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Culture - Danse

Lorsque Mia sauva le poisson rouge

Ceci n’est pas un poisson d’avril. Ce solo, dansé par Mia Habis, chorégraphié et scénographié par Omar Rajeh, est une « Conversation intime avec un poisson rouge ». Et il en a des choses à dire, le petit carassin.

Mia Habis : des haïkus dansés autour d’un poisson rouge.

Elle étouffe, tente d’ingurgiter ne serait-ce qu’une petite particule de CO2. Peine perdue. Elle suffoque. Elle coule. Et emporte avec elle toute notre sympathie.
Mia Habis – silhouette vêtue de noir, les cheveux attachés en une queue-de-cheval en biais, pour accentuer, sans doute, le côté juvénile, impuissant, de son personnage – incarne avec grâce et émotion un petit poisson rouge, qui se débat pour gagner son droit à une existence digne et libre.
C’est son premier long solo à Mia Habis, qu’on a déjà vue sur les planches en compagnie de noms bien confirmés comme Eszter Salamon, Marcel Leemann, Luc Dunberry... Et elle revient de Berlin où elle a suivi une résidence/atelier de travail avec Julian Hamilton, à l’invitation de Sasha Waltz. Avec son bagage de danseuse classique, ses renforcements en styles contemporain, africain, oriental et butô, sans oublier sa pratique des arts martiaux Kali Sikaran, Habis danse une mémoire chargée de gestes et de cultures.
Sa «Conversation intime avec un poisson rouge» commence derrière une cloison construite tout en transparences, comme un panneau japonais. Cela tombe bien, puisqu’on l’observe se débattre et battre le sol, dans une perspective d’ombres chinoises. Puis le panneau coulisse et l’on nage avec elle de surprise chorégraphique en trouvaille scénographique. Spectacle de 50 minutes, entrecoupé, hachuré comme un haïku... japonais. De petites séquences, des instantanés, marquant le temps d’une respiration, d’un souffle, sur une musique originale de Daniel Balaban, «elle me galvanise, me donne le rythme», dira d’elle Habis, lors de la discussion avec le public qui suit toujours les représentations à Maqamat. Comme des haïkus brefs, qui suggèrent avec le moins de mots, les gestes de la danseuse permettent d’enchâsser une vision, une image, même banale, un instant, des instants d’émotions.
Une plongée rafraîchissante bien que le sujet soit plutôt tragique. Parce ce que le poisson rouge est sans doute l’animal domestique le plus maltraité au monde. Contrairement aux pratiques communes, ce petit carassin n’est pas fait pour vivre dans un petit bocal. L’espace est très vite pollué, le poisson n’a pas assez d’oxygène.
De plus, la croyance populaire veut que les poissons rouges soient dotés d’une ridicule mémoire de trois secondes. Cela apaiserait notre conscience puisqu’une telle durée leur éviterait un ennui mortel dans le bocal de quelques centimètres cubes. En fait, cette info serait infondée et même erronée. De récentes études ont démontré en effet que les poissons savent reconnaître un son associé au repas (comme le réflexe de Pavlov chez les chiens), même après avoir retrouvé leur liberté, et ce jusqu’à un an après!
Mais au fait, nos dirigeants ne nous prendraient-ils pas pour des poissons rouges, par hasard?
Cette chorégraphie s’inspire justement du printemps arabe et «de ce qu’il est convenu d’appeler un éveil des civilisations arabes, soulignent Rajeh (danseur chorégraphe, directeur fondateur de Maqamat Dance Theater) et Habis. Le corps, auquel tant de restrictions ont été imposées, est dès lors actif, résistant et engagé, affirmant son être et sa présence. Il peut donc présenter sa puissance et sa conscience grâce à sa vivacité. Le corps n’a jamais été virtuel, il était présent dans les rues, construisant sa réalité future.»
Ce n’est donc pas un poisson d’avril que le tandem «maqamatien» a collé au dos de l’assistance ce soir-là. Mais cette dernière est quand même sortie les épaules lourdes. En se promettant de ne plus jamais faire souffrir... un poisson rouge.

* Ce soir et demain, à 20h30, puis le 18 avril (dans le cadre de Bipod 2012), au Maqamat Dance Studio, immeuble Estral Hamra, 2e étage. Billets en vente chez Antoine Ticketing : Tél. : 01/218175. Informations au 01/343834.

Fiche technique

Omar Rajeh : chorégraphie et scénographie
Mia Habis : danse et texte
David Habchy : animation et graphiques
Daniel Balaban : composition musicale
Louise Parnel : assistante scénographe
Jennifer Hachem : directeur de plateau
Joe Kesrouani : photographie
Produit par Maqamat Dance Theatre.
Elle étouffe, tente d’ingurgiter ne serait-ce qu’une petite particule de CO2. Peine perdue. Elle suffoque. Elle coule. Et emporte avec elle toute notre sympathie. Mia Habis – silhouette vêtue de noir, les cheveux attachés en une queue-de-cheval en biais, pour accentuer, sans doute, le côté juvénile, impuissant, de son personnage – incarne avec grâce et émotion un petit poisson...

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