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Liban - Rencontre

Aïda Touihri, première invitée des « Rendez-vous médias » de l’IFL : « Raconter une anecdote pour relater l’événement... »

Présentatrice de l’émission d’actualité hebdomadaire « 66 minutes » sur la chaîne M6, Aïda Touihri, Franco-Tunisienne, tente d’allier la mission d’informer aux exigences d’un public parfois désintéressé.

L’Institut français du Liban (IFL) a reçu hier, pour la première édition de ses Rendez-vous médias, la journaliste franco-tunisienne Aïda Touihri. Elle s’est exprimée sur les moyens de rendre l’actualité internationale accessible au grand public, dans le cadre d’un débat animé par Gisèle Khoury, journaliste et directrice du centre SKeyes pour les libertés médiatiques et culturelles, partenaire de l’événement.
Rédactrice en chef et présentatrice du journal télévisé sur la chaîne M6, Aïda Touihri anime également, depuis quatre ans, l’émission d’actualité hebdomadaire 66 minutes. « Cette double casquette », comme elle l’exprime, lui permet de maîtriser différentes formes du traitement de l’information : le factuel rapide, bref et concis du journal télévisé (JT), dont la durée ne dépasse pas les 20 minutes ; la possibilité de développer l’information, de la revisiter à travers des angles nouveaux, de l’habiller de nuances qui attirent le public, à travers les reportages longs (de près de 10 minutes) diffusés sur 66 minutes. Alors que moins de deux minutes sont consacrées à l’actualité internationale dans le JT, le magazine, lui, consacre le quart de ses reportages au terrain étranger.
C’est donc la problématique de la sélection de l’information qui a meublé une bonne part du débat : quel équilibre établir entre la pression de l’audimat et le rôle du journaliste d’éclairer des réalités parfois négligées, ou occultées ? Aïda Touihri rappelle d’abord la loi de la proximité, « cette règle presque mathématique en vertu de laquelle le public est d’abord intéressé par l’événement qui lui est proche (géographiquement, temporellement...) ». À ce principe s’ajoute « le phénomène de lassitude », qu’il faudrait à tout prix éviter. Par exemple, l’énumération du nombre de décès quotidiens, advenus lors d’événements continus dans une région éloignée du public, risque d’ennuyer le téléspectateur. « C’est malheureux, mais c’est la réalité d’un travail journalistique qui se trouve constamment confronté aux exigences des annonceurs », reconnaît la jeune journaliste, consciente des enjeux d’un métier aux prises avec les autres acteurs du terrain public.
Mais cette réalité est loin de signifier la résignation à ce que certains sociologues qualifient de dictature de l’audimat. La méthode relative aux reportages de 66 minutes le prouve. « Le but du magazine n’est pas d’évoquer les grands enjeux de la politique internationale », précise-t-elle d’abord. D’ailleurs, la chaîne M6 elle-même, troisième chaîne française en audience, se positionne sur le terrain du divertissement et de l’information accessible. L’émission 66 minutes est parvenue toutefois à transmettre des réalités sociales, voire politiques, « en racontant une histoire, où le destinataire de l’information s’identifie à la personne que décrit le reportage ». Un sujet international, qui peut ou pas intéresser les gens, « est traité à travers une anecdote, qui est, au final, une porte d’entrée à l’histoire entourant le terrain de l’événement ». C’est là une concrétisation du travail substantiel que peuvent offrir les médias, dans un emballage aisé, presque ludique à dérober.

« L’individu », au centre de l’information
Ce qui motive cette approche est « l’intérêt porté à l’histoire de l’individu », et c’est en cela que le journalisme puise ses préceptes d’abord dans « l’école de la vie », confie Aïda Touihri, dans un aparté avec L’Orient-Le Jour. Cet intérêt porté à l’individu est indissociable du respect porté au téléspectateur. « En aucun cas, le journaliste ne doit pas guider l’opinion, mais il est tenu d’informer, d’attirer l’attention du public sur un point déterminé. Nous nous devons donc de lui fournir toutes les clés qui l’habilitent à analyser l’événement et à se constituer une opinion qui lui est propre », affirme-t-elle.
Cet équilibre, la journaliste le trouve également à son échelle personnelle. Son identité « métissée », pour reprendre les termes du directeur de l’IFL Aurélien Lechevallier, a accru son souci d’impartialité. Elle révèle qu’un même reportage lui vaut parfois « des accusations contradictoires de sionisme et d’islamophilie ». « Je me trouve parfois prisonnière de cette double appartenance franco-tunisienne », confie-t-elle. Elle rappelle néanmoins avec fermeté « ne jamais vouloir étaler ses convictions propres dans l’information qu’elle traite ». Si elle reconnaît que « l’impartialité n’est pas chose aisée », l’angle du sujet étant en soi un choix subjectif, Aïda Touihri décrit toutefois la rigueur simple qui fonde l’éthique journalistique : « Faire entendre les deux sons de cloche et transmettre les opinions qui se heurtent. » Préserver ce principe et l’affermir avec l’agressivité qu’impose le terrain, c’est ce qui semble avoir permis à cette fille d’immigrés « analphabètes », selon ses propres termes, de maîtriser une carrière qui l’a prise au dépourvu, alors qu’elle venait de finir ses études de psychologie...
L’Institut français du Liban (IFL) a reçu hier, pour la première édition de ses Rendez-vous médias, la journaliste franco-tunisienne Aïda Touihri. Elle s’est exprimée sur les moyens de rendre l’actualité internationale accessible au grand public, dans le cadre d’un débat animé par Gisèle Khoury, journaliste et directrice du centre SKeyes pour les libertés...
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