Après avoir exposé le contexte global dans lequel le printemps arabe a eu lieu dans plusieurs pays de la région, le document relève que le bouleversement en cours « a suscité et continue de susciter l’inquiétude et l’appréhension de certains groupes religieux, sociaux et politiques, sur base de la prise de conscience des intérêts, des expériences du passé, des aspirations ou des espoirs brisés ». « Parce que ce changement a bel et bien eu lieu, et parce que nous, public du courant du Futur, en faisons partie, nous avons jugé nécessaire d’exprimer notre solidarité et notre participation à travers un document qui englobe les principales orientations de notre pensée et de notre action en cette étape historique, souligne le document. Nous considérons le changement arabe comme une période de maturité, une nouvelle voie, une chance et un défi à la fois. C’est une chance, en ce sens qu’il place la nation arabe, dont nous faisons partie, à l’orée d’un nouvel avenir empli des ambitions de la jeunesse de notre nation de fonder des régimes politiques sur base du respect des droits et des libertés publiques, notamment les libertés religieuses, de la préservation de la dignité humaine, de la justice et de la droiture dans la gestion des affaires publiques. C’est un défi à notre aptitude, nous citoyens libanais, à la révision et à la critique, à la renaissance morale, culturelle et politique, au dépassement – par le travail et l’action éclairée – des séquelles de la période passée, marquée par le despotisme et l’extrémisme et par les politiques des axes, période qui a divisé les sociétés et forgé une rivalité entre la religion et l’État, entre les sociétés et leurs dirigeants. »
Et d’ajouter : « Le changement lancé par la jeunesse arabe est un processus démocratique à long terme, qui va au-delà de la tenue d’élections donnant lieu à une majorité gouvernante. C’est aussi une culture, une égalité totale entre les citoyens, une préservation des libertés publiques, un respect de la diversité et du droit à la différence, et un rejet du monopole des majorités, quelles qu’elles soient. » (...)
Trois niveaux
« Nous, au sein du courant du Futur, considérons que le printemps arabe, de par sa large mouvance populaire et sa grande capacité de changement dans le monde arabe et régional, offre une chance exceptionnelle au Liban, à ses citoyens et à son système, pour sortir des enjeux et des dépendances. Cette chance se manifeste à trois niveaux :
1- Les changements stratégiques engendrés par les mutations démocratiques et la coopération véritable et efficace des États de la Ligue arabe sur différents plans, de sorte qu’il n’y ait plus de possibilité de politiques des axes et d’ingérences partitionnistes et destructives de la part des protagonistes régionaux et internationaux.
2- La transition vers la démocratie en cours en Syrie, de manière à rectifier la relation entre les deux pays sur base de l’égalité et de l’équilibre, tel que l’a dit le Conseil national syrien dans son communiqué en date du 25/1/2012 et dans son message de solidarité adressé à l’alliance du 14 Mars à l’occasion de la commémoration de l’assassinat du président Rafic Hariri. Le Conseil y a évoqué la correction radicale des relations entre les deux pays, en ce qui concerne l’amendement des accords, la démarcation des frontières, la solidarité et la coopération dans la protection des intérêts, et les liens naturels entre les deux peuples et États.
3- La prise de conscience par les Libanais, et parmi eux ceux qui utilisent les armes pour intimider les autres, en cette nouvelle ère arabe, de leurs intérêts nationaux, arabes et islamiques, et cela en choisissant, par une volonté commune, la réforme, la réconciliation, Taëf et la Constitution. »
« Toutefois, la transformation stratégique résultant du lancement des mouvements de changement arabes ne suffit pas à renforcer et à réhabiliter le nationalisme libanais, après les échecs et les défaites qu’il a accusés. Toutes les parties politiques libanaises sont tenues d’accompagner le changement arabe. Des responsabilités incombent aussi à la jeunesse libanaise, qui a une conscience civile, nationale et patriotique, et qui a fait ses preuves durant le printemps libanais, en offrant des martyrs. Et voilà que leurs camarades arabes écrivent, par leurs luttes, une nouvelle histoire, bâtissent de nouveaux systèmes qui, quoique controversés, balaient les temps de crise morale, politique et stratégique. Aussi la conscience civile et transformatrice de toute la jeunesse libanaise, toutes appartenances confondues, basée sur les libertés individuelles et publiques, et la citoyenneté fondée sur l’égalité des droits et obligations, est-elle capable d’insuffler un nouvel esprit à la coexistence et de donner un élan à la Constitution reposant sur la citoyenneté et le nationalisme libanais. Nous appelons à un nationalisme libanais basé sur le concept de l’État de la citoyenneté démocratique et exhortons tous les Libanais à participer à l’élaboration de politiques qui nous débarrasseraient des manifestations négatives du système et mèneraient progressivement au véritable État civil. » (...)
De la question islamo-chrétienne
« Au fil de l’histoire, les musulmans et les chrétiens ont bâti, ensemble, leur culture, leur civilisation et leur vie. Main dans la main, ils ont forgé leur identité nationale, lutté pour libérer leurs nations arabes des occupations étrangères et fait face aux souffrances et répercussions de la domination de certains régimes politiques autocratiques et irrationnels. Puisque nous évaluons les conséquences du mouvement de la jeunesse sur le Liban et la région, nous nous devons de mentionner que les chrétiens arabes étaient parmi les premiers contributeurs à la renaissance arabe, à l’esquisse de l’identité et de l’appartenance arabes et à la préservation de la langue de la nation et l’enrichissement de sa culture. Aussi leurs intellectuels et politiques ont-ils été, aux côtés des musulmans, les pionniers de la renaissance arabe moderne, du mouvement de rayonnement et d’ouverture arabe et de l’édification de l’État national dans l’Orient arabe. À maintes occasions, durant les périodes du conflit portant sur le Liban et la région, et dans les combats sur le territoire libanais, il a semblé impossible de combler le fossé entre musulmans et chrétiens, sachant qu’il était essentiellement dû à des facteurs extérieurs non religieux. Les accords de Taëf ont toutefois consolidé, chez les deux parties, les considérations de coexistence et d’appartenance et de sort communs. Le conflit s’est ainsi terminé, ce qui a poussé Sa Sainteté le pape feu Jean-Paul II à dire en 1994 que le Liban est plus qu’un pays, c’est un message !
« Après le lancement du mouvement de changement et son arrivée en Syrie, beaucoup d’entre nous ont été choqués par les déclarations de dignitaires religieux et civils, de différentes confessions, au Liban et en Syrie, concernant leurs appréhensions et inquiétudes. Ils se basaient sur : l’émergence d’un visage islamiste radical dans certaines de ces révolutions ; le sort subi par les chrétiens d’Irak après l’invasion américaine de 2003 (assassinat de personnalités religieuses et démolition d’églises) ; le vandalisme par des extrémistes à l’encontre d’églises en Égypte ; le progrès enregistré par des partis islamistes aux élections dans plusieurs pays ; et enfin l’exode massif des chrétiens des quatre coins de l’Orient arabe, qui a eu lieu avant les révolutions, et qui risque d’aller crescendo à l’ombre des bouleversements accompagnant les changements de régimes et de dirigeants. Ces appréhensions pourraient être justifiées et requièrent donc examen, révision et compréhension. Toutefois, leur imputer des conséquences politiques inexorables est une tout autre affaire. Dans les temps modernes, la majorité écrasante des musulmans n’a pas fait montre d’extrémisme ou de violence à l’encontre des chrétiens ni sympathisé avec les extrémistes. Le changement a eu lieu. Il serait néfaste de miser sur des régimes tyranniques agonisants, qui ont causé les souffrances des chrétiens comme des musulmans. De surcroît, les alliances et les projets fondés sur la notion de minorité n’ont pas d’avenir et n’ont rien à voir avec les chrétiens arabes que les musulmans ne considèrent pas comme minoritaires tout comme ils ne se considèrent pas eux-mêmes comme tels. Ils sont des partenaires dans la culture, l’appartenance et le destin, loin de la logique de protection adoptée par certains régimes et dont les répercussions se sont avérées très négatives. »
Heureusement qu'il y a le Courant du Future au Liban, même si je n'approuvais pas ses positions dans le passé mais c'est toujours mieux que le Hezb al-Tahrir. Au Liban, les chrétiens ont beaucoup sacrifié pour conserver leur présence et ont surpris les ondes occidentaux en refusant de vivre à genoux. Quelque soit l'après-Assad, nous avons vu le pire. Et quoi encore de plus pire que nous avons vécu. Pierre Hadjigeorgiou et Sakr Lebnan, ensemble nous formons un bon bloc parlementaire sur ce forum. Élie Khoueiry
14 h 41, le 08 mars 2012