ne prend sa défense », relève Bayram Balci, du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po.

« La stratégie d'Erdogan, c'est de montrer que les Américains apportent leur soutien à un mouvement terroriste, le PKK (guérilla kurde), et aussi à l'organisation de Gülen », explique le chercheur, interrogé depuis Washington. « Il va se développer un certain antiaméricanisme en Turquie », Erdogan « en a besoin pour asseoir la politique de la Turquie dans la région, pour renforcer sa position auprès de l'opinion publique », prédit M. Balci.

Cela est d'autant plus facile que la Turquie traverse « une période émotionnelle » après le choc traumatique du 15 juillet, mais, à terme, il faudrait que le gouvernement « commence à calmer le jeu », sinon « cet antiaméricanisme va être nuisible à la Turquie elle-même », estime Sinan Ulgen. Le plus dangereux « serait de voir cet antiaméricanisme s'enraciner dans la société turque », avertit-il. Ceci pourrait « mettre en péril l'appartenance de la Turquie à la communauté transatlantique », dit-il au sujet de l'Otan, dont Ankara est un membre-clé. Toutefois, s'il est exacerbé actuellement, le sentiment antiaméricain n'est pas nouveau en Turquie.

Un antiaméricanisme « porteur »
« Même avant le putsch raté, il y avait une méfiance, un soupçon à l'égard des États-Unis », un pays qui ne voudrait pas d'« une Turquie forte » et jouerait plutôt « la carte kurde », estime M. Ulgen.
La question kurde n'est pas négociable pour Ankara, qui place au même niveau la menace des « terroristes » du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et celle des jihadistes du groupe État islamique (Daech). « Les Turcs sont remontés contre l'Amérique », dit Bayram Balci, « ils se sentent piégés » par les États-Unis « qui soutiennent toutes les forces anti-Daech, y compris le PKK » en Syrie.
La « stratégie (d'Erdogan) c'est aussi d'avoir un levier dans ses relations difficiles avec les États-Unis », dit M. Balci.
« L'antiaméricanisme, dans tous les pays, ça marche politiquement. » Et ça marchera tant que l'administration américaine ne se sera pas saisie du dossier d'extradition de Gülen. Ensuite, « on arrivera à une deuxième étape, celle du pouvoir judiciaire, qui sera plus ou moins longue, et ce sentiment brûlant (antiaméricain) sera mis au repos », estime M. Ulgen.

Depuis le putsch raté, une vague d'antiaméricanisme s'est levée en Turquie, sur laquelle le président Recep Tayyip Erdogan et son gouvernement surfent à volonté, au risque de compromettre durablement les alliances d'Ankara. La montée de l'antiaméricanisme en Turquie repose sur l'idée, véhiculée par la presse, que les États-Unis n'ont pas été solidaires de leur allié turc...

commentaires (2)

MINISTRE DE LA JUSTICE QUI PARLE DE -HAINE-. ON AURA TOUT VU... LA POLITIQUE N,EST POINT PILOTEE PAR LES SENTIMENTS MAIS PAR LES INTERETS... ON A VU COMMENT ERDO QUI MENACAIT HIER LA RUSSIE A CHANGE SOUS LE POIDS DES INTERETS ECONOMIQUES... BIEN SUR...

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 58, le 14 août 2016

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Commentaires (2)

  • MINISTRE DE LA JUSTICE QUI PARLE DE -HAINE-. ON AURA TOUT VU... LA POLITIQUE N,EST POINT PILOTEE PAR LES SENTIMENTS MAIS PAR LES INTERETS... ON A VU COMMENT ERDO QUI MENACAIT HIER LA RUSSIE A CHANGE SOUS LE POIDS DES INTERETS ECONOMIQUES... BIEN SUR...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 58, le 14 août 2016

  • Facile ...de faire de l'antiaméricanisme dans la région ...! avec le bilan désastreux des Bush ,Clinton et Obama , les américains ont eux mêmes alimenté le flot d'anti-américanisme....

    M.V.

    08 h 43, le 14 août 2016

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