Rechercher
Rechercher

Économie - États-Unis

Après une énième crise, la « démocratie en Amérique » en question

L’affrontement entre la Maison-Blanche et les républicains sur le budget et la dette a inquiété l’économie mondiale.

Barack Obama a affirmé hier que sa réforme de la santé ne se résumait pas à un site Internet, mais a reconnu que le portail lancé pour accompagner cette politique n’avait « pas fonctionné aussi bien qu’il le devait ». Saul Loeb/AFP

Pendant plus de deux semaines, le monde a suivi avec consternation la énième crise politique qui a agité Washington avant d’être résolue in extremis, certains se demandant si la « démocratie en Amérique » n’était pas à bout de souffle.
« Piteux spectacle », pays « dysfonctionnel », « à la dérive », voire « gouvernement en faillite » : les commentateurs n’ont pas été tendres pour décrire l’affrontement entre la Maison-Blanche de Barack Obama et les républicains du Congrès, sur le budget mais aussi la dette.
S’agissant de la première puissance mondiale, l’inquiétude se comprend : un défaut de paiement des États-Unis, évité de justesse dans la nuit de mercredi à jeudi dernier après 16 jours de crise aiguë, aurait pu provoquer des dégâts bien au-delà de leurs frontières.
Ce genre de crise « encourage nos ennemis, enhardit nos concurrents et affaiblit nos amis », a affirmé jeudi M. Obama au terme de cet épisode déclenché par un petit groupe d’élus ultraconservateurs du « Tea Party », déterminés à saboter la réforme de l’assurance-santé promulguée par le président.
L’influence disproportionnée du « Tea Party » est l’héritage d’un système d’équilibre des pouvoirs hérité des « pères fondateurs » de la démocratie américaine il y a plus de deux siècles, et où les minoritaires ont toujours leur mot à dire.
Contrairement à ses homologues étrangers bénéficiant de solides majorités parlementaires, M. Obama a les mains liées par son opposition, qui contrôle la Chambre des représentants et donc les cordons de la bourse de l’État fédéral.
Et faute de coopération des conservateurs, les ambitions législatives de son second mandat ont jusqu’ici toutes été déçues, qu’il s’agisse d’un rééquilibrage de la fiscalité, du contrôle de la circulation des armes à feu ou d’une réforme de l’immigration. Pourtant, la cohabitation entre un président américain et un Congrès aux mains d’un autre parti n’a pas toujours abouti à un blocage similaire à ceux qui agitent le pays depuis que les conservateurs se sont réinstallés à la Chambre début 2011.
Dans les années 1980, le républicain Ronald Reagan avait réussi à faire adopter une partie de son programme grâce à sa bonne entente avec le président démocrate de la Chambre, Tip O’Neill. Dix ans plus tard, Bill Clinton et Newt Gingrich avaient aussi coopéré après un blocage initial.

Polarisation
Pour Lara Brown, professeur de sciences politiques à l’université George-Washington, les deux partis de gouvernement sont de moins en moins enclins au compromis, conséquence de redécoupages électoraux qui transforment certaines circonscriptions en forteresses inexpugnables.
L’émergence des télévisions câblées professant une ligne conservatrice, comme Fox News, ou plus à gauche, comme MSNBC, permet à chacun d’être conforté dans son idéologie. Sur le fond, l’évolution démographique des États-Unis a abouti à la disparition progressive des républicains modérés issus des États du Nord-Est, souvent remplacés par des « Tea Party » représentant les zones rurales.
Cette polarisation géographique est frappante sur la carte des résultats de l’élection présidentielle de 2012 : les côtes est et ouest ont choisi Barack Obama tandis que le « Midwest » et le Sud se sont prononcés en majorité pour son adversaire républicain Mitt Romney.
Apolitiques et respectés, deux spécialistes du Congrès, Thomas Mann et Norman Ornstein, avaient publié en 2012 un livre intitulé It’s even worse than it looks (C’est encore pire que cela en a l’air) qui avait fait grand bruit : ils y affirmaient que les républicains portaient la responsabilité de la détérioration du climat politique à Washington.
Ils assuraient que le parti avait tourné le dos au compromis, à la recherche d’une pureté idéologique à rebours de la tradition d’arrangements qui sous-tend l’histoire parlementaire américaine.
Mais l’épilogue de la crise la semaine dernière, même s’il n’a rien résolu sur le fond et augure de possibles nouveaux affrontements budgétaires début 2014, a pour certains démontré la viabilité du système.
Les « Tea Party » n’ont pas obtenu la « rançon » que leur refusait M. Obama, et un compromis a bien été scellé. « Le système était suffisamment solide pour les mener au bon endroit », remarque Patrick Griffin, expert en sciences politiques à l’American University de Washington.
« S’il faut avoir l’estomac solide dans un tel système, ce dernier peut aboutir en fin de compte à une solution », explique-t-il.
©AFP
Pendant plus de deux semaines, le monde a suivi avec consternation la énième crise politique qui a agité Washington avant d’être résolue in extremis, certains se demandant si la « démocratie en Amérique » n’était pas à bout de souffle.« Piteux spectacle », pays « dysfonctionnel », « à la dérive », voire « gouvernement en faillite » : les commentateurs n’ont...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut